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MUSILAC 2014 – Jour 2 (12/07/14)

FFF, Skip The Use. Ce deuxième jour en terres savoyardes s’ouvre sur des promesses de prestations explosives. Vanessa Paradis, Placebo, poids lourds du jour, complètent une affiche plutôt alléchante. Sur le papier en tous cas, car pratiquement elle n’aura pas attiré les foules, ce samedi n’affichant pas complet. Et pourtant, il y a eu de beaux moments live.

QUINTANA (Scène Pression Live) – En ce début de deuxième jour, tout est calme sur le site, encore très désert. Quintana démarre son set devant une maigre poignée de spectateurs pataugeant dans la boue. Il a en effet beaucoup plus ce matin et le soleil, qui perce timidement par endroits, ne donne qu’un faible espoir; le ciel reste gris et menaçant. Au moins, la pluie du matin s’est arrêtée. Accompagné de Spike à la basse et de machine, Piero Quintana, sur la scène Pression Live, offre un concert très honnête, plutôt intéressant, n’oubliant pas de communiquer même avec le peu de spectateurs présents, confiant qu’il est content d’être à Musilac. La reprise de “Nightclubbing” d’Iggy Pop, étirée à l’envie dans un délire instrumental, est très agréable à écouter.

 

 

JACCO GARDNER (Scène Pression Live) – Changement d’ambiance avec le hollandais Jacco Gardner qui nous emmène dans un univers pop très marqué année soixante, plus planant. Avec sa veste en daim, son chapeau et ses lunettes de soleil presque lennoniennes, le chanteur souligne encore plus l’inspiration sixties. Le public un peu plus fourni (nous étions à une poignée de spectateurs, il doit y en avoir deux ou trois désormais) écoute attentivement, applaudit. Jacco dit aimer les nuages – il doit bien être le seul ! – ainsi que le paysage – là, il a raison, le cadre est assez exceptionnel. Compatissant avec les spectateurs, il demandera si le terrain n’est pas trop boueux !

 

 

CONOR OBERST (Scène Pression Live) – Conor Oberst continue avec son folk rock enlevé. L’homme n’est pas tombé de la dernière pluie puisqu’il sortait son premier album à l’âge de treize ans ! Un brin de nostalgie sort de sa musique et s’accorde avec les nuages qui lèchent les montagnes entourant le lac. Qui dit folk et nostalgie, ne dit pas ennui, la prestation de l’américain au couvre-chef noir étant plutôt enlevée.

 

 

TINARIWEN (Scène Montagne) – Combien de temps pensez-vous qu’il faille pour se rendre d’Aix-Les-Bains au Mali ? Quelques minutes seulement ! Le temps de rejoindre la scène Montagne où Tinariwen vous offrira un dépaysement total avec son blues touareg, mélange d’électricité et de tradition. Les musiciens sont vêtus de costumes magnifiques qui achèvent de vous faire voyager. Attention toutefois à ne pas tomber dans le folklore facile : Tinariwen est aussi une formation impliquée politiquement dans la cause touareg. Mais dans l’immédiat, il s’agit de musique, d’une musique qui a ce côté brut, épuré des premiers blues noirs-américains. Le public décidément très ouvert apprécie à juste titre. Et ils ne sont pas les seuls. Les marionnettes géantes – quatre à cinq mètres – de la compagnie Caramantran viennent se mêler à la foule et danser avec les spectateurs. Ces marionnettes viendront régulièrement se promener sur le site donnant un air sympathique de fête foraine au festival. Sur scène, le groupe apprécie ces invités étranges et n’oublie pas de solliciter le public avec des “ça va ?” en français. Une petite heure plus tard, le voyage s’achève, bien agréable, prouvant au passage que les clivages musicaux sont surmontables. Largement.

 

 

Faisons une pause si vous le voulez bien, nous ne sommes pas loin de l’heure de l’apéro. Vous pouvez prendre un verre au bar à vin, siroter un mojito au bar à mojitos ou boire une bière à un des nombreux bars du site. Manifestement, personne ne mourra de soif à Musilac ! Notez aussi qu’en ce deuxième jour de festival, les toilettes sont toujours en état de fonctionnement et propres.

