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YUNGBLUD @ Supersonic (17/01/18)

Figure de proue des Cent Artistes qui vont faire parler d’eux en 2018 du NME, Yungblud s’impose peu à peu comme l’un des nouveaux projets les plus excitants d’Angleterre. Quelques jours avant la sortie de son premier EP, le jeune Anglais donnait son tout premier concert parisien au Supersonic, avec à ses côtés les Français de Morning Robots et Casablanca Drivers.

On vous en avait parlé l’été dernier pour notre RockUrScene#44, les garçons de MORNING ROBOTS sont les premiers à monter sur scène ce soir. Faisant probablement partie de ces groupes ayant appris à jouer de la guitare en se saignant les doigts sur du Arctic Monkeys ou du The Strokes, la bande joue un rock frais, accrocheur et percutant. Entre deux riffs entrainants et bien sentis (“Late-Night Show”), Morning Robots glisse des morceaux trainants et plus mélancoliques (“Fall For You”). Comme preuve de son amour pour le rock britannique, la formation s’attaque à Royal Blood avec une reprise de “Where Are You Now?” qui fonctionne à merveille avec la voix grave du chanteur Romain Duquenoy. Si la bande est un poil statique, on le mettra sur le compte de l’exiguïté de la scène, offrant une marge de manoeuvre plutôt réduite pour cinq musiciens.

Statique, c’est bien le dernier mot auquel on penserait quand on a YUNGBLUD sous les yeux. Il est d’ailleurs difficile de coller le moindre mot, la moindre étiquette sur le jeune Anglais de dix-neuf ans tant il s’applique à ne pas rentrer dans les cases. Arrivé devant le public dix minutes avant le début de son set, il arpente la scène dans son sweet à capuche noir et ses chaussettes roses en sautillant comme un boxeur qui s’apprête à monter sur le ring. Et dès que sonne le début du match, c’est en véritable tornade que se transforme le chanteur. Yungblud – Dominic Harrison de son vrai nom – possède le charisme naturel de ces gens qui étaient destinés à finir sur scène. Incapable de garder ses semelles collées au sol plus de quinze secondes, il bondit dans tous les sens et va chercher son public. Un tel déploiement d’énergie est forcément communicatif et il ne faut pas longtemps pour que le Supersonic entier trépigne avec l’artiste. Et quand il attaque son single “I Love You, Will You Marry Me” et ses accents à la Arctic Monkeys, c’est sous son regard étonné et ravi que l’assemblée reprend en choeur le refrain. Si l’ombre de la bande d’Alex Turner plane toujours sur scène (riffs cinglants et accent du Yorkshire oblige), Yungblud ne se résume pas uniquement à un énième mec du nord de l’Angleterre ayant suivi les pas de la bande de Sheffield. Riche d’influences éclectiques, la musique du jeune Britannique se fait plus pop sur “Polygraph Eyes”, se frotte au hip hop sur “Anarchist” et mixe le tout tel du Jamie T en plus énervé sur l’ultra catchy “King Charles”. Le fil rouge de ses morceaux ? Des paroles engagées sur le capitalisme, la gentrification ou le consentement sexuel, saupoudrée d’une impertinence typiquement anglaise. Yungblud a des opinions bien tranchées et les revendique haut et fort de sa voix traînante, parfois éraillée, malheureusement trop souvent couverte par les instruments de ses deux musiciens. Son assurance et sa pointe d’insolence pourraient être énervantes, mais c’est tellement bien fait que c’est seulement captivant. Comme ultime détonation, il termine avec l’explosive et résolument plus rock “Tin Pan Boy”, qui retourne une dernière fois le Supersonic. Quelques jours avant la sortie de son premier EP, le terriblement Anglais Yungblud est venu avertir le public parisien qu’il faudra désormais compter avec son charisme redoutable et son énergie explosive. Le genre de concert qui vous permettra de dire “je l’ai vu à ses débuts”, avant que son nom soit sur toutes les bouches.

Ils ont arpenté tous les bars de la capitale, baragouinent en espagnol entre leurs morceaux et leur musique évoque les plages de sable de la West Coast américaine. Pourtant, c’est de l’Ile de Beauté que débarque l’ultime groupe de la soirée. Et quoi de mieux pour finir qu’une escale en Corse avec CASABLANCA DRIVERS ? Fini les influences anglaises et la grisaille british, c’est un rock beaucoup plus lumineux à la californienne que la bande, originaire d’Ajaccio, offre ce soir. Voguant entre synthés rétro (“Das Autobahn”), mélodies aériennes (“La Ola”) et guitares survitaminées (“Dallas”), Casablanca Drivers oscille entre indie psychédélique et surf rock décontracté, portés par la complémentarité des voix des deux chanteurs, Nicolas Paoletti et Alexandre Diani. Faisant successivement danser, sauter et planer son auditoire, la bande fait souffler un vent d’insouciance et de franche déconnade grâce à une bonne dose d’autodérision et une énergie solaire dont seuls les groupes ayant grandi loin de la pluie et des nuages ont la recette.