
Quatorze mois ! Quatorze mois que les fans de Twenty One Pilots trépignent d’utiliser leur précieux sésame. Une impatience renforcée depuis par la découverte du dernier album, Clancy (2024), plébiscité dans nos colonnes. C’est donc une certaine fébrilité qui parcourt les rangs des Banditos, qui ont mis les petits plats dans les grands pour coller au lore du groupe. Du simple bonnet rouge à la tenue complète du ninja, en passant par l’emblématique peinture noire, tous patientent dans la chaleur parisienne. Pour un concert à la hauteur de l’attente ?
Balu Brigada
Signe que cette date était attendue, la fosse est déjà pleine pour la première partie. Et ça s’entend ! Les Néo-Zélandais de BALU BRIGADA arrivent ainsi sous les vivas de l’Accor Arena. Le quatuor est emmené par deux frères, se partageant le micro à tour de rôle. La formation délivre une pop alternative qui s’insérerait parfaitement dans une playlist d’afterwork de très bon goût. C’est accessible, smooth … mais presque trop pour leur propre bien. En effet, même si Balu considère qu’il en faut peu pour être heureux, force est de constater que le set manque un peu de puissance pour une arena. Malgré une belle volonté de faire participer le public, ce manque d’aspérité empêche cette performance de dépasser le stade de l’agréable moment. Elle aura néanmoins permis de lancer les applaudissements et de préparer les flashs. Cela pourrait éventuellement servir pour la suite…
Twenty One Pilots
Alors qu’un grand rideau baissé cristallise l’impatience d’un Accor Arena plein à craquer, plusieurs fans munis d’un QR code sensibilisent le grand public sur un happening prévu plus tard dans la soirée. Il faut dire que le niveau d’engagement des fans de TWENTY ONE PILOTS est impressionnant, et témoigne de sa capacité à fédérer autour de thématiques universelles. Il suffit d’ailleurs qu’une voix robotique retentisse pour que les tribunes se lèvent au quart de tour. Tous ont reconnu l’ouverture de Clancy (2024), “Overcompensate”, et acclament les premières frappes du batteur Josh Dun. Tyler Joseph fait ensuite son apparition micro en main, naturellement cagoulé pour coller à l’esthétique dystopique développée dans leur discographie. Welcome back to Trench!
Cette thématique sera filée pendant les deux heures de show. Souvent galvaudé, ce qualificatif est ce soir on-ne-peut-plus approprié. Le spectacle est partout, tant sur scène que dans les tribunes. Dès le second morceau, le frontman interprète une partie de “Holding On To You” sur les barrières, avant de grimper sur son piano. Il sera rapidement rejoint par Josh, qui regagne sa batterie… d’un salto. Le rythme est d’ores et déjà effréné, tout est pensé pour qu’aucune rupture ne compromette l’immersion. En ce sens, les transitions sont tout simplement soyeuses. On passe ainsi de ce morceau à “Vignette” sans même y penser. On retrouvera également plus tard cette fluidité assez jubilatoire entre “Heathens” et “Next Semester” (déjà un classique), ou encore “Nico And The Niners” et “Heavydirtysoul”.
Immersion totale
À ce stade de l’article, si vous trouvez que les superlatifs se multiplient dangereusement, attendez la suite. Car le quatrième morceau, “Car Radio”, va faire rentrer la performance dans une nouvelle dimension. Le toujours cagoulé Tyler fait passer un nouveau cap à son personnage de ninja. Profitant de l’obscurité, il saute soudainement dans une trappe située sur scène pour réapparaître aussitôt … tout en haut d’une tribune ! S’ensuit alors la conclusion rageuse du titre, marquée par le geste symbolique du chanteur qui arrache sa cagoule, dissipant les derniers doutes sur son identité.
L’effet est saisissant, et constitue une belle récompense pour les fans qui esquivent depuis de longs mois les spoils sur les réseaux. Pour célébrer ce moment et permettre à Tyler – ou plutôt Clancy – de regagner la scène, le groupe a choisi de mettre son public à l’honneur. Alors que les paroles de “The Judge” projetées façon karaoké défilent, les écrans diffusent des images de fans captées dans l’après-midi. Une très belle façon de montrer leur reconnaissance envers leur fanbase.
