Interviews

STEPHANE SAUNIER (12/03/14)

“Ne pas faire de la musique pour la télévision, mais de la musique à la télévision, et cela, dans les conditions de direct optimales, avec un travail sur l’image et le son, en privilégiant toujours le respect des artistes, car sans eux le spectacle n’existerait pas.” tel est le leitmotiv de Stéphane Saunier, le programmateur musical historique de Canal+, que RockUrLife a eu l’honneur de rencontrer dans les locaux de la chaine cryptée, à l’occasion des dix ans de l’émission “L’Album De La Semaine” diffusée tous les samedis en clair sur Canal+. Bilan de la décennie et divers sujets d’actualité musicale sans langue de bois sont au programme.

Bonjour Stéphane, comment vous sentez-vous à l’approche des dix ans ?

Stéphane Saunier : Plus vieux de dix ans.

Dix ans plus tard, répond-t-il à vos attentes ?

S : Largement. Parce que déjà d’une, je ne pensais pas qu’on ferait dix ans. Puisque les émissions, spécialement à la TV, ne durent jamais très longtemps. Et là dix ans, c’est bien, je trouve qu’on s’améliore d’année en année. Donc tant que la passion est là, j’espère que l’émission va continuer, perdurer et pouvoir faire découvrir pas mal de nouveaux groupes aux gens.

Comment fut accueillie cette idée à l’époque par les dirigeants de Canal+ ?

S : En fait quand Rodolphe Belmer est arrivé à la tête de Canal, il m’a demandé pourquoi il n’y avait plus d’émission, je lui ai dit qu’en fait, il y a du changement car il y a eu la fin de “Nulle Part Ailleurs”, puis il y a eu deux années assez troubles, où les directeurs se sont succédés, mais n’ont pas eu le temps de s’en occuper. Forcément la musique, c’est quelque chose dont on s’occupe qu’après avoir mis en place les choses les plus importantes qui font la chaine, c’est à dire le cinéma, le sport, tout ça. Donc quand Rodolphe est arrivé, il m’a dit : “il y avait toujours eu de la musique sur cette chaine donc je re veux de la musique sur la chaine”. Donc j’ai planché sur plusieurs idées et dont celle de faire “L’Album De La Semaine”, parce que les choses avaient évoluées, que je me disais qu’il était de plus en plus difficile d’écouter des disques. En radio, il n’y a que dix titres qui passent en permanence donc c’est aussi difficile de pouvoir écouter. Donc là de proposer aux gens de découvrir quatre/cinq titres d’un album et de se dire “ok j’ai vraiment envie d’avoir ce disque” Voilà comment l’idée est venue. Au début c’était un DJ qui l’incarnait, puis avec les années on a évolué, on a fait un tout en images, et depuis trois ans je le présente.

Qu’est-ce qui a rendu cette émission attractive ? Tant pour les téléspectateurs que les artistes qui viennent s’y produire.

S : En ce qui concerne les artistes, d’une, c’est surtout le fait de ne pas être dans un spectre “émission de TV” justement. Parce que le fait de se retrouver dans “L’Album De La Semaine”, finalement, vous vous retrouvez dans un club show, bon leur rideau n’est pas noir mais argenté mais il a été noir, il y a des lumières, le groupe arrive dans un corridor, le traverse, monte sur scène, joue, et on leur donne la possibilité de jouer sept morceaux, ce qui est assez rare en TV. Et même, c’est eux qui l’ont souvent dit, unique. Donc pour eux, au bout de deux trois morceaux, généralement ils oublient un peu les caméras, c’est une autre façon d’appréhender la TV. Comme ils disent, on ne fait pas de la TV, mais on a l’impression de faire un concert qui est filmé. Je pense que le succès de l’émission, elle revient aussi sur la qualité de l’enregistrement. Je pense que les gens, aussi bien ceux qui viennent assister à l’émission ou ceux qui la voient, trouvent que c’est bien filmé, c’est assez bien réalisé, on essaye en tout cas. Et de voir les groupes dans d’autres conditions que juste le titre sur un plateau promo. Donc on s’éloigne un peu de la promo single du moment, qu’on retrouve dans les talk-shows. C’est je pense, ce qui fait un peu la différence.

Pensez-vous qu’il y aurait des changements à apporter ?

