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FESTIVAL PAPILLONS DE NUIT 2015 – Jour 3 (24/05/15)

Allez, on s’y remet ! Levé du bon pied, un coup de Cacolac en guise de petit dej’, les affaires sont rechargées dans la voiture et hop, on est frais comme des gardons pour cette dernière journée. Il faut en effet se motiver parce que sur le papier la programmation éclectique (c’est le mot gentil pour fourre-tout) ne nous parle pas plus que ça.

 

 

C’est BEACH YOUTH qui ouvre le bal (de promo, manifestement, au vu de la moyenne d’âge). Des guitares claires ou légèrement saturées, des mélodies fraiches plus pop que rock, les jeunes Caennais, vainqueurs du tremplin régional qui leur a ouvert les portes de Papillons De Nuit, font le taf proprement. C’est bien ce qu’on peut leur reprocher : ça sent un peu trop le savon séché derrière l’oreille. On regrette aussi qu’ils n’aient pas la flore musicale suffisamment riche pour les aider à digérer entièrement leurs influences. Et voilà qu’en moins de deux, on en est rendu à siffler les refrains tous en cœur. Clairement, s’il y a un air que les Beach Youth connaissent bien, c’est l’air du temps.

 

 

La jeunesse est le thème récurrent de cet après-midi (les premiers concerts jouent depuis 15h30 !) puisque LEWIS EVANS, crooner local entouré de musiciens hippies bobos, s’est adjoint les services d’un bataillon d’hormones en freestyle, d’acné exubérante et de sourires comme une capture Google Earth d’une gare de triage. Bref, Lewis Evans a travaillé avec une chorale d’élèves d’une classe de 3ème du collège de Brécey, ainsi qu’avec l’Harmonie de Granville. Joli travail au final puisque la présence des uns et des autres enrichit le projet, les élèves et l’orchestre apportant une présence musicale, visuelle et du corps à un artiste sur lequel on ne se serait peut-être pas arrêté, bien qu’il faille lui reconnaître un charisme et une élégance plaisante. On tire notre chapeau à tous les membres de la formation, puisque ni les amateurs ni les pros n’ont tiré la couverture à eux, et que l’ensemble formait un tout sacrément cohérent. Merci à tous ces jolis funambules (et à leurs papa et maman dans le public qui nous ont régalés de photos en rafale, de “coucou c’est Papa !” enthousiastes, et de “c’est ma fille” brûlants de fierté).

 

 

On redescend encore d’un cran quant à l’âge du public cible, puisque débarque ensuite ce qui ne peut être qu’un voyage scolaire organisé par la confédération des écoles primaires de Basse-Normandie, vu le nombre et l’âge des fans de BLACK M. Ce dernier monte sur scène peu de temps après, c’est la marée humaine devant son show, il est facile de deviner qui a attiré les foules aujourd’hui. On mettra donc ce moment de relative quiétude sur l’ensemble du site pour aller grignoter un bout de charcuterie produit dans le village même, ou s’accouder au bar à tripes (pas sûre que Bimour ou Glaba l’ai mentionné comme conduite à adopter dans son article “être au top en festival”), ou s’enfiler une douzaine d’huîtres au stand de produits locaux. Black M ? On a rien à en dire, ni en bien, ni en mal, c’est sans intérêt.

En revanche, SHAKE SHAKE GO c’est “au top en festival” et on arriverait même à être d’accord avec les magasines féminins. Le groupe mi-français mi-britannique joue une folk lumineuse sur son EP à laquelle se rajoute en live le bruit du vent dans les arbres, les odeurs de cuir tanné et de grandes prairies. Des groupes comme on les aime en fait, simples, passionnés et talentueux et suffisamment impudiques pour prendre leur pied en public. Du coup, on a comme un goût de reviens-y, qui s’avère complètement frustré quand on constate, sur une plateforme de streaming, que la formation n’a qu’un EP. Et quatre titres en boucle, on risque de se faire des ennemis dans l’open space.

