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FESTIVAL PAPILLONS DE NUIT 2016 – Jour 2 (21/05/16)

Bottes aux pieds, K-Way sur le dos et cape de pluie de secours dans les sacs et ce deuxième jour de festival peut s’ouvrir sous un ciel gris, lourd et dans la chaleur moite de Saint-Laurent-De-Cuves.

 

 

JAHEN OARSMAN (Scène Erébia) – Jahen Oarsman amène un petit souffle de fraicheur sur la scène Érébia avec son indie folk des grands espaces. Lauréat du prix de l’Ampli Ouest France 2015, il est soutenu par la Luciole, scène de musiques actuelles d’Alençon (donc du coin pour ceux dont la géographie normande laisse à désirer). Si sa jolie folk à la Ben Howard nous fait rêver d’infinis espaces musicaux, elle manque de l’ampleur nécessaire pour nous faire décoller et ne laisse pas une grande impression dans notre mémoire.

 

 

ROVER (Scène Thécia) – Même le doux géant Rover peine à nous convaincre réellement. Mais peut-être qu’il y a une heure plus propice à certaines histoires qu’à d’autres, et celles de Rover, pourtant ô combien puissantes et subtiles, requièrent plus d’attention qu’un festivalier moyen n’est capable d’en donner après une courte nuit à 17h au soleil normand. Reste la musique, impeccablement rock, sombre et séduisante à la fois.

 

 

NEKFEU (Scène Vulcain) – Pas la peine de chercher une transition entre Rover et Nekfeu, il n’y en a pas. Sauf qu’à notre grande déconvenue, Nekfeu s’avère réellement plus captivant. Passons sur son flow agréablement surprenant et sur la qualité de ses textes, c’est surtout un homme de scène. Ou plutôt des hommes, car le concert aurait pu s’appeler Nekfeu and friends vu que le rappeur est venu accompagné de bon nombre de ses acolytes de L’Entourage et 1995. Il aime le public, à tel point qu’il prend des bains de foule lorsque, tentant un slam dans un bateau gonflable, le frêle esquif se renverse, laissant à la sécurité le soin d’aller le repêcher dans une baïne de fans déchaîné(e)s. Et puis il y a eu des confettis, des ballons, des danseurs, des accessoires ainsi que d’autres artifices et au final on retient plus le show que la musique, alors que faut-il en penser ?

PUTS MARIE (Scène Erébia) – Étrangement il se produit tout à fait l’inverse pour Puts Marie, on adore sa musique, ce rock flegmatique abâtardi de blues et de hip hop, cette voix si particulière qui nous fait penser à plein de monde et ne ressemble à personne, cet univers sombre et fascinant à la Tom Waits. Et pourtant on reste un peu en dehors, à côté, comme si on n’avait pas vraiment été invité à la fête, comme si on débarquait au milieu d’une conversation qui a commencé et se poursuit sans nous. Le live, objectivement très bien, nous déçoit quand même un peu, mais peut-être en attendions-nous tout simplement trop.

 

 

 

FEU! CHATTERTON (Scène Thécia) – Sur la scène Thécia c’est un autre freakshow qui commence, avec les dandys rock un peu barrés de Feu! Chatterton. Mais eux ont clairement quelque chose à nous raconter, de toute urgence. Des textes beaux comme des camions, qui nous évoquent rapidement la poésie d’un Baudelaire, avec tout le sublime de leurs mots d’orfèvres et la trivialité de certains sujets, comme les avions ou le naufrage du Costa Concordia. Si les musiciens taillent un costume haute-couture à ces chansons, elles sont portées par un chanteur magnétique, fils caché d’une union secrète entre Gainsbourg et Léo Ferré. Les défenseurs du made in France n’ont pas de soucis à se faire pour la chanson rock française, elle a de beaux jours devant elle avec la musique unique, élégante et très moderne de Feu! Chatterton. Inspirant.

 

 

LOUISE ATTAQUE (Scène Vulcain) – Et si la relève assure, la vieille garde ne se défend pourtant pas si mal, à l’image du retour très apprécié de Louise Attaque. Trois notes et la foule est en délire, chante en chœur et à pleins poumons les plus grands succès du groupe. Et, à notre grande surprise, nous ne sommes pas en reste. C’est la magie Louise Attaque. Sans avoir particulièrement écouté ni aimé la formation, on est imprégné, comme toute une génération, de ses (nombreux) tubes. Et puis Louise Attaque sur scène c’est la poésie des textes, la jubilation instrumentale, le charisme et l’immense générosité de Gaëtan Roussel. Finalement, ils ont encore pas mal de choses à raconter, et vu qu’ils ont manifestement envie de le faire avec ce même talent inimitable, on va très probablement tendre l’oreille pour les écouter.