S : On essaye d’évoluer, on essaye sur les lumières. Chaque année, on essayer de ramener un petit détail, cette année on a changé le parquet, on a mis un parquet pour que les lumières marquent plus, toujours dans la recherche de la qualité de ce qu’on propose aux gens, et que c’est vrai que du même coup, les lumières donnent un autre effet. La première fois qu’on l’a fait, c’était avec David Byrne & St. Vincent et on a tout de suite vu que ça allait marcher et que ça allait amener un plus. Après il n’y a pas de changements drastiques, mais chaque année on essaye de rapporter une petite touche, soit dans l’éclairage, soit dans les décors. Ce qui faut savoir c’est qu’on crée nos propres lumières, donc chaque année on essaye de trouver des, soit avec de la fibre, soit avec de la maille métallique, soit avec du plastique, avec du verre, de donner une autre ambiance à nos lumières. Ce qui fait que les gens savent que, quand tu vois l’émission tu sais que tu es sur Canal, tu sais que c’est “L’Album De La Semaine”.

Vous n’avez jamais pensé à agrandir le studio ?

S : En fait ce studio ne nous appartient pas. On le gère avec “Les Guignols”, “Groland” et nous-mêmes. Donc je ne peux pas faire ce que je veux. Mais déjà un studio, ce qui faut savoir c’est douze mètres d’ouverture, neuf mètres de profondeur, on a mis quand même beaucoup de groupes assez importants, avec beaucoup de matériel, le dernier en date c’était Shaka Ponk avec leur décor. On arrive quand même à en mettre.

 

Généralement, en France et ailleurs, quand un concept marche, il est soit racheté soit copié. Pourquoi ne voit-on donc pas d’autres émissions de ce type sur le PAF ?

S : En Espagne, l’émission a existé, et en Angleterre, on a manqué de le faire, quand le “Top Of The Pop” s’est arrêté, les anglais sont venus nous voir, mais ne voulaient pas respecter le cahier des charges et que l’émission on l’a créé comme ça. Moi ça ne me dérange pas de licencier le programme, mais je n’ai pas envie, par exemple, qu’il y ait des fondus enchainés ou que ça soit avec des lumières qui pivotent à tout va. Il y a une charte graphique, il y a une charte de réalisation. Si vous la gardez, vous la respectez, il n’y a pas de problème. Si vous commencez à faire, autant faire votre propre émission. Mais c’est dommage, car en dehors d’acheter le programme, je pense qu’il y aurait de la place dans d’autres pays, je pense entre aux Etats-Unis, à l’Allemagne, ou à l’Angleterre, pour qu’il y ait ce genre de programme. Or, on est vraiment les seuls à faire ça. 

Pourquoi une autre chaine n’a pas justement essayé de copier ce programme ?

S : D’une il y a le risque, et nous on a la chance de travailler pour des abonnés, même si “L’Album De La Semaine” est une émission diffusée en clair, nous on a la chance, on n’est pas sur l’audimat, on est sur “satisfaire nos abonnés”. Ce qui est une démarche un peu différente de faire de l’audience, pour faire de l’audience. Nous on préfère faire moins d’audience, mais au moins les gens, les abonnés, qui regardent “L’Album De La Semaine” ou qui vont regarder une “Musicale Live”, ils verront ça nulle part ailleurs. C’est dans cette logique là qu’on travaille. C’est vrai, on a un peu cette chance de ne pas être dirigé par l’audience. En tout cas, nous on est dirigé par la qualité de notre programme envers nos abonnés.

Avec près de 400 artistes déjà venus, il doit en rester un paquet. Y a-t-il encore des groupes que vous souhaiterez faire jouer ?

S : La liste est longue, sachant que 400 “Album De La Semaine”, 1200 “Nulle Part Ailleurs”, plus les “Musicale”, plus les “concert privé”, ouais je ne suis pas loin d’avoir fait 2000 artistes, donc il y a les nouveaux groupes qui m’intéressent que j’ai envie d’avoir, il y a des artistes anciens que j’essaye de faire venir. J’adorerais faire venir Tom Waits, j’adorerais faire venir Neil Young, voilà il y a des gens comme ça, mais bon ce n’est pas toujours facile de faire venir les artistes. Il y a, comme je dis dans le DVD, il y a des artistes qui n’aiment pas la TV. Alors qui n’aiment pas la TV parce qu’ils ont une version de la TV qui est plus la TV promo, avec des lumières qui ne vont pas forcément leur plaire. Je m’en rappelle pour avoir rencontré Mark Lanegan et essayer de le décider, le premier truc qu’il m’a dit c’est : “Mais c’est éclairé comment ?” Je lui ai dit : “Ecoute si tu veux la moitié du visage dans l’ombre, moi ça ne me pose pas de problème”. Sur d’autres TV, la moitié du visage dans l’ombre, ce n’est pas possible.