 

 

Bon, ARTHUR H. pas trop d’inquiétude, on n’est à priori pas trop client de chanson française. Oui mais voilà, force est de constater que le monsieur à la longue silhouette maigre, le nez proéminent et les oreilles décollées, affublé de grosses lunettes de soleil nous fait furieusement penser à l’homme à la tête de chou, Gainsbourg. Avec élégance et un détachement amusé, il délivre une chanson française moderne qui propose une vision à la fois poétique et sans concession du monde actuel. Peu de gens se sont hélas déplacés pour entendre le généreux Arthur H., trop occupés à offrir des barquettes de frites aux enfants pour acheter leur tranquillité. Ne vous pressez pas les amis, Ms. Lauryn Hill est légèrement en retard.

 

 

Alors comment dire, à ce moment de la soirée, deux versions sont possibles. Avec près de quarante-cinq minutes de retard sur l’heure annoncée de début de concert, MS. LAURYN HILL arrive sur le site. Elle s’éjecte directement de sa voiture pour débouler sur scène et commencer sans perdre une seconde (et donc sans passer par la case formules de politesse de type excuse ou simple “bonjour”). Il faut dire que depuis quarante-cinq minutes on tolère son insupportable DJ qui fait ce qu’il peut pour meubler, épaulé par l’ensemble des musiciens et des choristes. Ms. Lauryn Hill débarque tel un commando marines et instaure l’état martial. Oui parce que commencer à jouer sans avoir fait de réglages préalables c’est très courageux pour les uns, suicidaire pour les autres. Les deux premiers morceaux sont un horrible moment à passer pour tous (et surtout pour le technicien son retour, paix à son âme). Tel un pantin désarticulé, elle fait des signes de chef d’orchestre particulièrement véhément à l’attention des musiciens, on ne sait si on a en face de nous un génie de l’improvisation transcendé par la musique ou une diva furieuse. Les titres s’enchaînent sans un mot pour l’assemblée qui, lassée, s’en va voir ailleurs à la recherche d’artistes qui n’auraient pas l’air d’une maîtresse d’école acariâtre. Quelques reprises des Fugees, quelques tubes, et c’est parti pour trois reprises consécutives de Bob Marley. Franchement, on espérait mieux en terme de répertoire (euh, en terme d’ambiance aussi, pour être honnête). On voit bien toute la musicalité de cette belle artiste, mais il y a quelque chose qui ne passe pas puisqu’on fait un effort pour rester devant la scène. Pour résumer, on a assisté à un très mauvais concert d’une très grande interprète. Mais la question qui se pose c’est, lorsqu’on connaît les coûts et les tracas liés à l’accueil d’un artiste de ce genre, aussi talentueux soit-il, doit-on encore s’embarrasser de ce genre de programmation pour un nom ou une gloire (un peu oxydée quand même pour Ms. Lauryn Hill) ?

 

 

Surtout quand on assiste, quelques secondes après, au concert d’ELECTRO DELUXE, tout en groove, en bonne humeur, en classe et en simplicité !

 

 

Ou encore, s’il faut comparer les têtes d’affiches à armes égales, quand on voit la ferveur qu’un YANNICK NOAH peut susciter, grâce à son énergie, son charisme et sa générosité sur scène. L’auditoire est là, composé majoritairement des familles déjà présentes pour Black M, tout en gigotement, en blagues bon enfant et en sourires. D’accord, nous, les morceaux de Yannick Noah sont pareils à un bon lob, ça nous passe complètement au-dessus. Mais il en faut pour tous les goûts, comme dirait “La Voix Des Sages”.

 

 

Bon, même si elle n’a pas (encore) gagné la coupe Davis, LA FINE EQUIPE reste un concurrent sérieux pour Yannick Noah, puisque qu’elle lui vole une majeure partie des spectateurs, des ados et jeunes adultes. Avouons qu’on est très fan de “La Boulangerie” et de ses titres léchés comme un glaçage d’éclair au chocolat. Alors forcément, en live, avec ce son plus brouillon contraint par la performance que s’impose La Fine Equipe, on perd un peu nos repères. C’est tout l’intérêt du live d’ailleurs, avoir des versions différentes de celles qu’on connaît déjà par cœur, c’est ce qui rend les concerts si vivants et si uniques.

 

 

À l’image des Papillons De Nuit, festival atypique peut-être, avec une sacré personnalité du moins, la chose est sûre. Un gros festival qui aura gardé son âme d’avant, quand il était encore petit, et comme dirait l’autre “pourvu que ça dure” !

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Anthony Bé
Fondateur - Rédacteur en chef du webzine RockUrLife