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CHELSEA WOLFE @ Elysée Montmartre (04/06/24)

Nous avions quitté Chelsea Wolfe sur une note d’amertume. En mars 2020, en pleine crise COVID-19, la louve avait été contrainte d’annuler sa tournée européenne acoustique. Il aura fallu attendre la sortie de l’excellent She Reaches Out To She Reaches Out To She en début d’année pour espérer retrouver l’Américaine sur le Vieux Continent. Après Lyon et Biarritz, c’est au tour de Paris, à l’Élysée Montmartre, de célébrer le retour tant attendu de la Princesse des Ténèbres.

Le bal des ombres est ouvert

Faut-il encore présenter KAELAN MIKLA ? Véritable phénomène en provenance d’Islande, ce trio féminin est bien familier de nos contrées. Celles qui ont été choisies par Robert Smith pour ouvrir le concert anniversaire des quarante ans de The Cure en ont sous le coude. Entre post punk et darkwave, les Islandaises tissent un univers sonore tantôt froid et industriel, tantôt kitsch et dansant. La majeure partie du set s’articule autour de leur dernier album, Undir köldum norðurljósum (2021). Basse vrombissante, nappes industrielles, chant possédé, n’entre pas qui veut dans l’univers de ces trois sorcières. Difficile néanmoins de ne pas se laisser ensorceler par le refrain de “Sólstöður”, quand les trois femmes crient à l’unisson. Souvent envoûtant et rarement ennuyeux, Kælan Mikla livre une performance solide et maîtrisée de bout en bout.

La louve prend son envol

20h50. Avec dix minutes d’avance, l’Élysée Montmartre se retrouve plongée dans le noir. La scène se pare de violet et les machines à fumée se mettent en marche. Quelques notes de piano résonnent sous l’euphorie du public, venu en nombre. Les musiciens de CHELSEA WOLFE arrivent un par un et la louve, vêtue d’une robe noire, clôt la meute. Sans surprise, le set démarre par le glacial “Whispers In The Echo Chamber”, titre d’ouverture du nouvel album. Un clavier, une guitare, un batteur, un micro et peu d’artifices sur scène à part un lightshow bleuté du plus bel effet. Il n’en faut pas plus à l’Américaine pour restituer toute la noirceur de sa musique. Chelsea Wolfe n’a pas besoin de bouger : son aura magnétique et sa voix hypnotique se suffisent. Impassible, froide mais toujours habitée, c’est dans cet état d’esprit qu’elle nous présente les quatre premiers morceaux de She Reaches Out To She Reaches Out To She.

La messe est dite

Jusqu’ici, l’accueil du public est plutôt timide. Et pourtant, la tendance va subitement s’inverser quand Chelsea Wolfe s’empare de la guitare pour jouer “16 Psyche” et “The Culling”, seuls rescapés de l’obscur “Hiss Spun” joués ce soir. La distorsion du premier et la folie du second forment un vortex de ténèbres qui force le public à se soumettre. Mais l’Américaine est intelligente, la richesse de sa remarquable discographie en est la preuve. Maintenant que l’auditoire est sous son joug, Chelsea Wolfe troque la guitare électrique pour l’acoustique. Le diamant brut de dark folk “Deranged For Rock & Roll” montre avec désinvolture l’autre facette de celle que le New York Times a surnommée “la crooneuse goth“. La louve poursuit sa mise à nu et enfonce le clou de l’émotion sur “Flatlands”. L’hommage à cette tournée acoustique avortée il y a quatre ans est bel et bien palpable. À moins que…

Dernière immersion dans les ténèbres

À moins que Chelsea Wolfe n’aime jouer avec les contrastes. Après avoir caressé l’assemblée avec cette parenthèse acoustique, pourquoi ne pas la bousculer à nouveau ? Une version hybride et remixée de “Feral Love” prend le contre-pied total et atteint des sommets de noirceur. Serait-on devenus les pantins de la Princesse des Ténèbres ? Certainement. Ce climax du concert offre un regain d’attention, idéal pour présenter d’autres morceaux du nouvel album. La sublime “Dusk” et ses relents trip hop à la Portishead en est un bel exemple. Les arpèges qui s’érodent en un gigantesque mur de son montrent à quel point l’Américaine maîtrise l’art des contrastes. Et ce n’est pas le final acoustique, complètement à fleur de peau, sur “Be All Things”, qui osera dire le contraire. Ni vraiment metal, ni foncièrement folk, Chelsea Wolfe n’appartient à aucune scène si ce n’est la sienne.

Douce violence

Pendant près d’une heure trente, la louve et sa meute ont offert un set en montagnes russes, entre explosion de noirceur brute et profonde mélancolie. La frontière entre douceur et violence est parfois très fine, et la musique de Chelsea Wolfe marche en funambule sur cette ligne de crête. Oui, Wolfe est une diva qui ne bouge pas, oui c’est une princesse qui communique peu. Mais sur scène, l’Américaine incarne si bien ses chansons et la complexité des mondes qui en découlent, qu’il est difficile de bouder son plaisir. Certains crieront peut-être au scandale. Mais quand le charisme est mis au service d’une musique sincère, on préfère crier au génie.

Chelsea Wolfe Setlist Élysée Montmartre, Paris, France, Spring European Tour 2024

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