Avez-vous déjà eu des réponses négatives de la part de certains groupes/artistes ? Si oui, quelles furent les motifs ?

S : Alors jusqu’à maintenant, Tom Waits, j’ai essayé, ça fait vingt ans que j’essaye de l’avoir. Tom Waits n’aime pas la TV, et puis il tourne très peu. Et puis après il y a des groupes qui viennent rarement en France. Mais je ne peux pas dire, que j’ai eu des refus, réellement. Des histoires de planning, j’ai manqué de faire Neil Young, mais généralement, quand Neil Young vient en France c’est en juillet ou en août, et les émissions ne sont pas là. Donc voilà, mais je ne peux pas vraiment dire, qu’il y ait un groupe qui ait refusé de faire “L’Album De La Semaine”. Je me rappelle à l’époque de “Nulle Part Ailleurs”, le seul groupe qui a refusé de faire “Nulle Part Ailleurs” c’était les Daft Punk. Cela n’a pas changé.

Le format est destiné à rester ainsi où il y a la volonté de passer à l’étape supérieure ou de tenter de nouvelles choses ?

S : Disons que de base, “L’Album De La Semaine” est diffusé le samedi, on diffuse quatre à cinq morceaux selon la durée des titres, mais pour les abonnés, sur Canal+ Décalé, on fait “L’Album De La Semaine+”, où là on permet aux gens de voir un programme qui fait à peu près trente-trente-deux minutes. Là on diffuse tous les titres que le groupe a joués, à un ou deux titres près. Mais en gros voilà. Et de cette émission, on fait aussi sur le même plateau, mais dans une configuration différente, “La Musicale Live“. Là cette année, on a fait Arctic Monkeys, Franz Ferdinand, là on vient de faire Metronomy, on a fait Shaka Ponk, on fait Damon Albarn le 24 mars. Enfin voilà, on arrive quand même sur ce plateau à essayer d’avoir des angles différents, de production et de réalisation.

Quel est votre meilleur souvenir/pire souvenir d’un enregistrement ?

S : Je pars du principe où je ne vais jamais parler des pires. Je ne l’ai jamais fait pour la simple et bonne raison que ce n’est pas la peine de faire de la pub aux groupes qui sont mauvais. (rires) Après les bons souvenirs, il y en a plein. Il y en a un qui m’a spécialement fait plaisir, c’était l’enregistrement de Bobby Womack, avec des musiciens qui venaient de TV On The Radio, il y avait Damon Albarn au piano, il y avait Richard Russell aux machines. Et on sentait des musiciens qui étaient déjà fans d’un autre musicien, qu’ils le géraient qu’ils le chérissaient à un point que c’était très joli à voir, et puis ils ont joué et je voyais bien que Damon, il y avait un truc qui n’allait pas et Damon est venu me voir et m’a dit “Bobby n’était pas au mieux, c’est un vieux monsieur, il a besoin d’être chauffé et tout, et m’a dit : c’est impossible de refaire ?” Et je lui dis : “mais tu veux refaire quoi ?” Il me dit : “J’ai envie de voir tout refaire”. Et en fait on a tout refait, et c’est vrai que la deuxième version était à tomber. Et il y a un morceau qui s’appelle “Please Forgive My Heart“, qui est juste une perle. J’avais les larmes aux yeux en le regardant en régie, c’était assez magique, et c’est un monsieur qui a eu un cancer, qui était super malade, et c’est un peu un miracle. Et puis c’est quand même une légende de la soul, mais vraiment entouré de musiciens qui faisaient attention comme si c’était leur père, c’était assez cool.

 

Pensez-vous qu’il y ait un problème avec le rock en France ? L’exposition à la TV n’est pas très importante et pourtant tous les festivals programment d’excellents groupes et le public est au RDV.