Il est criant de voir que le duo a vraiment le souci de se rendre visible de tous, peu importe le prix de la place (il n’y a d’ailleurs pas de carré or ce soir). A l’image d’un flambeau porté symboliquement par Josh au niveau de la régie, toute la salle est propice à performer. Que ce soit en parcourant les travées, en jouant au cœur du public (voire même SUR le public). La scénographie comporte également deux plateformes surélevées, à mi-fosse. Cet espace sera notamment l’occasion de partager le micro avec un très jeune fan. Le dénommé Jules, moins de 10 ans, aura ainsi le privilège de lancer, avec la manière, l’explosion finale de “Ride”. Un moment symptomatique du très bon esprit de cette soirée.
Un public en or (et rouge)
De l’aveu même de Tyler, cette date était particulièrement attendue de leur côté. Et c’est peu dire que l’auditoire a fait honneur à cette attente ! Non content de scander chaque parole, l’Accor Arena joue pleinement son rôle de “3ème homme“. Face à pareille alchimie, le rendu visuel est spectaculaire. On retiendra notamment le balancier d’une marée de bras sur “Backslide”, donnant l’impression de faire face à une anémone géante.
Non contente de répondre aux sollicitations du groupe, la fanbase va même jusqu’à les anticiper. Étape forte de la tournée, la levée de flashs en rythme sur les paroles de “Mulberry Street” est ici précédée d’un happening, dessinant un drapeau bleu blanc rouge via les écrans de smartphone. Une belle attention qui n’est pas passée inaperçue, tout comme la nuée de flashs rouge et jaune sur “Paladin Strait”.
Cette soirée étant décidément touchée par la grâce, rarement une organisation n’aura été aussi réactive pour venir en aide aux spectateurs en difficulté. On appréciera à ce titre la considération manifestée par le groupe au personnel de sécurité et aux secours. Et ce, dans ses actes (un sourire, un check) comme dans ses discours.
Alors, performance parfaite ?
Avec tous ces ingrédients, ce concert ressemble donc fortement à la soirée parfaite. Si vraiment on devait pinailler, on pourrait déplorer un “Midwest Indigo” un peu vite expédié et un “Heathens” très beau visuellement mais en deçà en termes d’émotion. D’ailleurs sur ce plan, on cherche encore la raison justifiant le choix d’interpréter la version single de “The Craving” à la place de sa version album, infiniment plus touchante…
Néanmoins, le groupe aura largement l’occasion de se rattraper dans ce registre. D’abord en interprétant la fameuse B.O. “The Line”, tirée de l’excellente série Arcane. Un moment hors du temps, désarmant de beauté. Puis en clôturant le set principal avec “Paladin Strait”, éclairé à la lueur des flashs jaune et rouge. Magique ! À noter que Josh participe vocalement à ce titre, assurant une partie de “Bandito” en parallèle de la ligne de chant principale. Si Tyler possède une intensité magnétique, son comparse présente pour sa part une sérénité à toute épreuve. Et inutile de préciser que chaque couche de vêtement enlevée était un véritable défi adressé à nos tympans…
Fun fact : malgré leur rayonnement, un autre duo a été au centre de l’attention ce soir. En effet, l’ultime morceau de la soirée a donné lieu à une demande en mariage. On souhaitera aux néo-fiancés de partager la même complicité et auto-dérision que celle affichée par Tyler et Josh sur “Lavish”, qui tient toutes ses promesses en live. Un moment qui parfait le caractère mémorable de cette soirée, achevée avec un “Trees” interprété au beau milieu de la fosse.
Ce soir, Twenty One Pilots a prouvé qu’on pouvait conjuguer la démesure d’un show millimétré avec une extraordinaire proximité. Plus qu’un concert, nous venons d’assister à la célébration d’une formidable alchimie public/artiste. Une seule question désormais : arriveront-ils à faire encore mieux la prochaine fois ? Nous avons en tout cas hâte de le découvrir.

















































