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THE HORRORS @ Le Trabendo (09/09/25)

Dans l’écrin intimiste du Trabendo, The Horrors a offert une messe hypnotique oscillant entre ombres électroniques et fulgurances post punk. Restait à savoir si le quintette britannique parviendrait à faire vibrer Paris avec la démonstration de son nouvel album Night Life.

MNNQNS

Originaires de Rouen, les Français MNNQNS ouvrent la soirée avec un rock nerveux qui puise autant dans le post punk que dans les élans plus expérimentaux de la scène anglo-saxonne. À 20 heures, la salle se remplit timidement, mais très vite l’ingéniosité musicale et le charisme du quatuor happent l’attention. Les transitions fluides entre les morceaux dessinent une narration sonore aussi cohérente qu’inventive. La guitare crisse et l’ensemble tisse un “joyeux bordel organisé” qui révèle une parfaite maîtrise de leurs éclats scéniques.

Les musiciens n’hésitent pas à troquer leurs instruments contre des claviers ou des percussions, animant la scène réduite du Trabendo avec une aisance remarquable. Ce “ballet instrumental” donne une impression de liberté dans un espace pourtant contraint. Au fil du set une atmosphère presque mystique s’installe, en résonance avec l’univers sombre et vaporeux de la tête d’affiche The Horrors.

Le quatuor offre un set de six titres issus de ses deux premiers albums, Body Negative (2019) et The Second Principle (2022). Le premier dévoilait un rock abrasif et sombre, marqué par des guitares tranchantes et une énergie héritée du post punk, tandis que le second affinait cette identité avec une approche plus dense où la tension rythmique et les textures sonores s’enrichissaient de nuances électroniques, notamment sur le titre “Pacific Trash Patch”, joué ce soir sur scène.

Les dernières notes sonnent et la salle est désormais pleine et la température montée d’un cran : MNNQNS vient de conclure une première partie idéale, préparant le terrain pour The Horrors.

The Horrors

Il est 21 heures pile quand THE HORRORS prend possession de la scène du Trabendo. Derrière un voile de lumière diffuse qui efface presque leurs visages, le quintette installe d’emblée une atmosphère hypnotique. Faris Badwan (chant), Joshua Hayward (guitare), Rhys Webb (basse, claviers), Amelia Kidd (claviers, qui remplace Tom Furse qui ne tourne plus mais reste présent en studio) et Jordan Cook (batterie, depuis 2024) composent la formation actuelle. Le décor est minimaliste mais les lumières savamment orchestrées jouent un rôle essentiel : halos vaporeux, projections mouvantes et contre-jours créent une sensation de flottement qui épouse parfaitement la voix caverneuse et singulière de Badwan.

Messe nocturne

Faris Badwan, silhouette longiligne, ne tient pas en place. Il titube presque, traversé par une nonchalance habitée qui semble devenue sa marque. Le concert s’ouvre sur “The Silence That Remains”, extrait de Night Life, l’album sorti en mars dernier. La ligne de basse introductive vibre puissamment, saisit les corps et traverse la salle avec une intensité magnétique. Dès ces premières minutes, le ton est donné : The Horrors n’a pas besoin de multiplier les mots pour être proches de son public. La connexion se fait ailleurs, dans cette énergie presque transcendante qui amène de nombreux spectateurs à danser les yeux fermés comme happés par une transe. L’impression d’assister à une messe sonore s’installe.

La setlist oscille entre rétrospective et exploration récente. Quelques détours par V (2017), avec “Ghost”, “Machine” et “Something To Remember Me By”, rappellent les penchants plus sombres et metalliques du groupe. Skying (2011) n’est pas oublié non plus via “Endless Blue” et “Still Life”, deux morceaux qui déclenchent des frissons collectifs. Mais c’est surtout dans le dialogue entre Primary Colours (2009) et le tout récent Night Life (2025) que se joue l’essentiel du concert. Comme un miroir de leur parcours, la setlist trace le chemin qui mène du garage rock gothique des débuts aux sonorités électroniques, denses et résolument psychédéliques qui définissent leur présent. Quelques problèmes de son viennent ponctuer le concert et brouiller par instants la clarté des morceaux, sans pour autant perturber l’élan du groupe. L’enchaînement reste globalement fluide et parvient à maintenir l’auditoire accroché du début à la fin.

Le condensé d’une carrière

Après une heure de set, “Who Can Say” sonne la fin du premier acte et voit le groupe quitter la scène. Dans la salle un instant de flottement : déjà fini ? Impossible. Le quintette revient après une courte pause acclamé par l’audience pour un rappel de près de trente minutes. Trois morceaux, chacun tiré d’un disque différent, viennent illustrer la pluralité de sa discographie. “Lotus Eater” (Night Life, 2025) ouvre le bal, ancré dans une tendance électronique dense et froide qui surprend, sans totalement emporter un public qui semble légèrement en retrait. Mais la tension se dissipe rapidement avec l’enchainement “Scarlet Fields” (Primary Colours, 2009) et “Something To Remember Me By” (V, 2017) dernier titre de la soirée qui renoue avec une énergie dansante et euphorique. Une clôture idéale qui laisse la salle sur une impression lumineuse malgré la noirceur ambiante.

Certes, quelques problèmes de son se sont fait sentir et le set, relativement court, peut laisser un parfum d’inachevé. Mais ces réserves s’effacent vite face à l’évidence : The Horrors reste maître dans l’art de délivrer au public une expérience qui tient plus de la transe collective que du simple concert.

The Horrors Setlist Le Trabendo, Paris, France 2025

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Kaithleen Touplain
Historienne de l'art et passionnée de musique rock à mes heures perdues.