S : Je pense que c’est culturel, mais c’est culturel en sachant deux choses : d’une, le rock à la TV, nous on est un pays latin, donc on est plus axé sur la variété. En Angleterre, ils sont plus accès sur le blues, c’est un peu la différence. Nous on a Edith Piaf et eux les Beatles, si je fais un rapport, les anglais et les français. Nous on a des bars qui sont des cabarets et eux ont des pubs, où tu vas boire ta mousse, tu vas toujours un groupe qui va jouer ou un mec tout seul avec sa guitare. C’est un peu plus vrai maintenant, mais il y a quand même encore une grande différence. Et je pense que c’est une différence culturelle. Maintenant il y a pleins de groupes qui pourront me dire que le public français est un public fidèle, qui ne change pas ses gouts du jour au lendemain, et qu’il y a des groupes qui sont énormes en France et qui sont rien en Angleterre. Maintenant le rock à la TV ça a toujours été un vieux combat. Aujourd’hui on peut dire aussi que la variété à la TV il n’y en a plus. Tout cela a été remplacé par des radios crochets, avec des apprentis chanteurs, on en est là. Je pense que, les apprentis chanteurs, plus ce problème culturel, ne fait que c’est un peu dur qu’il y ait du rock à la TV.

Idem pour le metal. Vous êtes à l’origine de Roadrunner France, pourquoi il y a-t-il si peu de metal à la TV et pourquoi sommes-nous tant stigmatisés ?

S : Deux choses : j’ai fait passer un maximum de groupes sur “Nulle Part Ailleurs” qui étaient des groupes de metal, passant de Slipknot aux trucs les plus extrêmes, du death metal, black metal. Je l’ai fait à une période où je trouvais que le metal avait vraiment une scène hyper importante, il y avait vraiment un courant. Je trouve que ce courant s’est un peu dilué, parce qu’entre autres des labels importants et surtout des labels de metal indépendants ont un peu mis la clef sous la porte, ou ont été rachetés malheureusement par les majors. Je pense que ça, ça joue, et d’un autre côté, que le metal fait toujours peur. On voit sur le festival Hellfest, cet espèce de délire de gens, côté sataniste, tous les clichés habituels, et donc c’est peut-être ce qui fait que les gens, quand on leur dit qu’on va passer un groupe de metal à la TV, ça les fait peur. Je me rappelle avoir passé Slipknot, ma messagerie, quand je remontais à mon bureau, les gens m’insultaient “c’est scandaleux, vous voyez ce que vous avez fait passer, on va se plaindre au Ministère de la Culture” tout et n’importe quoi. Donc voilà je pense que le metal a toujours mauvaise presse, alors après il y a tous ces trucs de sataniste qui ont rajouté un truc, on écoute les morceaux à l’envers il y a des messages, on va loin hein ! (rires)

D17 est entre autre partenaire du Hellfest, pourquoi D17 ne proposerait pas une vraie émission consacrée au metal, au lieu de simplement diffusé des clips vieux d’X années.

S : Je pense que c’est des histoires de budget. D17 a juste très peu de budget pour pouvoir développer. Il faut savoir que faire du rock à la TV et le faire bien, ça coute beaucoup d’argent. Je pense que ce sont des histoires de moyen. Je pense aussi qu’il y a des histoires de quotas, c’est assez compliqué sur les chaines de la TNT. Pour moi avant tout, c’est des histoires de budgets, et une fois de plus, ça reste mon idée, mais des plateaux pour parler musique et metal, moi je pense que la musique ça se regarde et ça s’écoute, en parler c’est bien mais c’est vite chiant ! (rires)

Quel regard portez-vous sur l’industrie du disque actuelle ? Les ventes repartent un peu à la hausse, mais ça ne suffit clairement pas.

S : Aujourd’hui l’industrie n’est pas en bonne santé, elle a déplacé son cœur d’actualité, et qu’elle est très contente que les TV crochets existent. Parce que c’est un moyen de gagner de l’argent autrement, et ce qu’elle ne gagne pas en disque, elle le gagne en publishing ou en produit dérivé. Maintenant, je pense que les maisons de disque sortent de moins en moins de disques, et que c’est assez compliqué de pouvoir travailler avec les maisons de disques, parce qu’ils ont des objectifs, sur les groupes sur lesquels ils n’ont pas d’objectifs, ils n’ont pas de budget. Faire un “Album De La Semaine”, nous on paye toute la captation, le matériel et tout ça, mais la venue du groupe et tout ça ce n’est pas nous qui la faisons. Donc ça c’est un, et deux, la deuxième chose c’est que c’est compliqué de pouvoir monter des shows un peu spéciaux, je pense à Iggy en tant que crooner ou on fait venir des artistes à droite et à gauche. Et là, la maison de disque dit : “Mon artiste dit qu’il est ok de venir, par contre, nous on n’a pas d’argent, on a rien à vendre. Puisque c’est une opération, c’est plus une émission un peu spéciale donc on n’a pas d’argent, donc c’est compliqué pour nous de monter des shows un peu événementiels”, et d’un autre côté, moi les groupes qui veulent que je passe, ce n’est pas forcément les groupes que j’ai envie. Mais eux ont des objectifs qui ne sont pas les miens. Dans ces cas-là, il faut que moi je sois malin et que j’arrive à chopper le groupe quand il est en tournée, que ça ne coute rien à la maison de disques et prévenir le management que je suis intéressé de faire le groupe.

