Reports

FESTIVAL CHORUS DES HAUTS-DE-SEINE 2015 – Jour 3 (29/03/15)

C’est reparti pour une nouvelle soirée au Festival Chorus des Hauts-De-Seine à La Défense, avec un casting pointu et une équipe charmante. En ce dimanche, nous aurons le plaisir de découvrir pour certains et de goûter à nouveau pour d’autres, les différents groupes de la programmation. Éclectique oui, mais un lien les unis : l’originalité et la puissance.

Melissa Jefferson alias LIZZO, a donné une bonne leçon en matière de hip hop alternatif. L’Américaine de Minneapolis s’est enflammée dès le début du set, accompagnée de son acolyte Sophia Eris aux platines. Bienvenue dans son monde où le charisme et la bonne humeur sont majeurs. Cette poupée extravagante “so fashion” est arrivée en salopette moulante et chaîne en or, armée de cela, elle réveille le public peu nombreux et bien trop timide, mais chez Lizzo, l’introversion n’existe pas. Sa personnalité est singulière, elle possède une voix entre Aretha Franklin et VV Brown, détient sa place dans l’univers du hip hop, avec un flow à la Busta Rythmes façon Karmin. Que demander de mieux pour un dimanche perturbé par les flots ? Elle se transforme en féline maîtresse de l’absurde sur “Batches & Cookies”, rejointe sur le devant de la scène par son binôme, ces deux énergumènes sont étonnantes par leur énergie, leur brutalité et leur complexe féminité. Loin d’un personnage à la familière Nicki Minaj, cette perle est authentique, son coffre est contagieux, si bien qu’elle peut se permettre un soupçon du titre sacré “Niggaz In Paris” de Jay-Z, sans l’ombre d’une difficulté. Que ce genre musical soit le vôtre ou non, elle nous embarque dans un street art show où l’on revisite l’éréthisme cardiaque de “Bounce” de Timbaland. Lizzo réinvente les trottoirs de Détroit à Paris, pas besoin d’une salle comme Bercy, le Magic suffit. Elle vit ses textes et les crache avec emprise, on ne s’est pas privé d’applaudir ces charmantes gueules d’anges en furie.

 

 

Changement de registre, changement de scène au coeur des tours de La Défense. Place au groupe néerlandais BOMBAY, avec un indie rock alternatif au grunge revisité. Le premier titre du jeune trio nous entame un rock bien sale par une claire référence à The Stooges avec “I Wanna Be Your Dog”. La soirée s’annonce intéressante pour les novices. Le chanteur et guitariste Mathias Janmaat révèle un portrait familier à Liam Gallagher. Loin des problèmes existentiels, la formation est pure façon rock nature et est heureuse de traverser cette tempête avec nous. Ils s’embarquent pour plus de trente minutes de riffs électrisants et de déferlements de batterie avec Linda Van Leeuwen, qui transforme ses cymbales à force de les cogner. Le bassiste Gijs Loots a en sa possession une Gretsh Electrotone, qui en fait baver plus d’un dans l’assemblée. Leur univers et leur style sont accessibles et terriblement accrocheurs. Ils sont remplis de vibrations positives et l’on parcourt des références solides tels que Nirvana, Yeah Yeah Yeahs, des soubresauts de Pixies, sans oublier Beck, évidemment ! Le refuge de La Défense s’est transformé en garage en plein coeur de Liverpool. Intégrez bien les Bombay Show Pig, car les années feront indubitablement parler d’eux.

 

 

ANAKRONIC est une formation en plein coeur du klezmer mixé de dub, drum&bass et d’abstract hip hop. Ils font du Magic, un monde parallèle où les formes cylindriques prennent le pouvoir. Un quintette aux sens déjantés d’un cirque pour adulte, l’alliance du pad et de la clarinette enivrent ce qu’il reste de nous. Transits de froid, nous ne manquerons pas l’envers du décor entre Beastie Boys et The Roots. Ils prennent part du registre psychédélique pour nous condamner à un set sans répit. Empreinte légère à Celtas Cortos, par une ambiance parfois celtique, les mots et les couleurs se mélangent, la spirale infernale atteint son pic. Les machines pleurent avec “Noise In Sepher”, Taron Benson possède une énergie et une diction renversante. Aux allures de boxeuse, elle maîtrise le public avec la dangereuse morsure de son flow. Ce combo de sonorités brille et englobe l’audience, nos corps résonnent de l’intérieur, ce qui provoque l’explosion autant sur scène que dans l’assemblée. Leur tonus dégénère, leur dernier morceau calque un air familier aux Shaka Ponk.

 

 

Nous repassons de l’autre côté et attendons patiemment 21h pour réveiller le Ponk qui est en nous. Une ironie chauffe la foule sur un air de musique classique, bercée au clavecin. Nous attendons le roi Frah et sa cour, un couple royal hors du commun, et c’est peu de le dire. Le public hurle, le show commence enfin, le vidéo projecteur ouvre le bal, qui s’annonce encore une fois, acidulé et démesurément barré. Voyons si ce concert sera aussi dynamité que celui du 20 novembre dernier à Bercy. La foule est intenable, aurait-elle gardé sa force du dimanche soir pour ce cortège en folie ? Le groupe est enfin au complet et bastonne déjà tout. L’énergie se veut démentielle, le jeu de lumières est aussi tonique que les occupants SHAKA PONK. C’est une folie furieuse où les lattes du plancher du Festival Chorus tremblent et menacent de lâcher. Un joyeux bordel où l’excitation bat son plein, une seule devise : “On a qu’une vie, que chaque moment compte”. Les Shaka l’ont bien compris, donc si certains membres de l’auditorium n’osent pas dépasser les bornes, ces illuminés s’en chargeront pour eux. Ils enchaînent les compositions comme si c’était la dernière fois, ils les interprètent avec du punch et de la bestialité. À base de sueur et de sauts, ils dénoncent l’éducation et se métamorphosent en animaux pas domestiques. Ils explorent toutes les possibilités et franchissent les limites avec “I’m Picky” dans les solos de Cyril (guitare), Mandris (basse), et Steve aux claviers. Les musiciens restaurent le punk rock à leur sauce, sans omettre leur mascotte Goz. Durant “Story O’ my LF”, le masque tombe et enveloppe la foule dans le cirque absurde de la vie, pour cela Samaha Sam, principale investigatrice, se fait précieuse mais pas ridicule. L’incontournable battle entre Ion (batterie) et Goz réitère, ces maîtres haut perchés nous laissent sans voix. Quand Dieu créa la femme, la princesse Sam délecte ses déhanchés d’harpie avec “Scarify”. Les Shaka Ponk ont ressassé nos pires angoisses derrière les lourdes portes, que l’on a enfin osé franchir.

 

 

Tout ce petit monde, après un décalquage de musique éclectique, regagne ses grottes, les pieds sur terre, la tête dans les étoiles.