 

 

FAT WHITE FAMILY (Scène Erébia) – À l’opposé de la chanson lumineuse de Louise Attaque, il y a le rock vaguement psyché fascinant et troublant de la Fat White Family. Notre cœur s’arrête de battre dès les premières notes, quand fidèle à l’attitude déglinguée de l’ensemble du groupe, le chanteur se met à bouger comme Ian Curtis (Joy Division). Cette musique sombre, hypnotique, nihiliste et rien à foutiste qui a su garder le meilleur de son héritage britannique des années 80, c’est pire que le chant des sirènes. On y succombe, on se roule dedans et on en redemande. Il faut à minima une odeur insistante de jambon grillé pour nous déloger du concert avant la fin. Pour notre défense, avec un site de transformation de viande au sein du festival, on lui accorde volontiers la palme de la restauration !

 

 

JEANNE ADDED (Scène Thécia) – Il fallait bien reprendre des forces avant de replonger en eaux tumultueuses avec l’étonnante sirène Jeanne Added. Si on devait définir le show en un seul mot, ce serait : martial. La performance scénique, le chant, les musiciens, le son, la lumière, tout est parfait, millimétré, impeccable et puissant. Certaines mélodies plus pop sont autant de portes d’entrées sur des digressions très très électro et le concert s’équilibre plutôt bien entre des temps calmes allant chercher la corde sensible et des moments “grosse baston”. Et cerise sur le gâteau, le tout est habilement emmené par un lutin mi-femme mi-voix qui disparaît sous sa basse mais écrase tout le monde de sa puissance. Amen.

 

 

SYNAPSON (Scène Vulcain) – Sur notre chemin pour attraper Last Train, on jette un œil à Synapson, duo de DJ qui mixe au sens propre comme au figuré des sons et des influences. Le concert aux Papillons De Nuit est plutôt agréable à suivre grâce à la présence de nombreux guests venus chanter ou jouer de certains instruments live.

LAST TRAIN (Scène Erébia) – Sans s’attarder devant Synapson, nous filons pour ne pas rater Last Train. Honnêtement c’est un bon concert pop rock, on n’a pas grand chose à lui reprocher, c’est bien, ça joue bien, mais… Ça ne nous fait pas grand chose. Ca ne gratouille pas, ça ne chatouille pas, c’est un peu linéaire et on manque de surprise, de rupture, d’inattendu. On attend qu’il se passe quelque chose et ça ne se passe pas. Et on est un peu frustré au final, parce que tout le monde est assez unanime sur Last Train : “c’est génial”, “c’est le renouveau du rock français”, on se dit qu’on a dû rater le coche, ou le train… encore.

 

 

JABBERWOCKY (Scène Thécia) – Une fin en queue de poisson en somme, parce qu’on a passé une excellente soirée aux Papillons De Nuit, malgré la pluie qui s’est enfin décidé à crever les nuages en fin de soirée. Mais il faut finir par Jabberwocky, et ça laisse comme une amertume en bouche. Le problème de la qualité des prestations scéniques de ce groupe n’est pas nouveau. En revanche, un génie a eu la bonne idée de placer sur scène deux chanteuses avec entrées, sorties, déplacements et mouvements chorégraphiés… et ça ne fonctionne (évidemment) pas. On a vu toute la soirée des formations nous livrer des histoires personnelles, intimes. Et là on essaie de nous raconter des histoires. Dommage, car à 2h du matin, dans un champ normand, on se serait contenté de l’électro dansante et un peu easy de Jabberwocky. On n’en demandait pas plus.

Ce sont les oreilles encore bourdonnantes d’une foultitude de styles musicaux que nous allons poser nos têtes sur les oreillers bien secs du gite : la tente peut avoir son charme mais certainement pas sous la pluie persistante qui s’abat méthodiquement sur le festival, douchant les derniers fêtards en route vers le camping.

Anthony Bé
Fondateur - Rédacteur en chef du webzine RockUrLife