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JINJER @ Le Rex (08/12/19)

Comme la plupart des dates de la tournée, Jinjer affiche complet ce soir à Toulouse. Un constat synonyme de beaucoup d’attentes également. Et ce n’est pas la pluie qui va refroidir l’assistance. Si nous sommes quelque peu circonspects sur le choix de la salle -notamment du fait que sur 100% des concerts auxquels nous avons assistés, les lumières étaient quasiment inexistantes- nous ne boudons pas notre plaisir d’enfin voir sur scène ces Ukrainiens qui font tant parler d’eux.

ІСТОРІЯ ?

A 19h30, les Ukrainiens de SPACE OF VARIATIONS débutent leur set de manière efficace, bien servis par un son plus qu’honnête pour une première partie. Venu de Vinnytsya (Jinjer est de Donetsk), la musique rappelle un mélange de Limp Bizkit et de Of Mice & Men, avec notamment la voix claire de Alex Zatserkovny (guitare). Les vainqueurs 2015 et 2017 du “Best Ukrainian Metal Act” balancent leur metalcore puissant, bien aidés par l’énergie déployée du frontman Dima Kozhuhar. Car même si celui-ci s’excuse avant “Tibet” de ses mouvements scéniques un peu basiques -souffrant apparemment d’une blessure récente à une jambe- on ne peut pas dire qu’il choisisse la facilité non plus en allant dans la fosse, sautant avec la foule, ou en montant sur un rail de côté. Les trente minutes passent très vite et le public en redemande.

Décalé mais sérieux

Place ensuite aux Finlandais de KHROMA délivrant un set de metalcore/groove metal/électro hypnotique, saccadé et dérangé. Les ultra-basses se font bien ressentir, et les protections auditives sont de sorties en raison d’un son très -trop ?- écrasant. Le bassiste semble possédé, le guitariste avec son look “famille Manson” (et cette épaule dénudée) n’est pas en reste, pendant que le frontman, plus statique et sérieux, trifouille de temps en temps son séquencer. A noter leur toute nouvelle vidéo et single “Kill The Friction”. Ça headbangue lourd dans une sorte de communion attentive et curieuse. Pour les amateurs du genre.

Canada, ô Canada

Les Canadiens de THE AGONIST (ex-groupe d’une certaine Alissa White-Gluz) sont attendus et la foule se presse déjà un peu vers la barrière. Sans forcément comparer avec Arch Enemy, le death metal mélodique proposé, en alternance growl et voix claire, a clairement vocation à toucher le plus de monde possible dans ce créneau. Si nous préférons largement les parties en growl plutôt qu’en voix claire de Vicky Psarakis (chant), celle-ci, de par sa gentillesse “je vais essayer de parler Français le plus possible”, fait passer un bon moment. Quelques circle pits font vite leur apparition, pour le plus grand plaisir de Chris Keels (basse).

Venu défendre “Orphans” (2019), avec notamment “The Gift Of Silence”, le quintette impose bizarrement un mini solo de batterie avant “Dead Ocean”. Assez surprenant au vu des quarante-cinq minutes accordées pour leur set. La joyeuse frontwoman continue à motiver les troupes “faites du bruit bordel !” avant le final “As One We Suffer, As One We Survive” ! Si nous ne sommes pas spécialement réceptifs à ce style précis, le public semble lui avoir grandement apprécié ce dernier apéritif avant la tête d’affiche.

Puissance XXL

Les lumières (enfin… on y reviendra) s’éteignent à 22h05 et un minuteur, aux caractères verts affichant trois minutes, apparaît sur l’écran central des trois écrans rectangulaires positionnés à la verticale en fond de scène. A l’image d’un triptyque (ndlr : œuvre peinte sur trois panneaux, souvent utilisés pour les œuvres religieuses), ceux des côtés, quant à eux, présentent des sortes de scies circulaires fixées sur une tige de fer et font mine de tailler l’écran dans des gerbes vertes (l’ensemble fait très Matrix). Cette introduction est accompagnée en fond sonore de “lainnereP” à savoir “Perennial” joué à l’envers. Original et efficace. L’assemblée, chauffée à blanc, scande déjà des “Tatiana ! Tatiana !”, tellement il est évident que la star, c’est elle.

JINJER débute avec “Teacher, Teacher” et ses touches de reggae/ragga suivi d’un “Sit, Stay, Roll Over” déjà dantesque qui déclenche d’emblée du mouvement. Le metalcore/groove metal des Ukrainiens, qui n’est pas sans rappeler un peu Meshuggah, est sans pitié, même si le son a pu être plus clair.

Dix ans après, Jinjer semble enfin s’être fait définitivement remarquer. Vladislav Ulasevich (batterie) est forcément concentré derrière ses fûts. Son jeu ultra précis est un régal. La bondissante Tatiana Shmailyuk (chant), arborant une sorte d’imperméable ornée d’une ceinture tricolore, est tout sourire. La scène étant basse, on ne voit rien d’autres que les tourniquets de sa queue de cheval. Mais le gros point noir de la soirée sont les lumières, ou plutôt l’absence de lights, comme il est récurrent dans cette salle. L’ambiance et le côté artistique ont bon dos parfois. Impossible de distinguer qui que ce soit si vous êtes à plus de cinq mètres de la scène. Déjà que les musiciens sont souvent rétroéclairés par les écrans. Toute vidéo ou photo digne de ce nom n’est même pas à envisager.

Le gingembre qu’il nous faut

Le tube “Judgement And Punishment” du dernier album “Macro” est très attendu. “I Speak Astronomy”, avec son passage très mélodique en voix claire, démontre aussi les capacités vocales de la belle. Roman Ibramkhalilov (guitare) est, tout comme son compère Eugene Abdiukhanov (basse), très statique et très concentré. Ça slame et ça pogote sur le refrain de “Who’s Gonna Be The One”. Le seul extrait de “Cloud Factory” (2014) est repris à gorges déployées par bon nombre de fans.

L’interprétation du ultra heavy “Retrospection” est définitivement l’un des points forts de la soirée. Avec son introduction chantée en voix claire et en Russe, précédent un assaut imparable pour nos pauvres nuques. Après la doublette provenant du dernier disque “On The Top” et le groovy “Pit Of Consciousness”, la frontwoman annonce “It’s just another song, it’s just another day…”. Juste avant le second coup de cœur de la soirée “Just Another”. Quelle claque ! Et ce n’est pas “Words Of Wisdom” qui va calmer le jeu, loin s’en faut.

C’est malheureusement déjà l’heure du rappel. Tatiana explique qu’ils sont bientôt en manque de temps, mais également en manque d’oxygène. Après remerciements, c’est bien entendu “Pisces” qui clôt les débats.

1h15 de bonheur, une setlist très équilibrée, mais un son “peut mieux faire” et une absence de lumières remarquée donc.

Ce quatuor, à l’histoire particulière et mouvementée, mérite amplement le “buzz” dont il bénéficie actuellement.

Jinjer Setlist Le Rex, Toulouse, France 2019, Macro