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LES EUROCKEENNES DE BELFORT 2012 – Jour 2 (30/06/12)

Lors de la mise en vente des pass journaliers de festivals, ce sont bien souvent ceux du samedi que l’on s’arrache. Les Eurocks n’échappent pas à la règle : pour leur énième édition, les spectateurs se sont rués sur les billets du 30 juillet. Et pour cause : non seulement Busy P et ses amis ont quartier libre, mais en plus les dernières sensations hip hop – Wiz Khalifa, Die Antwoord – ou encore pop – Django Django, Electric Guest, Kindness – doivent s’emparer des scènes du site de Malsaucy. Rock n’roll et branchée, la programmation atteint son point culminant le soir avec le très attendu set de The Cure. Récit du Jour Où Les Eurocks Explosèrent Leur Record de Fréquentation.

A 16h45, un orchestre américain looké country-preppy interprète des balades folk originales sur la Grande Scène. Le thermomètre indique 28 degrés quand SALLY FORD AND THE SOUND OUTSIDE tirent le coup de départ de cette deuxième journée. La rumeur dit qu’il risque de flotter sévère mais, comme beaucoup de festivaliers, nous sommes incrédules. Puis inquiets. Le projet JESUS CHRIST FASHION BARBE propose de délivrer les mélomanes tourmentés avec leur folk. Rien ne peut empêcher l’inévitable de se réaliser; alors, comme d’habitude, nous nous lançons dans un grand marathon de concerts. Nous nous éloignons de La Plage et rejoignons la Green Room prise d’assaut par les curieux CEREBRAL BALLZY Mais nous ne restons pas longtemps : Pedro Winter, alias Busy P, donne une conférence de presse avec quelques poulains de son écurie. Crispé au fond du canapé, Sebastian fume nonchalamment une cigarette. Il paraît qu’il n’était pas très chaud pour cette conférence de presse. Ses verres noirs, opaques empêchent tout contact avec son regard alors qu’on le cuisine sur le show qu’il va donner ce soir, sur La Plage. Pedro Winter, boss d’Ed Banger Records (le label de Sebastian) s’est vu attribuer le rôle de programmer la soirée sur la scène montée sur l’Etang du Malsaucy. Une aubaine : La Plage à Pedro est non seulement l’occasion de présenter un type de musique cantonné aux nightclubs, mais aussi l’opportunité de faire connaître en France des pointures de la scène électro internationales. Parmis ses invités, l’on compte entre autres Sebastian ou même Kindness. Souriant et avenant, Kavinsky s’amuse des réponses bourrues de son camarade à la coupe de mulet. Qu’importe : Busy P, qui s’octroie également son heure de célébrité, promet que le show va dépoter.

 


Après avoir accompli nos devoirs professionnels, nous nous dirigeons vers la Grande Scène, où MASTODON imposent leur virile metal US. Les compos sont brutales, le son est FOOOORT, les fans exultent. Nos oreillent saignent. Non pas que le show carré des maîtres du sludge nous prennent la tête; non, en fait, le son est VRAIMENT FOOOORT. Leur set est de toute façon presque terminé. Au moment où ils jouent leur dernière note, HATHORS pincent leurs cordes, tabassent les fûts. Déjà dans les starting blocks, leurs spectateurs s’agitent et dansent sur leurs morceaux rock aux accents grunge. Les s enflamment le Club Loggia, espace de découverte privilégié, trop peu fréquenté. Plus connu, le groupe garage rock métamorphe THEE OH SEES bondit sur la scène du Green Room.

 

 

Devant le coucher du soleil, La Plage nous propulse à L.A. En terrain conquis, ELECTRIC GUEST diffusent leur coolness estampillée West Coast devant un large parterre de spectateurs ravis. Armée de smartphones, une bonne partie de l’auditoire met en joue, shoot le large sourire d’Asa Taccone, enfonce frénétiquement la touche “Partager”. Le live des auteurs de “This Head I Hold”, tube indie de l’été, compte parmis les événements à ne pas rater. Cependant, d’autres sèchent le premier de la “liste d’artistes qui excitent” Pedro Winter pour mieux apprécier l’esprit punk des DROPKICK MURPHYS. Du haut de la grande scène, les américains éveillent la foule avec leurs mélodies inspirées de la musique traditionnelle irlandaise. Les spectateurs tapent des pieds, battent des mains, se bousculent… Même les fidèles sosies de Robert Smith (version “Roberta” comprise) consentent à secouer les épaules. La fête bat son plein au pied de la Grande Scène. Le groupe, chargé à 1000 volts, nous fera même le plaisir de jouer “Mad World”, que nous connaissons pour figurer dans “Les Infiltrés” de Scorsese. Mais déjà, le ciel s’assombrit.