 

 

FFF (Scène Lac) – Mais ne perdez pas trop de temps car FFF déboule sur la scène Lac. Déboule… Pour l’instant Krichou mène la bande pour un hommage à Nelson Mandela. Mais ensuite, la furie déboule. “Est-ce qu’il y a des négros ?” provoque très rapidement Marco, arrêtant le groupe en plein “Niggalize It” pour remotiver un public qu’il prend à la gorge. “C’est la France molle ? Jump ! Jump ! Si vous êtes vivants, c’est maintenant !”. La machine est en marche. A consommer sans modération. Explosif à mèche courte qui pète immédiatement. Marco est une bête de scène qui fait asseoir le public… et les photographes, se jette sans prévenir dans la foule, remonte sur scène et demande “Je ne vous ai pas fait trop mal ?” “Le Pire Et Le Meilleur”, “Act Up”, les titres sont un délice live, truffés de basses funky, de cuivres chatoyants, de guitares heavy ou plus psychédéliques, offrant un mélange tonitruant que le public savoure avec un immense plaisir. Sur scène, la diversité est aussi de mise, avec une bonne dose d’excentricité. A la basse, Nicolas, totalement déjanté dans sa chemise de nuit improbable. Au chant Marco arbore un superbe kilt bariolé et des baskets flashy. Yarol est le plus sobre dans sa veste en jeans. Un concert de FFF ne serait pas complet sans message politique anti FN. Reprenant un morceau des Bérurier Noir, Marco fait chanter Aix-les-Bains qui ne se fait prier ni pour reprendre “La Jeunesse Emmerde Le Front National !” ni pour lever bien haut un majeur contestataire. “Merci pour toute cette énergie, à ne pas confondre avec la violence”, commentera Marco Prince. “Barbès” conclut magistralement ce set de folie. Qu’ils ont bien fait de revenir nous botter les fesses ! Grosse sensation, d’une belle intensité. Gros moment live avec un échange fort avec le public. Les FFF ont mis le feu et c’était bon !

 

 

HAIM (Scène Montagne) – Encore tout décoiffé par l’époustouflante prestation des français, notre attention se reporte sur la scène Montagne pour Haim. Trois sœurs, jeunes, mignonnes et sexy, avec un minois de jeunes filles bien sous tous rapports, vous appelez ça du rock n’roll ? Vous ne manquez pas d’air ! Rock n’roll peut-être pas, mais pop rock assez énergique assurément. Proche d’un Fleetwood Mac par exemple. Amis machistes, restez donc et apprenez que boire de la bière, avoir un air patibulaire et sentir la sueur ne sont pas des passages obligés pour produire une prestation rentre-dedans. Les trois américaines allient charme et charisme et assurent un concert enlevé avec une réelle attitude, une réelle consistance. Il suffit de voir Alana malmener son tambour pour s’en convaincre ou Danielle assurer des solos avec une attitude très guitar heroïne. Este, à la basse, assure la communication avec le public. Les trois filles sont accompagnées d’un batteur et d’un clavier dans une formation multiforme, puisque Danielle (chant/guitare) s’installera à la batterie, le batteur prendra la guitare et Este prendra le chant. Elles savent aussi assurer le spectacle quand elles se mettent toutes les trois derrière un tambour pour un passage percutant où elles font chanter le public, toujours prêt à donner de la voix quand on lui sert de la qualité. Peut-être le passage jeu de guitare avec baguette de batterie n’est-il pas nécessaire. Eculé comme plan. Pour le reste, dans un emballage sexy, Haim aura su relever le défi d’être programmée entre deux formations françaises ô combien brûlantes car en effet, il s’agit désormais d’accueillir les nordistes les plus en vue du moment.

 

 

