
En ce 28 novembre, Paris se fige sous la bruine tandis que La Cigale s’apprête à briller aux couleurs du Weirdo Tour. Deux groupes venus du froid, un autre débarqué des États-Unis, une salle qui se remplit doucement et une tournée emmenée par le dernier album de The Rasmus, Weirdo. À l’ouverture des portes, la fosse clairsemée attend encore son frisson. Dans l’air flotte un mélange de nostalgie, de curiosité… et de riffs chargés de mélancolie nordique.
Block Of Flats
Les premiers à briser le silence sont BLOCK OF FLATS. Un “Bonjour Paris !” lancé avec aplomb, et “Set The World On Fire” embrase les premières minutes. Le cocktail de screams incisifs et de chant clair place immédiatement la barre haut, même si le public reste encore prudent, préférant les applaudissements mesurés. Jonne Nikkilä, veste en cuir et lunettes noires vissées au nez, impose instantanément la présence du frontman sûr de lui. Dès “Lifeline”, il tombe la veste, dévoile un débardeur et laisse les guitares s’aiguiser autour de lui.
Les singles récents – “I Got Your Back (If You Got Mine)”, “I Stand Below It All” – révèlent une facette plus mélodique, pensée pour élargir l’horizon du quatuor. Le chanteur arpente la scène, grimpe sur les plateformes, et “Darkest Days” s’éclaire d’une mer de flashs sollicitée par le guitariste Jesse Kataja. Si certains titres se ressemblent et que ce virage plus mélodique surprend les fans du premier album, l’impact reste indiscutable. “Lake Of Fears” puis “Feels Like” bouclent un set solide qui aura, peu à peu, conquis Paris. Une mise en bouche efficace.
The Funeral Portrait
Changement d’atmosphère avec THE FUNERAL PORTRAIT, ambassadeurs américains d’un rock théâtral assumé. Lumière violette, intro sur “Bang Bang”, musiciens tournés dos au public, puis “Generation Psycho” explose, clin d’œil assumé à l’énergie – et au nom – de “Psycho” de Muse. Une entrée flamboyante, menée par Lee Jennings, chevelure verte et costume sombre orné d’un crâne imprimé dans le dos : le logo du groupe.
Très vite, “You’re So Ugly” fait grimper les bras, balayé par un frontman qui multiplie les “HELL!” et “YEAH!” entre les deux côtés de la salle. Le rock théâtral du groupe évoque autant My Chemical Romance que Panic! At The Disco, porté par la complicité irrésistible entre le chanteur et le bassiste Robert Weston, qui enchaînent les petites saynètes improvisées.
La ballade “Hearse For Two”, écrite en hommage au grand-père du frontman, offre une respiration émotive. La parenté mélodique avec “Follow You” de Bring Me The Horizon est frappante, et La Cigale s’illumine de flashs. Juste avant “Dark Thoughts”, Lee demande d’ailleurs aux techniciens de calmer les stroboscopes, sinon il risque de se sentir mal en quittant la scène. Un petit incident vite oublié : pour son tout premier concert en France, après dix ans d’existence, le groupe savoure chaque minute et l’auditoire aussi.
“Suffocate City” clôt le set dans un chaos maîtrisé, La Cigale sautant d’un seul bloc. Parmi les premières parties, The Funeral Portrait fait clairement l’unanimité et lance la soirée à pleine puissance.
The Rasmus
21h pile : lumières violettes, LED en fond de scène, musiciens en place… puis un léger souci technique vite réglé (voix trop en avant). “Are you weirdo, Paris?“, lance Lauri Ylönen, visage orné de ses habituels motifs et bonnet vissé sur la tête. Le premier single de Weirdo, “Rest In Peaces”, ouvre les hostilités, suivi de “Guilty”, qui transforme instantanément La Cigale en chorale unifiée.
L’énergie du frontman est intacte : Lauri arpente la scène sans répit, tandis que ses comparses ne se contentent pas de jouer leurs parties – ils se donnent comme si leur vie en dépendait. Le bassiste Eero Heinonen confie même avoir eu des frissons tant l’énergie parisienne lui semble “magique“. L’émotion circule, palpable.
Surprise : malgré le Weirdo Tour, c’est Dead Letters qui s’invite largement dans la setlist, notamment via “Time To Burn” et “Justify”, remis en lumière avec une intensité renouvelée. Le trio “Bullet” / “Still Standing” / “Shot” s’enchaîne en medley nerveux qui ne laisse aucun répit.
Le quatuor peut aussi compter sur l’écran LED, qui déploie artworks, animations et paroles, transformant chaque morceau en micro-narration visuelle.
Moment suspendu : le duo initialement partagé avec Anette Olzon est ici repris par Emilia “Emppu” Suhonen. Lumineuse, elle apporte une justesse et une dimension féminine qui renforcent la couleur actuelle du groupe.
Les instants de communion s’accumulent : “First Time Of My Life” débuté a cappella, l’anecdote improvisée d’Eero (“On s’appelle The Rasmus, on vient de Finlande, fin de l’histoire“), un “Vous êtes le public le plus bruyant de la tournée !” lancé avec un sourire sincère. Paris répond présent, jusqu’au clapping massif sur “F-F-F-Falling” et aux chœurs grandioses de “Livin’ In A World Without You”.
Le point d’orgue arrive forcément : “In The Shadows”, madeleine d’une génération, secoue la salle comme en 2003. Puis Lee Jennings réapparaît pour un duo sur le récent single éponyme du dernier disque, “Weirdo”. Le contraste de taille entre les deux chanteurs déclenchant les sourires.
Après un rappel éclair, Lauri revient seul avec sa guitare acoustique pour une version écourtée mais touchante de “Sail Away”. Le groupe referme la soirée avec un ultime extrait de Weirdo, “Love Is A Bitch”, sous les acclamations. Seul bémol : un set mené comme une playlist qui défile très vite, avec peu de respirations. Mais la nostalgie domine.
Trois ambiances, trois visions de la scène alternative actuelle, et une Cigale passée du froid au frisson. Block Of Flats, The Funeral Portrait et The Rasmus auront, chacun à leur manière, incarné une facette différente de la notion de weirdo : l’énergie brute venue de Finlande, la flamboyance théâtrale des États-Unis et l’émotion fédératrice d’un groupe culte. Trois esthétiques qui ne se ressemblent pas, mais qui se complètent étrangement bien, comme si la tournée portait son nom mieux que prévu.
The Rasmus n’a peut-être pas mis Weirdo autant en avant qu’attendu, mais offre un condensé d’histoire, d’émotion et d’efficacité rare. Peu de groupes peuvent encore enchaîner autant de titres en 1h30 en 2025.
Une chose est sûre : Kiitos, Rasmus ! Paris s’en souviendra.






