Que pensez-vous des sites de streaming ? La Fnac vient tout juste de lancer sa plateforme, Fnac Jukebox, dédiée au grand public. Il semblerait qu’une grande partie des français ne savent pas ce que c’est, est-ce grave ?

S : Moi je pense que le streaming et tout ça, c’est très bien. Je pense que c’est complémentaire à ce qui passe à la TV. En tout cas dans ma version où justement “L’Album De La Semaine” est une émission rock qui passe à la TV. Et que je ne peux pas tout passer, qu’il y a des groupes que je ne peux pas avoir, et que c’est très bien de faire cette espèce de complémentarité de choses et de pouvoir développer des idées, qui ne sont pas forcément fiables en TV. Je trouve cela très bien. D’un autre côté, nous par exemple on a lancé des YouTube Canal+ Music, et ça permet à un plus grand nombre de pouvoir voir les lives. C’est très, très bien. Maintenant, ce que les gens doivent savoir, c’est que, plus l’émission est regardée, et plus elle a de chance de continuer. C’est un juste milieu, savoir que plus l’émission plus de succès, plus elle est regardée, plus il faut espérer avoir des annonceurs en pub au début et à la fin, qui permettent justement de financer un peu mieux ces émissions. Voilà donc c’est une complémentarité. C’est comme une grosse radio et une radio libre. Si c’est une grosse radio, on va dire OÜI FM, qui ne va pas forcément passer, mais il va avoir toutes ces petites radios qui vont passer des titres complètement inédits ou des trucs obscurs, qu’ils n’ont pas forcément envie de jouer. C’est un complément, et du même coup tu as un panel encore plus large. Parce que le Net c’est bien, mais comment découvrir une base de données qui est tellement monstrueuse de savoir, comment justement savoir où trouver des bons trucs. Donc la promotion est importante pour faire découvrir des sites intéressants, etc. donc ça peut passer aussi pour la TV qui va parler d’un site qui sera à découvrir. Je pense que c’est un échange qui doit plutôt dire, la TV, le streaming et tout, je pense que tout ça devrait être une grande famille, plutôt que de se tirer dans les pattes. Ce qui est un peu souvent le cas.

Et quid des plateformes de financements participatifs ? Bonne idée ? Cela ne montre pas justement un désintérêt des labels (gros ou petit), vu que les groupes n’arrivent pas à trouver le soutien qu’ils souhaiteraient.

S : Non, non, on arrête tout quoi ! L’artistique, ça normalement, c’est à des labels, c’est à des maisons de disques de le faire. Une fois de plus c’est aux clients à qui on demande ça, c’est comme si moi demain on me dit que l’émission on l’arrête et je viens vous voir en vous disant : “vous ne pouvez pas mettre un petit billet pour que je continue mon émission ?” Faut être sérieux quand même ! Ce n’est pas aux gens de payer pour avoir une émission. Le participatif c’est bien, mais non. Les Restos Du Cœur, ça ne devrait plus exister, c’est super que ça existe mais ça ne devrait plus exister parce que vu ce que ça coute, ce sera au gouvernement de prendre ça, et une fois de plus, c’est aux gens à qui on leur demande. On le fait c’est très bien, les Restos du Cœur c’est quand même un truc un peu plus important que la musique ou que de réaliser un projet musical, c’est aider des gens qui n’ont rien à bouffer ou en tout cas qui n’arrivent plus à joindre les deux bouts pour bouffer donc c’est une cause un peu plus importante et primordiale, mais non, arrêtons quoi ! Sans ça, tout devient l’Emmaüs quoi. Toute façon on trouve tout et n’importe quoi. Je ne suis pas trop pour.

