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SOLIDAYS 2016 – Jour 3 (26/06/16)

Dimanche 26 juin, sous un ciel changeant, l’Hippodrome De Longchamp accueille les festivaliers de Solidays pour la troisième et dernière journée de cette édition 2016, placée sous le signe de l’amour. Retour sur une programmation enchanteresse.

LIVINGSTONE (César Circus)

 

BAGARRE (Domino)

 

 

GENERAL ELEKTRIKS (Bagatelle) – Pour ce dernier jour de festivités, la scène Bagatelle accueille un virtuose du groove, le dénommé RV Salters, ou plutôt General Elektriks. Accompagné de ses musiciens des plus talentueux et techniques, le bidouilleur de sons en fera voir de toutes les couleurs aux touches de son clavier et fera se dandiner l’audience arrivant progressivement dans l’enceinte du festival, à l’aide de “Angle Boogie”, “Built By The People”, “A Misunderstanding” ou encore “The Man Who Unraveled”, tirées du très bon nouvel album “To Be A Stranger“. Entre deux titres, les acclamations de l’audience se confondent avec les cris des supporters français vêtus, maquillés et équipés en conséquence, postés devant l’écran géant de la scène Paris diffusant le match France-Irlande. Véritables piles électriques, la bande bouge, saute, tourbillonne sur scène et transmet sa bonne humeur à la fosse, qui se montrera bruyante aux premières sonorités de la fameuse “Raid The Radio”, issue du deuxième album de General Elektriks, “Good City For Dreamers” (2009). Bon démarrage !

 

 

IBRAHIM MAALOUF (Paris) – Fin du match, certains partent, mais beaucoup restent. C’est en effet l’heure d’accueillir l’un des artistes les plus attendus du festival, à en croire la marée humaine occupant la grande étendue d’herbe. Entouré de ses acolytes, Ibrahim Maalouf monte sur scène sous l’ovation d’un public trépignant d’impatience. Le brillant musicien ayant imposé le son unique de sa fameuse trompette à quarts de ton offre un jazz instrumental prenant aux tripes : on se laisse habiter par la poésie et la liberté émanant des mélodies telles que “Improbable” ou encore “Red & Black Light”, issues de la merveille qu’est le dernier album du même nom (2015), jonglant subtilement entre douceur et montées en puissance rocambolesques. Si la finesse des mélodies à la “True Sorry” nous transporte, c’est en silence : face à tant de poésie, la foule demeure calme et rêveuse sous un soleil de plomb, sans pour autant être inactive. Elle sait se faire entendre lorsque nécessaire, se montre dynamique sur les morceaux les plus vitaminés (“Nomade Slang”, “Maeva In Wonderland”), et salue très chaleureusement la bande dès que l’occasion se présente. Sur scène, Ibrahim Maalouf communique fortement avec l’assemblée, révélant un autre aspect de sa personnalité : sa sympathie. Performance tout simplement subjuguante.

 

 

COLOR PARTY (Paris) – Toujours au pied de la scène Paris, changement d’ambiance. Le nu jazz d’Ibrahim Maalouf laisse place à des platines saillantes et des danseurs ultra-énergiques pour un DJ set, précédant une Color Party pour laquelle la foule est restée. Si le concept est devenu à la mode depuis quelques années, son origine remonte à beaucoup plus loin, et plus profond : la Holi, d’après son véritable nom, est une cérémonie religieuse hindoue, et donc hautement symbolique, célébrant à la pleine lune le printemps et la fertilité. Parmi les nombreuses manifestations de cette célébration se trouve la principale, à savoir jeter des pigments colorés dans les airs, la rue, les gens, chaque pigment ayant une signification particulière : le rouge pour la pureté, la joie et l’amour, le vert pour l’harmonie, le bleu pour le calme et la vitalité, le orange pour l’optimisme et le jaune pour la foi. C’est alors munis de sachets de poudre distribués au préalable que les nombreux festivaliers s’apprêtent à reconstituer la scène, attendant le décompte mis en place par l’animateur sur scène. 5…4…3…2…1… pouf ! C’est une gigantesque et belle explosion de couleurs qui a lieu, recouvrant les visages, vêtements, parterre et toute autre entité présente aux alentours. Impossible de manquer les festivaliers ayant participé à la Color Party !

