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GROEZROCK 2012 – Jour 2 (29/04/12)

Aaaah, Meerhout. Sa superette, ses pavillons de plein-pied aussi coquets que des maisons Playmobil, ses terrains, ses vaches… et ses keupons. Depuis 20 ans, la charmante Meerhout, ville belge de 10 000 âmes située au coeur de la région flamande, accueille le Groezrock Festival. Chaque dernier week-end du mois d’avril, des milliers de mélomanes s’y rassemblent pour vibrer devant la crème de la scène punk, ska et hardcore internationale. Pour sa 21ème édition, le plus grand festival punk d’Europe frappe fort : les noms de Rancid, MxPx, Anti-Flag ou même des mythiques Refused étalent sur l’affiche. Mais plus qu’un gros festival rock sexy et cosmopolite, le Groezrock est une expérience à part entière. Deuxième partie et fin de cette formidable histoire belge.

Une fièvre musicale, une sensation de bien-être et la conviction de ne pas avoir assez dormi. Ce serait un banal dimanche matin si des sons provenant d’énormes enceintes ne traversaient pas notre tente posée sur un terrain en pleine campagne flamande. Pour cette deuxième journée de la 21ème édition du Groezrock, les concerts débutent dès 10h30. C’est ainsi qu’une bonne partie des festivaliers-campeurs, ceux qui ont osé se coucher, sont réveillés par des larsens et une folle envie de frica(n)delles. Cette fois-ci, ce sont VERSUS THE WORLD qui lancent la dernière série de concerts. Les californiens défendent en avant-première des titres de leur nouvel album “Drink. Sing. Live. Love.” dont la sortie est prévue pour la mi-juillet. Vers midi, toutes les scènes sont occupées pas un enchaînement de sets de trente petites minutes, par BILLY THE KILL ou même MAKE DO AND MEND. Il demeure difficile de suivre la programmation éclectique du festoche, et il nous faut encore nous balader parmi les chapiteaux pour en voir un maximum. Nous constatons avec étonnement que le line up original de MXPX (Chris Wilson de Good Charlotte et Kris Roe de The Ataris soutiennent occasionnellement Mike Herrera), qui succède aux ZEBRAHEAD sur la grande scène, n’attire pas tant de spectateurs. Nous sommes tentés de rejoindre la scène Fender pour assister à la fin du set acoustique de ANTI-FLAG, mais l’un de nos compagnons de route, fan notoire de Ludacris, nous détournera de notre trajectoire. THE OLD FIRM CASUALS vaudraient le détour. Il est 14h05 et Lars Frederiksen, le leader, a probablement eu tout le temps de se reposer après avoir fermé la marche avec ses vieux camarades de Rancid la veille. Les spectateurs encore ensommeillés paraissent captivés par la pêche des papys punk.

 

Bons communicants, les MOTION CITY SOUNDTRACK donnent une touche romantique, mélodique et décalée à ce week-end punk-hardcore avec, entre autres “Hold Me Down” et un Justin Pierre étonnement bien coiffé.

 

 

Cependant, le rythme s’accélère du côté de la violente scène Impericon. Bêtes de scènes confirmées, YOUR DEMISE nous tiennent en éveil du début à la fin de leur prestation. Ed McRae harangue la fosse et descend même de scène pour mieux partager sa rage hardcore.

 

 

Juste après et sur la même scène, ARCHITECTS nous donnent leur vibe avec un Matt Carter monté sur ressorts.

 

 

Néanmoins, nous n’éprouvons aucun remord quand nous les quittons pour les excellents ALKALINE TRIO. Nous retrouvons notre slammeur-superhéros-du-Supermarché, et rencontrons deux hommes déguisés en bananes. Le Groezrock est une usine à concepts. Nouveau signe extérieur de richesse punk : la bière est tellement bon marché que les festivaliers les plus désinvoltes balancent leurs verres encore remplis en l’air. Quand l’espace se vide progressivement, seuls restent des cadavres de gobelets en plastique dont le nombre laisse présager un long, très long travail de nettoyage.

 

Encore usés par le dernier After-Camping et désirant économiser notre énergie pour le grand retour de Refused, nous flânons sous un ciel enfin dégagé. Même la paire de britanniques en costume de banane pelée profitent du soleil. ANTI-FLAG allume la scène Impericon, à quelques jours de l’ANTIFest, festival organisé par le groupe dans une fac américaine. Leur set est ponctué par les discours militants du groupe de Pittsburgh. Juste avant le coucher du soleil, les rares THRICE nous gratifient de leur poésie et TERROR retournent l’assistance.