Autre chose également, que ce soit à Paris ou en province, les petits groupes de rock/metal ont du mal à se produire sur scène et à se développer. Le Ministère de la Culture ne devrait-t-il pas créer des enceintes dédiées au live ?

S : C’est double tranchant. Parce que moi j’ai été manager de groupes français, de rock chantant en anglais, dans les années 80 ce n’était pas simple. Mais bon, une fois de plus on a créé cette espèce de salles de la Ferarock, qui finalement, les groupes de premières parties, si c’est un groupe anglais, soit le groupe anglais vient avec son groupe de première partie et ils ne peuvent pas jouer, soit d’un autre côté, on va fermer les endroits qui étaient les bars rock, où là tu n’as pas besoin d’avoir des cachets, et où tu peux jouer quoi, parce que finalement la plus grande difficulté pour un groupe de rock : un groupe de rock qui ne joue pas, c’est un groupe qui meurt. Puisque finalement si tu veux apprendre ton métier, essayer en tout cas de monter sur scène et de savoir ce que c’est de monter sur scène, de faire de l’entertainment, de prendre les gens et de les emmener, tu as besoin d’apprendre. C’est comme tirer un penalty, ce n’est pas pareil que quand tu es dans le champ, ou que tu es au Parc des Princes ou dans un petit stade de ta ville, là y’a des gens et tout ça. Et tu le mets ou tu ne le mets pas. Là je pense que c’est la même chose et je pense que malheureusement, d’avoir créé des salles de rock, que finalement les groupes français en tout cas, en profitent très peu, ou alors, des premières parties quand le groupe n’est pas avec son support, et que, deuxièmement, comme c’est des salles de 500 ou 1000 personnes, c’est trop grand pour ces groupes-là donc ils ne peuvent pas y jouer. Et donc finalement on fait les bars quoi. Arrêtez la Fête de la Musique et ouvrez les bars toute l’année et fermez les le 21 ! (rires)

 

Puisqu’on parle du Ministère, doit-il remettre en question le statut des intermittents du spectacle ?

S : Faut arrêter, je veux dire, les intermittents, ce sont les gens qui travaillent, qui travaillent comme tout le monde, qui doivent faire des heures pas possible. Et que déjà les intermittents techniciens et les intermittents artistes, déjà les techniciens c’est encore plus dur pour eux, et qu’il faut arrêter avec ça. Ces gens-là ils travaillent, il faut arrêter de leur coller des heures et des heures où ça devient la course, et que ça devient invivable pour ces gens. Et puis ce n’est pas au MEDEF de décider si les intermittents il faut les arrêter ou pas. C’est des patrons, et ces gens-là ils travaillent, mais on parle de ça, mais on parle théâtre, cinéma, musique, art, il y en a partout.

Quels sont vos coups de cœurs musicaux du moment ? Qu’est-ce que vous écoutez ces derniers temps ?

S : Mes coups de cœur du moment : San Fermin, Temples, le dernier Damon Albarn, un groupe qui s’appelle Snake Pit, qui est un groupe qui va sortir chez Domino. Qu’est-ce que j’ai écouté d’autres… Hornet, en gros voilà.

La nouvelle scène rock française, qu’en pensez-vous ?

S : J’espère que ça va se développer un peu mieux. Disons qu’il y a deux trucs, il y a par exemple la scène qui est pareille, une scène, un peu de, pas de coup monté, mais cet espèce de truc, La Femme et Fauve, moi j’ai un peu de mal à supporter. Et d’un autre côté, il y a la scène un peu Shaka Ponk, Skip The Use, il n’y a pas l’air d’en avoir trop derrière. Quand tu vois la différence de tous ces groupes anglais, j’ai cité Temples qui est un groupe anglais, les mecs ils ont vingt piges, ils font de la pop psychédélique, comme on la faisait dans les années 1965 mais avec un son à eux et une façon de jouer assez improbable. Il serait bien qu’on rattrape le retard quoi. Je trouve que les français sont un peu… il y a eu de grandes périodes de rock. Moi il y a un groupe français que j’adorais ça s’appelait Les Thugs qui une fois que tu l’avais mis sur scène, en face de Nirvana ou Taz, pour la comparaison. Voilà. Je trouve dommage que les français soient si timides et n’arrivent pas à passer un cap qui ferait qu’on serait un peu moins ridicules…

Mais il y a aussi les groupes mainstream comme Shaka Ponk et Skip The Use, et de l’autre côté les groupes très extrêmes reconnus qui arrivent à percer à l’étranger comme Gojira.