 

 

JAIN (Bagatelle) – Le nom de Jain est sur toutes les lèvres depuis la sortie de son premier album, “Zanaka” (2015), nommé dans la catégorie “Album Révélation” aux Victoires De La Musique 2016 et certifié Disque d’Or il y a quelques mois. Seule sur scène avec sa guitare et son artillerie instrumentale DIY, la talentueuse Toulousaine d’origine affronte une foule indénombrable s’étalant sur des dizaines et dizaines de mètres. Vêtue de sa petite robe noire et blanche, véritable signature visuelle, l’artiste est un véritable vent de fraîcheur face au soleil retentissant de Solidays avec sa pop fraîche et novatrice aux multiples influences. Tout comme son enfance, la musique de Jain est un voyage aux quatre coins du monde, mêlant sonorités d’Afrique, d’Europe ou du Moyen-Orient, comme le prouvent les titres “Hope”, “Mr Johnson” ou encore “Heads Up”, véritables incitations à se trémousser gaiement. Livrée à elle-même, la jeune alchimiste communique et s’amuse avec un auditoire réceptif, qui participera même au show sans s’y attendre. Sur “Come”, Jain capture les voix des festivaliers sur son looper grâce auquel elle pourra ajouter ses nouveaux chœurs à la reprise du refrain; sur “Makeba” faisant office de final, elle revient des backstage enfermée dans une bulle qu’elle poussera jusqu’aux premiers rangs, plongeant alors dans la marée humaine. Après une heure d’un set bien mené même si manquant de prestance scénique par moment, Jain se retire de la scène, non pas la tête dans les nuages mais le corps toujours dans sa bulle. Et l’aventure ne fait que commencer.

 

 

JEANNE ADDED (Domino) – Pendant que les trois quarts des festivaliers s’entassent devant la scène Paris pour les icônes hip hop CYPRESS HILL, le dernier quart mise sur un tout autre registre, à quelques pas de là. Sur les planches de la scène Domino, une silhouette se dégage de l’obscurité, éclairant les alentours d’une aura indescriptible. Elle s’appelle Jeanne Added. Entourée de ses musiciens, l’artiste salue chaleureusement l’audience, avant de débuter la première chanson. Dès “Be Sensational”, la Rémoise affiche une maîtrise vocale incroyable, entre légèreté et puissance, cristallisant le public de tant de finesse et de majesté. Pendant près d’une heure, Jeanne Added distillera un rock électro saisissant, entre ballades aériennes poignantes (“Look At Them”, “Suddenly”), mélodies tempérées captivantes (“Lydia”, “A War Is Coming”, “Miss It All”) et morceaux dansants (“It”, “Back To Summer”). De toutes ces pistes, chaque note semble aller droit au cœur des festivaliers, frissonnants des harmonies divinement exécutées. Mouvante ou statique, la chanteuse s’approprie la scène. Où qu’elle soit, tous les regards sont rivés sur elle. Sa présence magnétique empêche toute possibilité de se libérer de son emprise. Grâce et humilité auront eu raison des spectateurs totalement envoûtés et conquis par l’interprétation d’un album solaire, “Be Sensational” (2015). Sensationnelle, Jeanne Added l’a bien été. Merci.

 

 

TIKEN JAH FAKOLY (Bagatelle) – A peine le temps de se remettre de ses émotions qu’un nouvel artiste des plus charismatiques s’apprête à monter sur la scène Bagatelle. Ce n’est autre que Tiken Jah Fakoly, figure emblématique du reggae africain qui l’anime depuis maintenant plus d’une vingtaine d’années. Plus que la musique, c’est également la politique qui l’anime : artiste engagé, Tiken Jah Fakoly porte un regard lucide sur la relation entre l’Afrique et le monde, dénonçant dans ses textes les abus et faiblesses dont elle est victime. Accompagné de ses talentueux musiciens et choristes, l’homme, vêtu de son imposante cape colorée, installe un réel échange avec son audience, lui communiquant son énergie positive et son dynamisme sur scène. Pendant près d’une heure, Tiken Jah Fakoly fera le tour des efforts studio, de “Françafrique” (2002) à son dernier effort “Racines” (2015), disque de reprises des classiques raggae qu’il a fait renaître à l’aide d’instruments traditionnels africains tels que les guitares électriques mandingues, le balafon ou le tama. Figure de combat prônant la solidarité, la vision de l’artiste s’aligne parfaitement à l’esprit de Solidays, interprétant des titres aux valeurs humanistes dont les classiques “Le Prix Du Paradis” ou encore “Plus Rien Ne M’Etonne” seront repris en chœur par la foule massive. Par une performance généreuse et forte de sens, Tiken Jah Fakoly nous rappelle que la musique est également un outil politique, transmettant des messages à une audience sans frontières.