 


Le vent souffle de plus en plus fort quand les californiens quittent la Scène de la Plage. KAVINSKY s’installe derrière ses platines. Son album, attendu au tournant, devra sonner “comme une BO” selon ses propres dires. Sous le ciel de plus en plus apocalyptique, le DJ met le feu et annonce la couleur : l’atmosphère est traversée de décharges électriques ? Rien à s’couer : The Show Must Go On. Enfin, en théorie. Les jolies pépés qui se trémoussent en première ligne ne peuvent ignorer les messages de prévention défilant sur les écrans géants. Même côté VIP, on flippe et se réfugie sous les tentes, verre de sky à la main.

 

 

Soudain, c’est le déluge. De la West Coast américaine, nous pensons avoir été téléportés sur la West Coast française (d’Armor, of course). Surpris par la météo, ou plutôt : déçus d’avoir oublié d’emporter un K-Way dans nos affaires, nous décidons de nous abriter sous la barraque à sushi. Et de passer d’une barraque à une autre, pour recueillir des informations. Bien évidemment, nous ne sommes pas les seuls à prendre cette initiative. Les vannes et les spéculations fusent. Certains prétendent que THE CURE ne joueront pas. D’autres, qu’un temps aussi merdique n’est que la manifestation de la sinistre félicité de Robert Smith. Cependant, c’est en bas de la Grande Scène que ça se passe. Inquiets, de nombreux irréductibles n’ont pas quitté la fosse et attendent un signe de l’organisation. Ils finissent par retrouver le sourire. Avec une heure de retard, Robert Smith (le vrai) et son groupe arrivent enfin, pour 3h30 de live au lieu des 2h30 annoncés. Rien d’étonnant pour ceux qui connaissent la réputation des longs et intenses concerts des britanniques. Même lorsque une furieuse envie de jeter un oeil et une oreille au set explosif de DIE ANTWOORD nous titille, nous retournons assez vite vers le Mainstage, pour nous laisser porter par l’émotion et la nostalgie qui submergent les spectateurs. Quelle chance de voir en live les icônes des années 80 et 90 reprendre leurs tubes les plus populaires, tels que “Just Like Heaven”, “Lullaby” et “Close To Me” (YES, SIR). Qu’importe si le terrain est devenu si boueux que nous manquons nous étaler dans les montées comme dans les descentes. A l’arrivée, ce sont les bras et la chaleur de nos compagnons festivaliers que nous trouvons.

 


Profitant de la provisoire accalmie, les festivaliers qui ont suivi le mouvement de panique pénètrent à nouveau dans le site du festival. Et ils sont récompensés en profitant de la programmation très clubbing de la nuit. Sur La Plage, SEBASTIAN le Boudeur offre un show compressé mais de bonne qualité, tandis que WIZ KHALIFA nous fait danser sur ses beats hip hop désormais branchés. Derniers invités de la carte blanche de Busy P, les DJ SKREAM, BENGA et SGT POKES nous envoient du bout de leurs doigts leur authentique dubstep d’Outre-Manche.

 

 

Sous les bourrasques et la grêle, la petite course entre les scènes s’achève avec le set de JUSTICE. Raccourcie et donc plus dense que prévu, la performance du duo électro pâtit forcément des conditions météo et du prolongement du passage de The Cure. Néanmoins, les animations visuelles sont éblouissantes. Nous produisons un effort surhumain pour nous concentrer sur les variations et modulations du son, jusqu’à ce que la fête cesse. Du moins… pour une dizaine d’heures.

 


Pleine d’émotions, la deuxième journée nous a épuisés. Nous sommes obsédés par l’idée de nous réfugier dans la tente, dégueulasser notre sac de couchage et ronfler jusqu’au petit matin. Or, lorsque nous arrivons enfin au camping, nous constatons qu’il en sera autrement pour les autres. Les rebondissements n’ont pas entamé la forme des campeurs. Sous nos paupières de plus en plus lourdes, nous observons avec fascination les festivaliers courir entre les tentes, improviser des apéros – à 4h du mat’, m’enfin, y a pas d’heure, les gars -, chanter, demander aux gardiens si la rumeur de la présence d’un sanglier est exacte, et échanger des anecdotes. Sous la pluie fine, ils ne songent qu’à danser, festoyer jusqu’à ne plus pouvoir s’arrêter. Jusqu’à ce que leurs corps s’effondrent. Jusqu’à la fin du monde.

 

Crédit photos : Pierre Gregori

 

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