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DEAP VALLY @ Point Ephémère (04/10/16)

Avec “Femejism”, leur album flambant neuf sous le bras, les deux Californiennes de Deap Vally ont fait escale à Paris pour donner le clap de fin de leur tournée européenne. Après avoir fait languir leurs fans français pendant trois longues années, c’est dans un Point Éphémère bien rempli que le groupe leur a finalement donné rendez-vous.

Vers 20h30, c’est le trio français ELECTRIC RETRO SPECTRUM qui grimpe sur scène. Franchissant avec aisance les frontières brumeuses séparant le rock psyché du grunge, du blues et du rock n’roll 60-70, le groupe envoie des compositions tantôt hargneuses, parfois planantes, mais toujours captivantes. La batterie est puissante et les riffs magnétiques, mais la véritable force du groupe est indéniablement leur chanteuse, Tara Clamart, dotée d’une voix rauque et d’une puissance vocale subjuguante. Si la formation semble légèrement timide, le set reste une véritable claque.

Quelques trente minutes après la fin de cette alléchante entrée en matière, c’est au tour de DEAP VALLY de s’emparer de la scène. Le public a à peine le temps de les acclamer que les deux femmes foncent avec “Little Baby Beauty Queen”, l’un des titres particulièrement énervé du nouvel album. Pas de répit, elles s’attaquent ensuite au survolté “Bad For My Body”, toujours aussi efficace. À leurs pieds, l’assemblée est concernée mais reste plutôt réservée. Hargneuses et exaltées, Lindsey Troy (chant/guitare) et Julie Edwards (batterie) s’attaquent à leurs instruments avec ardeur. Toutes deux pieds-nus, l’une arbore des collants filés, l’autre des cheveux roses délavés. Tout dans leurs looks comme dans leurs attitudes crie un je-m’en-foutisme et une liberté absolue. Elles brodent aux anciens morceaux leurs compositions tout juste déballées. Après un mois passé à arpenter l’Europe de long, en large et en travers en jouant ces nouveautés, les deux Californiennes les maîtrisent tout aussi bien que leurs anciennes créations et le tout se mélange sans réelle distinction. Parmi les nouvelles têtes ayant fait apparition dans la setlist, l’hymne libérateur “Gonnawanna”, déjà exaltant sur sa version studio, est l’un des meilleurs. Quand Lindsey Troy assène le refrain “je vais faire ce que je veux” en boucle, c’est un vent émancipateur qui souffle sur la salle entière. Quant au single féministe “Smile More”, il sonne déjà comme un classique, reprit timidement par la foule.

Toujours fidèles à elles-mêmes, elles se fendent de plusieurs mélodies torrides, magnifiées par leur attitude fiévreuse et les feulements ardents de la chanteuse, comme sur le nouveau et excellent “Teenage Queen”, mais surtout avec “End Of The World”. L’un des points forts de la soirée, le morceau met particulièrement en valeur la batteuse qui tape avec rage sur ses fûts en faisant tournoyer ses cheveux rosâtres. La musique des deux habitantes de Los Angeles est à l’image de leur ville : crasseuse et sexy. Entre deux morceaux, Julie Edwards s’enquiert de la façon dont on dit “à la votre” en français et répète “santé” fièrement en descendant sa quatrième bière de la soirée. Elles font monter la température d’un degré avec l’envoûtant “Six Feet Under”, puis en enchainant avec “Lies”, qui voit enfin un auditoire commencer à fredonner avec plus d’assurance. À la fin du morceau, Lindsey Troy lâche sa guitare pour s’élancer dans un slam réussi, avant de remonter sur scène l’air de rien et s’essaye au tambourin sur “Grunge Bond”. En les regardant, on ne peut s’empêcher d’avoir cette réaction qui germe quasiment à chaque fois face à un duo : comment autant de bruit peut émaner de si peu de personnes ? Le rappel ne fait que souligner cette question. Alors que la foule se remue finalement sévèrement, le tandem enchaine un sans faute avec les deux anciens singles fiévreux “Baby I Call Hell” et le trop court et revendicatif “Walk Of Shame”. C’est le morceau d’ouverture de “Femejism”, “Royal Jelly”, qui vient clôturer le set. Après une montée en puissance tumultueuse, les deux femmes allient leur force pour siffloter les dernières notes dans un silence fascinant.

C’est donc une véritable déferlante de riffs saturés et de batterie survoltée que Deap Vally réserve à son public. Certes, elles se tiennent à leur registre rentre-dedans, alors qu’il aurait été intéressant de les voir baisser leurs gardes en jouant, par exemple, le surprenant “Critic” du dernier album. Mais comment leur reprocher de coller à leur registre hargneux et revendicatif quand elles le font si bien ?

Setlist :

Little Baby Beauty Queen
Bad For My Body
Gonna Make My Own Money
Gonnawanna
Bubble Baby
Post Funk
Smile More
End Of The World
Julian
Teenage Queen
Raw Material
Six Feet Under
Lies
Grunge Bond
Heart Is An Animal
—-
Baby I Call Hell
Walk Of Shame
Royal Jelly