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THE JESUS AND MARY CHAIN @ Le Trianon (27/06/18)

Comble de l’ironie quand les Britanniques nous apportent le soleil, c’est un chaud mercredi soir qui se profile sur la devanture du Trianon. Après pratiquement une décennie de silence radio et deux hors des studios d’enregistrement après réconciliation taciturne, The Jesus And Mary Chain reprend la route pour nous prodiguer cette science du rock indépendant post punk dont il a le secret.

Rien ne presse à la buvette ainsi qu’au stand de merchandising très sobre. 19h30 approche, et nos doutes se dissipent. Même si la plupart seront là après la première partie, ce ne sera pas salle comble. Arrivé dans la fosse, le premier groupe fait preuve de ponctualité. Il est armé d’une guitare électrique. Elle se retrouve debout derrière les fûts. Le duo minimaliste IT’S SUNDAY assume la lourde tâche de motiver un public dont la moyenne d’âge a dépassé la quarantaine. Lucas maîtrise sa Telecaster pour nous vaporiser des dissonances cristallines tandis que Dawnie martèle ses fûts avec précision. Le Parisien et la Californienne prennent le temps de poser des ambiances plaisantes, mais dont on sort parfois car le chant reste à travailler. En revanche, belle surprise que cette reprise du “Surfer Girl” des Beach Boys. La foule applaudit poliment, certains plus enthousiastes que d’autres. Le moment était fort sympathique, mais c’était loin d’être un tour de chauffe.

 

 

Des amplis estampillés Jesus sont installés, et le micro de Jim Reid se retrouve seul au centre de la scène. Curieuse installation avec les musiciens en retrait, serait-ce le retour d’un show à l’ancienne ou une normalisation en règle d’un groupe indompté jusqu’à présent ? Un peu des deux, n’oublions pas que la formation n’a pas tourné pendant de nombreuses années, et que les fans aussi prennent de l’âge. Le quintette arrive sobrement à l’heure sur le “Pet Sounds” des Beach Boys (encore eux !), seuls les frères Reid sont les rescapés d’origine en tant que fondateurs de THE JESUS AND MARY CHAIN. En ouverture “Amputation” du dernier album “Damage And Joy” (2017) est percutant, mais pas aussi incisif que l’inoubliable “April Skies” qui lui succède.

 

 

Bien des classiques vont pleuvoir ce soir, et il faut attendre l’arrivée d’une dizaine de fans anglais dans la fosse pour passer du sautillement sur place à des mosh pits maladroits. Il fut un temps où aller en concert des Jesus And Mary Chain signifiait redouter de prudence face aux réactions de la foule. Son gras et violent, ambiance tamisée avec très peu de lumières, perfectos de cuir, des passages parisiens qui restent encore dans les mémoires. On se défonce sur “Head On”, on écoute religieusement “Darklands”, Jim Reid arpente la scène tandis que sa section rythmique assure aux côtés de son frère. Il combat sa timidité avec la musique, même si rien n’a changé. De dos, les yeux au sol, ou cachant son visage, il déclame ses paroles avec la même poésie nonchalante.

 

 

La salle s’agite un peu plus, finit par se laisser aller pour retrouver ce mal-être adolescent qui nous a tous poussé un jour à faire une connerie pour se sentir exister. The Jesus And Mary Chain a été là pour une génération quand elle avait besoin de se défouler et de pleurer la tête contre l’oreiller, et le groupe est encore là pour nous faire ressentir ce qu’il y a au fond de nous. Il n’y a rien de mal à laisser sortir ce côté juvénile, sans qui nous ne serions pas les personnes que nous sommes aujourd’hui. Le son paraît augmenter, les frissons arpentent la salle. Premier rappel, “Just Like Honey” brise l’obscurité. Des regards se croisent, des sourires s’échangent, des larmes perlent le long des joues.

 

 

“I Hate Rock’N’Roll” termine le set. Tout le monde peut rentrer chez soi, seul avec soi-même. On ne peut cesser de repenser à la claque que nous venons de prendre.

 

 

Les frères Reid ont beau vouloir rester dans l’obscurité, c’est tout de même eux qui tirent les ficelles si vous rentrez dans leur univers.

Setlist :

Amputation
April Skies
Head On
Blues From A Gun
Black And Blues
Mood Rider
Far Gone And Out
Between Planets
Snakedriver
Teenage Lust
Nine Million Rainy Days
All Things Pass
Some Candy Talking
Halfway To Crazy
Darklands
Reverence
—-
Just Like Honey
Cracking Up
In A Hole
War On Peace
I Hate Rock ‘N’ Roll