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BLACKFIELD @ Le Trianon (06/02/14)

Sans désaveux envers le talent d’Aviv Geffen et de ses musiciens, il est vrai que ce qu’il y avait d’irrésistible dans la venue de Blackfield au Trianon de Paris est sans conteste la présence d’un génie du cinquième art, l’homme à l’éternel look d’adolescent, Steven Wilson.

Cette association fortuite est la résultante directe de la rencontre entre Steven Wilson, leader du groupe mythique des années 90 Porcupine Tree, et l’un de ses fans israéliens, Aviv Geffen. Un véritable coup de cœur artistique déterminant qui se traduira par l’écriture de quatre albums de rock alternatif plutôt mainstream, comparé à ce que Steven est capable de faire en temps normal. Un groupe dont les compositions semblent assez efficace et populaires, même si au fil des années la participation de Steven s’est faite de plus en plus discrète, laissant le talent d’Aviv s’exprimer au premier plan. Cependant, malgré l’abnégation persistante de Steven, une grande partie des fans qui suivent Blackfield de près sont plus attachés à sa présence et sa participation au sein du groupe. Officiellement, Steven n’est plus vraiment membre du groupe et sur scène il prend plaisir à mettre en avant son acolyte, se la jouant un peu philanthrope et se moquant même de son ancien statut de “premier guitariste”. Reste que dans les faits, nombreux ont scandé tout au long du concert son prénom.

Cette soirée aura entre autre réservée une surprise des plus agréables et inattendues, la présence en première partie d’un homme plein d’humour, d’une simplicité et d’une technicité incroyable, un artiste norvégien dénommé PETTER CARLSEN. Plaidant en solo en faveur de son One Man Show, l’homme et sa guitare électrique entraînent dans un univers sombre, parfois lugubre, triste, émouvant, laissant le spectateur à nu et à vif face à ses émotions. Une voix de porcelaine sur des mélodies oniriques plonge les âmes dans le Styx infernal et tourmenté du subconscient. Une introspection parfois pesante amenant un silence des plus troublants dans la salle du Trianon. Un silence cependant admiratif et une assemblée un peu bouche bée, visiblement non préparée à un tel spectacle. La musique est magnifique mais le show semble tout de même un peu long, le public ironisant en demandant des chansons plus “joyeuses” pour changer. L’atmosphère est conviviale et le personnage attachant mais la démonstration en elle-même reste assez austère.

 

 

C’est donc sans équivoque que l’arrivée sur scène de BLACKFIELD a radicalement changé l’ambiance. Plus nombreux, plus rock n’roll, plus dynamique et plus éclectique, la formation a su dynamiser le show notamment grâce aux morceaux issus de leurs deux premiers albums “Blackfield” (2004) et “Blackfield II” (2007). Joués en nombres tout au long de la soirée, les titres les plus populaires et emblématiques du groupe ont ravi les fans et les néophytes tous désireux de partager un moment unique. Ainsi, la première claque arrive au moment de “Miss U”, titre déchiré écrit par Aviv relatant les difficultés de voir la personne que l’on aime passer à autres choses, tout en restant le spectateur impuissant de l’amertume et l’ironie de la vie. Des paroles simples et révélatrices “tomorrow you’ll be gone and I’ll miss you”. “Pills” quant à lui relate des méandres bien trop connus de la drogue. Issu de leur dernier essai “Blackfield IV”, il est de toute évidence l’un des titres les plus noirs jamais composés par le groupe. Wilson, tantôt philanthrope tantôt narcissique, se fera un hommage personnel en nous délivrant sa propre création sous Blackfield en sortant sa belle Stratocaster rouge datant de l’époque Porcupine Tree pour “My Gift Of Silence”. Aviv s’épanouira de son côté sur ses compositions “Pain”, “Where Is My Love?” ou encore “Some Day”. Mais c’est surtout en duo que ces compères trouvent l’équilibre en proposant des titres tels que “DNA”, “Summer” ou encore la première chanson qu’ils aient écrit ensemble “Open Mind”. Le très euphorique et symbolique “Hello” viendra quant à lui ponctuer temporairement l’évènement sous les cris et la joie des fans présents. Bref instant de répit puisque quelques applaudissements et acclamations plus tard le combo réapparaît plus en forme que jamais avec les morceaux les plus allégoriques et apocalyptiques de leurs deux premiers effort “Glow”, “End Of The World” et le dernier n’étant pas des moindres “Cloudy Now”. Ce dernier morceau aura le mérite d’avoir une véritable raison d’être joué en live et en fin de set puisque le cynisme des paroles et la montée crescendo d’une musique épique et tragique nous rappelle qu’après tout : “we are a fucked up generation”.

 

 

 

 

 

Le Trianon aura été ce soir-là témoin de l’union de deux artistes partageant réellement la scène, menant leurs musiciens en maîtres et imposant une musique simple, populaire pour un live long, intense et généreux. Une citation de Nietzsche apparaît alors à l’esprit : “Sans la musique la vie serait une erreur.”, mais que serait la musique sans des artistes tels que Steven Wilson, Maynard James Keenan, Ian Curtis, David Gilmour ou encore Thom Yorke ? La réponse est évidente, le parti totalement pris.

Setlist :

Faking
Blackfield
Pills
Miss U
My Gift Of Silence
Pain
DNA
Go To Hell
Jupiter
Dissolving With The Night
Where Is My Love?
1,000 People
Some Day
Once
Summer
Oxygen
Hello
—-
Glow
End Of The World
Cloudy Now