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MAYBESHEWILL @ Batofar (26/03/16)

Il y a quelques mois, les Britanniques de Maybeshewill annonçaient leur séparation. La mauvaise nouvelle avait heureusement été contrebalancée par une dernière visite obligatoire en Europe. En effet, après quatre albums et plus de dix ans de carrière, dont une tournée sur plusieurs continents l’an dernier, on ne fait pas ses adieux aussi facilement. Ce fut néanmoins une surprise de voir la dernière de Maybeshewill programmée au Batofar, salle plus petite que son voisin le Petit Bain, où le groupe avait joué à guichets fermés en 2014.

C’est dans un Batofar plein à craquer (date sold out oblige) que les Anglais de WAKING AIDA investissent la scène pour défendre “Eschaton”, leur dernier album en date. Sous un post rock aux allures assez formatées et aux sonorités assez évidentes, se cachent en fait de véritables éclairs de génie. En effet, les crescendos sont discrets mais bien présents, les mélodies sont entêtantes et originales. On tiendrait une énième “bonne” formation de post rock si les qualités de Waking Aida s’arrêtaient là mais l’exécution parfaite des musiciens et la façon dont ces derniers vivent leur musique transcendent réellement le “potentiel” ressenti sur album qui passe, ce soir, à un “talent bien certain”. C’est donc avec une certaine humilité, partagée entre le rêve (les passages les plus légers sont absolument sublimes) et la tristesse (dernière date ce soir en compagnie de Maybeshewill) que Waking Aida distille pendant une demie heure des ondes sonores qui réconfortent un public pas encore prêt à accepter l’idée que Maybeshewill se sépare.

Une vingtaine de minutes passent et le rituel se met doucement en place. Si c’est une dernière pour MAYBESHEWILL, les Britanniques n’ont pas pour autant décidé de rompre la tradition d’arriver sur scène avec le magnifique enchainement “Opening” / “Take This To Heart” ouvrant leur œuvre la plus aboutie, “I Was Here For A Moment, Then I Was Gone”, dont six titres sur dix seront joués ce soir. Si le Batofar, avouons-le, est loin d’être la salle rêvée pour faire ses adieux dans ce registre musical, il faut bien admettre que les gars de Leicester ont des arguments qui font rêver, à commencer par une présence scénique impressionnante compte tenu du peu d’espace dont ils disposent. Le son cristallin et minutieux fait quant à lui apprécier certains détails plus soulignés en live que sur les versions studios, notamment sur les quelques titres issus de “Fair Youth”, dernier opus en date du combo, où le synthé revêt encore plus d’importance que par le passé.

Après avoir demandé qui était au concert au Glazart (les quelques mains se levant font sourire le groupe), Maybeshewill continue son périple musical au sein d’une discographie dont les reliefs ressortent : “Red Paper Lanterns” et son magnifique tapping ou encore la magistrale “In Another Life, When We Are Both Cats” et ses arrangements électroniques, chaque piste nous fait revivre un chapitre de l’existence de ce combo au post rock varié. L’intensité ne baisse pas au fil de set, d’ailleurs le ton se durcit même avec “To The Skies From A Hillside” dont les couches sonores ne cessent de se rajouter les unes aux autres. Mais c’est bien les trois derniers titres, tous issus de l’essai qui a révélé son talent à la face du monde, “Not For Want Of Trying” qui fait prendre au concert un second tournant. Le style est différent, les accords sont plus lourds, les riffs plus syncopés et la présence scénique de Maybeshewill semble se découpler, les musiciens vivent cette transe, une dernière fois avec nous. Quand le guitariste prend la parole, juste avant le rappel, même lui ne semble pas y croire et lâche un “on se verra bientôt”, nous remerciant pour “ces années de loyauté”. Le fait de savoir qu’il s’agit ici de l’ultime performance du quintette, à la fois à Paris, en France mais aussi sur le territoire européen, ajoute de l’émotion à la démarche.

Après un rappel lors duquel le public, hystérique, ne peut s’empêcher d’en demander encore, Maybeshewill revient et écrase littéralement le Batofar avec “Seraphim & Cherubim” dont les accents post rock ont complètement disparu, pour laisser place à des riffs lourds qui ne sont jamais loin du hardcore. Mais c’est en douceur, et dans la pure tradition que Maybeshewill nous fera ses ultimes adieux avec l’émotionnelle “He Films The Clouds Pt. 2”, seule chanson du combo ayant des paroles, scandées par la foule. Les larmes coulent, les cris ne peuvent s’arrêter mais oui, le dernier assaut est bel et bien lancé. Après 1h20 de ce qu’on peut qualifier de “concert historique”, les lights bleues qui ont bercé l’ensemble de la prestation s’estompent, la lourdeur de la basse, l’agressivité de la batterie, la folie du synthé, tout disparait dans un silence douloureux, celui qui nous laisse penser que l’on vient d’assister à la fin de quelque chose qui nous dépasse.

Et puisque personne n’a osé leur répondre, “à bientôt Maybeshewill”.

Setlist :

Opening
Take This To Heart
Co-Conspirators
Red Paper Lanterns
All Things Transient
In Another Life, When We Are Both Cats
Accolades
In Amber
Sanctuary
Critical Distance
In The Blind
To The Skies From A Hillside
Not For Want Of Trying
—-
Seraphim & Cherubim
He Films The Clouds Pt. 2