 

 

A quelques minutes du set de SIMPLE PLAN, ma charmante photographe montre son enthousiasme : “C’est simple : je connais leur setlist par coeur.” En effet, les canadiens font le show face à un public averti qui réagit favorablement. Rien avoir avec l’émotion suscitée la veille par Yellowcard; l’atmosphère est aussi légère que les titres joués, que les spectateurs reprennent par coeur.

 

 

Juste après, UNEARTH s’acharne joyeusement sur l’Impericon Stage; mais il nous faut abandonner ces chantres du metalcore au bout d’une vingtaine de minutes pour ne rien rater du clou du spectacle.

 

Sous le chapiteau de la Mainstage pour la dernière fois, les spectateurs sceptiques appréhendent ce qu’ils vont voir. Bien que cité comme une grande source d’inspiration par toute une génération de formations punk hardcore, le groupe qui ferme cette édition du Groezrock est attendu au tournant. La scène est encore sombre quand un enregistrement sonore, une voix masculine émane des hauts-parleurs. Soudain, c’est l’explosion : les puissantes lumières nous éblouissent et nous voyons les cinq membres de REFUSED, tels que nous les avions laissés à la fin des années 90, déjà en place, figés comme s’il n’y avait pas de début à leur concert. Ils emploient le même procédé entre les chansons, parfois sortant de scène et revenant comme pour une série de rappels. Après presque 15 ans d’absence, l’élégant Denis Lyxzén et ses pas de smurf emmènent le groupe dans une performance artistique et musicale qui force le respect. Ils interprètent une bonne partie de “The Shape Of Punk To Come” (1998), comme “Liberation Frequency”, “Protest Song ’68”, etc. Ok, les Refused ne sont pas putain de morts. Cependant, à mesure qu’ils délivrent leurs messages militants et que Denis tape des moonwalks, les spectateurs s’impatientent jusqu’à ce qu’on leur donne enfin leur sucrerie. Finalement, Kristofer Steen se décide à jouer l’intro de “New Noise” tandis que des spectateurs se pressent vers la scène pour mieux profiter de la chaleur et de l’énergie des premiers rangs. Quand retentissent les paroles : “CAN I SCREAM ?! Damn’ ! We lack the motion… to move to the new beat !”, la foule s’anime. La fosse devient un champ de bataille pour la dernière fois ce week-end. Après avoir prétendument mosh-pitté tout en braillant 90% des paroles en yaourt et “THE NEW BEAT !” plutôt correctement, nous réalisons que nous n’avons pas la même forme qu’à nos 15 ans, quand nous découvrions ces morceaux puissants et, à peine, les références qui les traversent. Alors nous continuons d’observer Denis Lyxzén, qui est désormais torse poil et toujours aussi déchaîné. Après “Tannhäuser/Derive”, Refused nous quitte sous une vibrante ovation du public. La fête est déjà finie… enfin, presque. Nous quittons le chapiteau de la grande scène pour retrouver nos nouveaux poteaux belges, allemands, britanniques ou hollandais. Nous sommes fatigués mais extatiques, désormais suédois et livrés en kit.

 

Claques scéniques, gadoue, séquences émotions fortes, rencontres avec des légendes du punk rock et bière pas chère : les deux jours du Groezrock laissent une trace indélébile dans l’actu musicale de 2012. Que nous maîtrisions ou pas la programmation de ce festival haut en couleurs, nous admettons que l’énergie des performances scéniques et la bonne ambiance donnent envie de revenir. D’ailleurs, pour cela, l’orga du Groezrock a un argument de taille : le bruit court que Tim Armstrong reviendra avec The Transplants pour la 22ème édition… En tous cas, nous espérons que la durée des sets l’emportera sur la quantité et que l’avenir nous réservera des moments aussi forts que la branlée collée par Refused. Alors que nous quittons le village le lundi matin, nous amorçons un lent retour à la réalité et sentons un drôle de parfum dans la voiture. Nos hoodies et nos bottes ont été contaminés par la douce odeur de vache qui nous a accueillie vendredi… Made in Meerhout, bitch.

 

 

Crédit photos : Jennifer Wagner

 

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