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PATTI SMITH / JOHN CALE @ Fondation Cartier (23/10/14)

Pour célébrer ses trente ans, la Fondation Cartier réunit pour la première fois à Paris deux légendes du rock. Patti Smith et l’ex-membre du Velvet Underground John Cale avaient déjà collaboré en 1975, lorsque le multi-instrumentiste gallois avait produit “Horses”, le premier album de l’Américaine. Presque quarante ans plus tard, les revoici ensemble le temps d’un concert intitulé “Réunion”.

Le concert affiche complet, et la grande salle du rez-de-chaussée, entièrement vitrée sur le boulevard Raspail, s’est remplie d’happy few, d’artistes, ou de familles avec enfants. Avec deux minutes d’avance sur l’horaire, entrent PATTI SMITH et son fidèle Lenny Kaye, accompagné du polyvalent Tony Shanahan. Les trois ont les cheveux gris, mais des corps souples et minces. Veste noire sur chemise blanche, jeans et godillots, la dame s’enquiert de savoir si tout le monde va bien. Ils démarrent avec “Redondo Beach” de “Horses”, puis “Ghost Dance”, où les deux musiciens font les chœurs pendant qu’elle fait remuer les mains à un public qui s’y prête de bonne grâce. Attentif, celui-ci écoute religieusement, dans un silence total. Patti évoque son amour pour la poésie qu’elle partage avec John Cale, puis sort ses lunettes, et lit en musique et avec beaucoup d’intensité un poème d’Allen Ginsberg, “Spell”. Comme souvent, elle est loquace et raconte ses souvenirs du CBGB avec Tom Verlaine, son amour pour les chats, ou une anecdote pleine d’humour sur son accent lorsqu’elle essaye de commander en français dans les cafés. Sa voix est tour à tour mordante ou vibrante, accompagnée d’arpèges ou de notes de piano. La formule épurée et puissante, associée au savoir faire des trois, fait opérer la magie chamanique immanquablement. Une heure plus tard, après un facétieux “because the night belongs to… Cartier” en clin d’œil, et quelques minutes de changement de plateau dans le noir.

21h33 : chaussures cloutées, costume et cravate finement rayée, accompagné d’un groupe complet, le gallois JOHN CALE s’installe au clavier Kurzweil sur un tabouret de bar. De sa voix grave, il entame le sombre “Hedda Gabler”, puis accueille Patti pour un duo. Elle lit sur l’ambiance musicale lourde de “Captain Hook” (le surnom qu’il lui donne), et John part dans les aigus puis chuchote, sur la ritournelle de manège, au clavier couplé à une guitare western. Avec “You Know More Than I Know” il prend la guitare et explore encore une nouvelle palette vocale, pour le solennel “I Wanna Talk To U” le guitariste joue avec un archet. Sur “Caravan” et “A Letter From A Bro”, les musiciens partent pour de longues et lentes balades expérimentales qui vident quelque peu les rangs. Puis le sir appelle celle qu’il “considère comme sa sœur”, et après quelques essais techniques qui rappellent à Patti “l’enregistrement de “Horses””, “People Have The Power” est repris en chœur. Patti lève un genou, se balance, lève les mains. S’ensuit l’homérique “Sister Ray” du Velvet Underground, où Cale remplace Lou Reed au micro, avant de terminer tout en intensité sur une reprise des Modern Lovers (ndlr : “Pablo Picasso”, titre hommage au VU et produit par Cale en 72). 22h55 : les lumières ne se sont pas franchement rallumées et le public continue d’applaudir, un gars de la sécurité écarte légèrement le rideau des backstages : “ils sont partis !”.

Trois décennies pour la fondation Cartier, ça se fête ! Pourtant ce sont des retrouvailles de presque quarante ans que les deux monstres sacrés ont célébrées ce soir devant un parterre de privilégiés.