
Une semaine après avoir pris tout le monde de court en dévoilant 17 nouveaux morceaux sans crier gare, Hayley Williams met en images l’un des titres les plus marquants de cette série de singles, “Ego Death At A Bachelorette Party” !
Réalisé par son collaborateur de longue date Zachary Gray, ce clip au grain rétro nous emmène au cœur de Nashville, entre néons clinquants, désillusions nocturnes et déclarations politiques déguisées en refrains entêtants.
Dans ce clip, Williams déambule dans sa ville natale, qu’elle habite depuis l’adolescence, avec une caméra à l’épaule et un spleen en bandoulière. On la suit à travers les bars de Broadway, les rues baignées de lumière artificielle et les hauts lieux du tourisme de masse, en pleine observation sarcastique des paradoxes de sa cité.
Au détour d’un plan, elle gratte sur une porte l’inscription “I still believe in Nashville“, comme une lueur d’espoir au milieu du cynisme ambiant. Un espoir pourtant fragilisé par des vers assassins :
“I’ll be the biggest star at this racist country singer’s bar“
“Je serai la plus grande star dans le bar de ce chanteur country raciste“
Puis :
“Got too big for my britches / Too big for my fishes / The sea got shallower“
“J’ai pris trop la grosse tête / Trop grosse pour mes poissons / La mer s’est fait plus étroite“
Ces paroles, cinglantes, résonnent comme un rejet, voire une mise en accusation, d’une ville qu’elle aime mais ne reconnaît plus tout à fait.
Parmi les apparitions les plus notables de la vidéo, le représentant de l’État du Tennessee Justin Jones, figure politique progressiste connue pour son engagement sur les questions de contrôle des armes à feu, partage un moment de danse au bord du fleuve avec Williams. Un choix hautement symbolique, qui s’inscrit dans la continuité des prises de position régulières de la chanteuse et de son groupe Paramore.
La politique s’invite également dans les non-dits : selon certaines sources, le “racist country singer’s bar” évoqué dans les paroles ferait référence à l’établissement de Morgan Wallen, pointé du doigt par Williams dans une récente interview comme son “bar de country préféré… à éviter“.
“Ego Death At A Bachelorette Party” fait partie des 17 nouveaux singles mis en ligne par Hayley Williams le 30 juillet dernier via son nouveau label indépendant Post Atlantic, distribué par Secretly Distribution. Chacun de ces morceaux a été produit aux côtés de Daniel James, avec la participation de musiciens de confiance comme Brian Robert Jones et Joey Howard, et un coup de main de Jim-E Stack sur le morceau “True Believer”.
Bien que ces titres ne forment officiellement pas un album, ils n’en sont pas moins cohérents et personnels, formant un véritable journal musical où Williams se livre à cœur ouvert, tantôt à travers de l’americana introspectif (“Whim”), tantôt via des éclats synthpop caustiques (“Ice In My OJ”).
La chanteuse a d’ailleurs demandé à ses fans de l’aider à élaborer le tracklisting pour une future édition physique, rappelant son attachement au format tangible.
Avec cette collection de morceaux, Hayley Williams entame un troisième chapitre solo après Petals For Armor (2020) et Flowers For Vases / Descansos (2021), tout en poursuivant sa route avec Paramore, dont l’album This Is Why (2023) leur a valu deux Grammy Awards. Le groupe a également récemment fêté les 20 ans de son premier album All We Know Is Falling, désormais disponible avec l’EP The Summer Tic pour la première fois en version digitale.
Toujours aussi prolifique, Williams continue aussi de multiplier les collaborations : avec Devonté Hynes (Blood Orange) sur le morceau “Seein’ Stars” de Turnstile, avec Moses Sumney, ou encore prochainement avec David Byrne sur la B.O. du film The Twits prévue pour octobre.
Si “Ego Death At A Bachelorette Party” est un clip à l’esthétique lo-fi et à l’ambiance contemplative, c’est surtout une lettre d’amour piquante et ambivalente à une ville en pleine mutation, devenue le théâtre d’une tension permanente entre authenticité et superficialité, mémoire et marchandisation.
Entre karaokés déserts, bachelorette parties criardes et bars de country à l’éthique douteuse, Hayley Williams transforme ses contradictions en poésie urbaine.
Et au fond, même dans les égarements d’une nuit trop longue, elle reste la plus grande star du bar.