S : Oui mais bon voilà une fois de plus c’est deux ou trois. Gojira c’est un bon exemple, c’est un groupe qui joue n’importe où, mais c’est un groupe sur… Cite-moi un autre groupe de metal qui a eu cette carrière, il y a eu Treponem Pal à un pic d’une période de leur existence qui pouvait lutter. Même si ce n’est pas des français, The Young Gods, qui étaient suisses, mais vraiment tu ne peux pas dire qu’il y a une scène qui se déplace et une fois de plus, c’est aussi le manque de reconnaissance. Je pense qu’il y a la moitié des français qui ne savent pas qu’un groupe comme Gojira a fait le tour du monde ou que Les Thugs ont été signés sur le label Subpop, avant même que Nirvana ne soit signé. Ce sont pleins de choses que les français ne sont pas forcément au courant et que je pense que c’est aussi un problème des médias, ne pas s’occuper de ce genre de groupes qui ont leur mot à dire, en tout cas qu’on un retentissement qui est mondial. C’est dommage.

Avoir une catégorie metal aux Victoires de la Musique, ne serait-ce pas légitime ?

S : Non mais les Victoires de la Musique quoi… Tu vois les Victoires et les Grammys, cherchez l’erreur. Une fois de plus c’est difficile, les Victoires de la Musique c’est ce que c’est, mais d’un autre côté si, par exemple on dit que c’est les vingt ans de la mort de Kurt Cobain, on va prendre quatre guitaristes français qui vont nous jouer ensemble un morceau de Kurt Cobain. C’est quoi les quatre guitaristes qui vont reprendre Kurt Cobain ? C’est quoi les quatre guitaristes qui vont reprendre Jimi Hendrix ? Si tu fais ça à Los Angeles, la liste des guitaristes possibles est juste inimaginable. Si demain on va rendre un hommage à Aretha Franklin, la liste des chanteuses… On fait quoi, on demande à Zazie ?

 

Justement les soirées hommages à la TV il y en a beaucoup, ça rend vraiment hommage à l’artiste en question ?

S : Nous on avait fait un spécial Gainsbourg sur “La Musicale”, on avait fait moitié français et moitié d’étrangers, et ça a marché. Après, une fois de plus, c’est ta patte artistique qui fait aussi la différence. Si c’est pour faire du duo pour du duo, si c’est pour retrouver un truc qui est à moitié faux, pas bien… Il faut savoir aussi ce que tu as envie de donner aux gens. En ce qui me concerne, moi j’ai envie de donner de la qualité.

Quels conseils auriez-vous envers les jeunes groupes qui cherchent à percer dans le milieu ?

S : Qu’ils restent indépendants et qu’ils y aillent coûte que coûte. Si ça doit arriver, ça arrivera. Et qu’ils lisent, ils peuvent encore retrouver sur le site de “La Musicale”, je leur conseille de lire l’introduction de Dave Grohl à South By Southwest qu’on a traduit en français, où il explique tout, ce que c’est d’être un groupe, ce que c’est d’être un groupe indépendant et de ne pas vendre son âme au diable et de foncer. Je pense exactement ce que Dave pense. Nous venons tous les deux de l’indépendance.

Notre webzine, est avant tout bénévole et indépendant, tenu par une équipe de passionnés depuis maintenant 4 ans, quels conseils pouvez-vous nous donner pour perdurer comme c’est le cas de “L’Album De La Semaine”, vous qui êtes un grand passionné, ayant commencé en tant que vendeur dans un magasin de disques et qui avait deux labels indépendants ?

S : C’est exactement la même chose, foncer, essayer de faire votre différence en essayant de trouver des idées, en essayant d’être découvreur avant les autres, de fouiller, de fouiner, de développer, de trouver des idées, de ne jamais rester les deux pieds dans le même sabot. Keep the fight! Keep the faith!

Enfin, on s’appelle “RockUrLife”, qu’est-ce qui rock votre vie ?

S : La musique.

 

       

 

Pour fêter cette décennie musicale de “L’Album De La Semaine”, deux rendez-vous à ne pas manquer : 

 

Samedi 22 mars à 00h10 sur Canal+ : Queens Of The Stone Age au Zénith De Paris 

 

Dimanche 23 mars à 22h30 sur Canal+ Décalé : La Nuit Des 10 Ans De L’Album De La Semaine

 

Site web : canalplus.fr