 

 

LOUISE ATTAQUE (Paris) – 22h. La scène Paris accueille pour la dernière fois de cette édition les artistes à l’affiche, et pas n’importe lesquels. Pour clôturer ces trois jours de festival, Solidays a en effet fait appel à pas moins que Louise Attaque. Groupe phare des années 2000, le désormais trio fait son grand retour, après dix ans d’absence. Après un premier album éponyme l’ayant propulsé sous les feux des projecteurs en 1997, “Comme On A Dit” (2000) puis “A Plus Tard Crocodile” (2005), le groupe revient avec un quatrième effort, nommé “Anomalie” (2015). Sous un tonnerre d’applaudissements de la part d’un public considérable et grondant d’excitation, la bande débute cette réunion de famille à grande échelle sur “Ton Invitation”, provoquant mouvements de foule et chœurs dans l’auditoire. L’enthousiasme de la formation est déjà palpable et communicatif; un groupe mené par un Gaëtan Roussell dont la voix éraillée et sensible provoque toujours autant d’émotions. Les sourires, eux, sont tout aussi contagieux. Peu de temps après, les notes de “Anomalie”, premier single du nouvel opus, résonnent et trouvent leur écho chez les fans, le refrain étant irrésistiblement accrocheur. La setlist vaguera intelligemment entre pistes fraîches et vieux bijoux, combinant “La Chute” à “Si L’On Marchait Jusqu’A Demain” ou “La Plume”. Mais la réceptivité du public atteindra son paroxysme lorsqu’un vent de nostalgie viendra souffler à ses tympans : d’abord “Léa” et ses multiples facettes, puis le combo de choc “Savoir”, “Amours”, “Les Nuits Parisiennes”, et bien évidemment “J’T’Emmène Au Vent”, faisant office de dernière chanson, qui se fera entendre à des kilomètres du festival. Mais hors de question de se quitter si brutalement; le combo et ses traditionnels violoncelles réapparaissent dans la lumière pour exécuter un rappel, conclu par la douce “Chaque Jour Reste Le Nôtre”. Une photo panorama de la foule des Solidays, des remerciements chaleureux et d’interminables applaudissements plus tard, Louise Attaque s’éclipse pour de bon, ayant offert en ce dimanche, la meilleure des nuits parisiennes.

 

 

Au bilan de ces trois jours de décibels, deux grandes nouvelles. La première : la 18ème édition de Solidays a battu tous les records de fréquentation, avec pas moins de 202 786 festivaliers. La deuxième, d’autant plus importante pour la lutte contre la maladie : la France maintient sa contribution au Fonds mondial sida, tuberculose et paludisme, à savoir 1,08 milliards sur trois ans; nouvelle qui fut annoncée par Luc Barruet, Antoine de Caunes et Bill Gates, avant le set de Cypress Hill. Du côté du Village Solidarité, beaucoup de chaleur, de convivialité et d’échange autour d’activités ludiques, de brochures, de conversations et d’informations diverses, pour une meilleure transmission des connaissances et combats à mener ensemble.

Côté organisation, le festival aura tout de même rencontré quelques problèmes, les entrées au site étant bien trop laborieuses, surtout lors de la première journée où une grande partie des festivaliers ont dû attendre minimum deux heures avant de pouvoir pénétrer dans l’Hippodrome, ratant plusieurs performances pour lesquelles ils ont payé et se sont déplacés. A l’intérieur du site, les files d’attente pour les WC, stands de restauration ou points d’eau furent interminables; souci auquel il faut malheureusement s’habituer et s’adapter. Lorsque l’on est une femme comptant se rendre au point WC, il vaut mieux partir d’une scène à la moitié du set pour espérer ne pas rater le début du suivant, tant la file s’étend sur des dizaines de mètres. Même litige pour se restaurer, il faut y penser à deux fois car cela passe par sacrifier une partie non-négligeable du set d’un artiste. Mais cela fait partie du jeu et de l’immensité des festivals. Autre bémol de taille, côté accréditations cette fois : notre photographe, comme d’autres, n’a pas pu obtenir de pass photo, ce dernier nous ayant pourtant été promis.

Malgré ces quelques maladresses, cette édition de Solidays fut une réussite, le soleil ayant clairement contribué à l’enthousiasme général. Beaucoup de monde pour une programmation aux petits oignons, sans réelle déception, et avec beaucoup de bonnes surprises et de moments de grâces. Mention spéciale pour Faada Freddy, We Are Match et The Qemists pour la journée de vendredi, Oxmo Puccino, Keziah Jones, The Shoes et Deluxe pour samedi, ainsi que pour Ibrahim Maalouf, Jeanne Added et Tiken Jah Fakoly pour dimanche. Merci Solidays, et à l’année prochaine !

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