SKIP THE USE (Scène Lac) – Attaquant bille en tête, Mat Bastard et sa bande prennent d’assaut l’assistance et c’est un véritable carnage ! Au sens propre du terme malheureusement. De nombreux fans sont évacués, ne supportant ni les mouvements ni la pression d’une foule compacte. Peut-être que l’idée de faire faire à la masse de grands mouvements, tous à gauche puis tous à droite, n’est-elle pas la meilleure du siècle. Une telle masse se manipule avec plus de précautions. Pour gérer ce flux de fans, un renfort d’hommes de la sécurité intègre le pit. Avec les photographes qui ont le droit à tout le concert, cela fait du monde ! Au-dessus du pit, l’énergie déborde de scène. Matt est lui aussi à classer dans les bêtes de scène, sans cesse en mouvement, haranguant la foule, se tenant souvent au plus près d’elle, au bout de l’avancée de scène. Clavier et batteur sont relégués en fond de scène, assez lointains finalement. Jay est comme à son habitude tout sourire tandis que Yan, plus introverti sur scène, assure lui aussi sa part du job en s’agitant pas mal. Le groupe fera asseoir la foule, lui fera entonner “La Jeunesse Emmerde Le Front National !” et réglera quelques comptes avec le FN. Cela vous rappelle un autre groupe ? FFF bien sûr dont le chanteur fera une courte apparition avec les nordistes. Mat rappellera qu’à l’époque où ils n’étaient qu’un groupe de punk, jamais ils n’auraient été programmés dans un festival comme Musilac (humour ou rancœur ? penchons pour l’humour). Ce soir en tous les cas, ils reçoivent un énorme accueil du public. Il faut dire que leur prestation est généreuse et avec des titres comme le bondissant “Give Me Your Life” ou les fédérateurs “Ghost”, “The Story Of Gods And Men” tiré du nouvel album “Little Armageddon“, ils possèdent de sacrées cartouches pour conquérir le public. Shaka Ponk hier, FFF et Skip The Use aujourd’hui, ces trois groupes prouvent que la France possède des formations qui produisent de sacrées prestations en concert et qui, que l’on soit fan de leur musique ou non, méritent le détour.

 

 

VANESSA PARADIS (Scène Montagne) – Vanessa Paradis offre une agréable douceur pour les oreilles et l’humeur après tant de fureur. L’ambiance est plus intime, dans des lumières en demi-teinte et un écran en fond de scène qui, à force de grands aplats lumineux, maintient les musiciens dans une espèce de contre-jour. Toute élégante et mignonne avec sa coupe courte, Vanessa fait preuve d’une présence certaine. La chanteuse n’en fait pas des tonnes, danse et bouge sur sa musique, et son indéniable charisme fait le reste. Côté musique, l’exécution des morceaux est très agréable, bonifiant les titres. Et Vanessa peut s’appuyer sur quelques tubes. “Tandem”, “Il Y A”, “Commando”, “Marilyn Et John”, vous les connaissez forcément. Et le public aussi. Et évidemment “Joe Le Taxi” que la chanteuse introduit en disant en substance “qu’il s’agit d’un titre qui pourra vous rappeler des souvenirs, vous faire une belle madeleine de Proust”. La version de ce soir est chaloupée entre reggae et calypso, version plus mature mais qui casse peut-être un peu la mélodie originale. Sans être une grande communicante, Vanessa échange avec l’assemblée, la remercie de son accueil qui lui fait chaud au cœur. Assurément, la chanteuse ne “rockera” pas votre vie mais elle vous offrira un moment bien agréable au milieu de ce monde de brutes avec une indéniable touche glamour ! Sa sortie de scène aux bras de Benjamin Biolay qui officiait ce soir aux claviers est très surveillée. En effet un garde du corps veille à ce qu’aucune photo ne soit prise !

 

 

PLACEBO (Scène Lac) – Mais revenons au rock et aux riffs acérés. Placebo est dans la place. La production est soignée : trois grands écrans en fond de scène, ainsi qu’une rampe de plusieurs carrés placés en haut de scène offrent des aplats colorés assez esthétiques. Rehaussés de spots, l’ensemble produit un beau jeu de lumières. La sauce prend tout de suite : le public n’attend pas de round d’observation pour accueillir le groupe qui démarre au taquet avec des arguments musicaux assez percutants comme “Every You, Every Me”, “Scene Of The Crime” ou encore “Rob The Bank” du dernier “Loud Like Love“, dans un ensemble visuel assez réussi. “Special K” donnera l’occasion au public de chanter sur le “la, la, la, la”. En termes d’animation scénique, il faut attendre un peu avant que Stefan Olsdal (basse) avance sur le devant de la scène et joue avec la foule dans un beau moment live, cette dernière qui accueille avec ferveur l’introduction de “The Bitter End” qui suit, prouvant que la place de Placebo en haut de l’affiche n’est pas usurpée : ils possèdent une belle batterie de tubes !

 

 

BAKERMAT et THE HACKER continueront la fête pour ce deuxième jour qui, même s’il est le seul à ne pas afficher complet, aura offert de bien belles prestations avec une météo qui sera restée clémente pour les festivaliers. Rendez-vous demain après-midi pour le troisième et dernier jour et de nouvelles aventures.

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Anthony Bé
Fondateur - Rédacteur en chef du webzine RockUrLife