
Deux ans après avoir retourné la même salle, Gojira retrouve l’Accor Arena en terrain conquis. Entre-temps, les Landais ont mis le feu à la cérémonie d’ouverture des J.O. de Paris 2024, décroché un Grammy et raflé deux prix aux Foudres du Bataclan. Autant dire que ce retour dans la capitale a des allures de consécration. Mais la fête est ternie par une inquiétude : la récente blessure à la main de Joe Duplantier. Quelle conséquence sur la performance tant attendue des Français ?
Neckbreakker : la mise à feu
Premiers à fouler la scène dès 19h, NECKBREAKKER n’a pas besoin de longues présentations : la simple mention de leur nom suffit à annoncer la couleur. Portant haut leur premier album Within The Viscera, le combo déroule un death metal générique teinté de breaks hardcore. Si le son manque un peu de puissance, cela n’empêche pas la fosse (encore clairsemée) de bouger au rythme du marteau-piqueur danois. Il faut dire que les innombrables invitations aux circle pits, les growls caverneux et la batterie qui frappe sans répit ont de quoi motiver ceux qui sont venus tôt. Les morceaux s’enchaînent comme une seule déflagration compacte, parfois au détriment des nuances, mais l’efficacité est là. En fin de set, le quintette lance même un braveheart qui finit d’électriser les premiers rangs. Déjà remarqué au Hellfest, Neckbreakker continue de se frayer une place dans le paysage du metal extrême.
Comeback Kid : le détonateur hardcore
19h45. Changement d’ambiance radical avec COMEBACK KID. Les vétérans du hardcore mélodique déboulent devant un backdrop à leur nom, casquettes vissées sur la tête. La fosse s’est densifiée et l’ambiance monte d’un cran. Porté par un Andrew Neufeld intenable, qui court d’un côté à l’autre de la scène pour haranguer la foule, le groupe enchaîne les brûlots sans temps mort. Entre “False Idols Fall”, “Talk Is Cheap”, “Heavy Steps” et, bien sûr, l’inusable “Wake The Dead” en conclusion, les Canadiens revisitent leur discographie à un rythme infernal. Les deux guitaristes et le bassiste donnent de la voix, les riffs incisifs claquent, le chant clair est parfaitement en place. “Can we dance?” lance Andrew avant de faire sauter une dernière fois toute la fosse. Sans artifices ni grandiloquence, Comeback Kid rappelle les règles d’or d’un bon concert de hardcore : le cœur, la sueur, la ferveur.
Gojira : le monstre lâché dans l’arène
21h. Les lumières s’éteignent, quelques animations s’emballent sur l’écran de fond avant que “Only Pain” ne fasse exploser l’Accor Arena. Le son de GOJIRA est massif et plutôt clair, tandis que les écrans latéraux offrent des gros plans sur chaque musicien, répartis sur deux niveaux de scène. D’emblée, on comprend que la blessure de Joe, visible avec son orthèse, n’a pas amputé la bête. Il faut reconnaître que Greg Kubacki, monstre de dextérité officiant chez Car Bomb, assure sans trembler les rythmiques de Duplantier. Délesté de son instrument, Joe endosse son rôle de frontman, occupe l’espace et livre une performance vocale tout en muscle. “The Axe” et “Backbone” enfoncent le clou, portés par des effets stroboscopiques qui collent parfaitement à la rythmique. La machine Gojira est toujours aussi précise et semble plus vivante et immersive que jamais.
Une messe de metal olympique
La montée en tension se poursuit avec l’enchaînement “Stranded” / “The Cell”, déclencheur de jets de confettis et de circle pits endiablés. Absente des setlists depuis 2017, “Wisdom Comes” surgit comme un lointain rappel des racines death metal du combo. L’immersion devient totale sur “Flying Whales” avec l’arrivée de deux baleines géantes volant au-dessus d’une fosse complètement ébahie. Puis, une pancarte “Vous voulez plus de double pédale ?” brandie par Mario avant “From The Sky” donne le ton de la déferlante à venir. Peu importe l’album, chaque titre confirme la puissance de feu d’un Gojira taillé pour l’Arena, porté par des jeux de lumière, des machines à fumée et une pyrotechnie plus généreuse que lors du précédent Bercy. Mais c’est bel et bien quand Marina Viotti rejoint le groupe pour “Mea Culpa (Ah! Ça ira!)” que le show bascule dans une autre dimension. On a l’impression d’assister à une after party olympique !
From Mars To Fortitude
Le dernier acte s’ouvre sur la délicatesse en trompe-l’œil du tapping de “Born In Winter”, jouée pour la première fois sur cette tournée. Après un medley de l’album phare From Mars To Sirius (2005) avec une baleine argentée en fond, “The Chant” transforme l’Accor Arena en chœur géant. Marina revient d’ailleurs prêter main-forte sur ce moment de communion symbolique. Fosse comme gradins, tout le monde s’époumone et le sentiment d’une grande famille célébrant une musique plus si marginale est à son paroxysme. Très attendue, la tribale “Amazonia” sonne comme un signal d’alarme climatique, renforcée par les animations enflammées sur les écrans. À l’image de l’intensité de ses prestations, l’engagement de Gojira n’a jamais faibli. Une constance qu’il s’agit de saluer à l’aube de trente ans de carrière et d’un huitième disque à venir l’an prochain.
Impossible n’est pas Gojira
Au terme d’1h45 de show, “L’Enfant Sauvage” fait office de manifeste générationnel avant que le coup de grâce n’arrive avec “Global Warming”. Porté par des animations sublimes, ce final laisse l’Accor Arena figée dans un même souffle. Plus spectaculaire, plus immersive et mieux sonorisée que lors de son précédent passage, la performance de Gojira balaie la question épineuse de savoir si le metal a sa place dans les arenas : elle l’impose. La vraie interrogation, désormais, sera de savoir qui sera encore capable de suivre le groupe dans son ascension. Mario, porté par la fosse sur sa planche, et Joe, qui arrose le public de T-shirts à l’aide d’un pistolet, n’ont pas vraiment l’air de s’en soucier. Et encore moins de douter qu’une soirée comme celle-ci grave un peu plus les lettres de noblesse du metal français.









































