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SABATON (15/05/19)

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Le neuvième album studio de Sabaton est sur le point de sortir ! “The Great War” s’annonce épique et c’est en compagnie de Joakim qu’on en apprend davantage !

Bonjour Joakim, comment vas-tu ?

Joakim Brodén (chant) : Très bien merci ! Il fait beau, on est en France, pas de quoi se plaindre !

Comment en êtes-vous arrivés à choisir la Première Guerre Mondiale en tant que thème principal pour votre nouvel album ? Etait-ce évident ? Les textes sont-ils arrivés une fois la musique composée ?

Joakim : Un peu des deux. A vrai dire lorsqu’on travaille sur un album, on démarre avec la musique et on voit où celle-ci nous mène. On a toujours quelques thématiques en tête mais c’est vraiment la musique qui nous y conduit. Une fois le thème établi, on s’investit vraiment. On lance les recherches, on approfondi la musique et les paroles aussi.

Pour ce qui est de la Première Guerre Mondiale, je dirais que cela a, en quelque sorte, été naturel. 2014 marquait le centenaire du début de la guerre. On en a beaucoup parlé à la télévision, que ce soit des films, des documentaires, des cérémonies. Beaucoup de gens nous ont également, donné des bouquins à ce sujet, on y a donc été exposé naturellement. L’Armistice a été signé le 11 novembre et on se disait : “Est-ce qu’on commencerait pas l’enregistrement cent ans, jour pour jour, après ?” et on s’est lancé.

Comparé à la Seconde Guerre Mondiale, était-ce plus compliqué de travailler sur cette période-là ?

Joakim : Un peu, surtout pour trouver le type d’histoires que nous cherchions. Des histoires touchantes et remplies d’émotion dans lesquelles on pouvait se projeter. La Seconde Guerre Mondiale est si bien documentée, tu dois avoir quinze documentaires pour la Seconde que pour la Première, ça veut tout dire. Les archives sont très diverses pour la Seconde, tu as des enregistrements audio, des photos, des captations. Il y a bien évidemment pareil pour la Première, mais pas en quantité; c’était donc assez complexe. De plus, c’était une époque assez sombre.

Nos deux précédents albums “Heroes” (2014) et “The Last Stand” (2016), étaient plus axés sur l’héroïsme et les événements de cette nature. Avec “The Great War”, ce n’était pas envisageable d’adopter la même démarche créative.

Est-ce aussi une sorte d’hommage ?

Joakim : Evidemment, on oublie tant de belles histoires. De plus, c’est dans notre démarche, de faire vivre ces événements. Personnellement tout ça me fascine !

Vous avez commencé à enregistrer le 11 novembre. Coïncidence ou acte délibéré comme tu l’évoquais plus tôt ?

Joakim : Honnêtement, le plan était de faire coïncider tout ça. Un an et demi auparavant, nous ne savions pas où nous en serions avec cet album, qu’on allait évoquer la Grande Guerre. Une fois les choses posées, on avait déjà prévu d’aller en studio fin 2018. C’était une évidence, il fallait qu’on démarre le 11 novembre ! (rires)


Le premier single est “Fields Of Verdun”. Ce choix était-il évident à faire ? Cette ville et son vécu résument-ils cette guerre ?

Joakim : Ça dépend vraiment du pays où tu vis. En Suède, on en parle, ça figure au programme d’histoire. Cependant au Royaume-Uni, ils étaient surpris et nous disaient : “c’est assez inattendu !” et je ne comprenais pas sur le moment : “Vraiment ?!”. Ils n’évoquent pas vraiment Verdun car ils n’ont pas pris par à cette bataille-là. Les Anglais étaient davantage impliqués dans la bataille de la Somme. Chaque pays a son histoire et sa vision du conflit. Ce que nous apprenons en Suède peut être différent de ce qu’apprenne les Français et vice versa. Outre le fait que ce soit la plus longue des batailles, c’était un bon choix de single car il résume parfaitement l’idée générale de l’album. L’image que j’ai de cette guerre, c’est Verdun et cette bataille sur le front occidental. De présenter l’album avec “Fields Of Verdun” c’est un excellent choix car elle dégage une certaine émotion mais rappelle également, tel un petit hommage, que : “vous, ennemis, ne passerez pas”.

Apocalyptica en a fait une reprise et la même postée bien avant la version originale. Peux-tu nous en dire davantage quant à cette curieuse collaboration ?

Joakim : S’il y a bien une chose qu’on a intégré depuis longtemps c’est : “ne demandes jamais pourquoi, mais pourquoi pas ?”, car il n’y a jamais rien de bien réfléchi parfois. Ils vont jouer dans le cadre de notre festival puis j’aime bien ce qu’ils font. On voulait faire quelque chose de fun et on en parlait. Ils enregistraient un album, nous aussi, et je ne sais pas vraiment en fait, c’est Pär qui a eu cette idée. Ensuite s’est posée la question de diffuser leur version d’abord. C’est un bon moyen de faire une promotion croisée entre les groupes et un bon teaser pour les fans de Sabaton. Pas de manière négative, loin de là, mais : “inattendu n’est-ce pas ?”. On peut dire que c’est une expérience sociale, en quelque sorte. (rires)

Un mot au sujet de la pochette. On y voit un soldat pleurant. Penses-tu que cela doit être la première image ou impression que l’on doit avoir lorsqu’on fait référence à cette guerre ?

Joakim : Je ne sais pas. Chacun a une sensibilité bien différente. Mais je dois t’avouer, lorsque nous avons vu les premiers brouillons, tout n’était pas encore là, mais j’ai trouvé ça d’un ennui. Ce n’était pas si différent de celle de “The Last Stand”. Il manquait quelque chose. Mais ce soldat dégageait un truc, c’était fort. Nous avons eu d’autres propositions mais celle-ci revenait sans cesse au final. C’est celle avec laquelle nous avons vraiment connecté, elle reflète parfaitement notre vision de la Première Guerre Mondiale.


Vous avez également dévoilé “Bismarck” avec cette très belle vidéo. Elle ne figure pas sur l’album. Du coup pour quelle occasion l’avez-vous faite ?

Joakim : Avec du recul, on a vraiment mal communiqué autour de cette vidéo. (rires) C’est notre vingtième anniversaire et on, label et fans, nous demande si nous prévoyons quelque chose de spécial. Au lieu de se replonger dans le passé, on a voulu aller de l’avant. En fait, on voulait offrir un nouveau morceau et un beau clip pour marquer le coup. “Merci pour ces vingt années de service”. Mais les critiques furent nombreuses car notre communication ne fut pas très claire. De plus les fans étaient énervés car le titre n’était pas disponible sur les plateformes de streaming. Sauf que ce n’était pas du tout notre but initial ! (rires) Bien évidemment que les fans veulent l’écouter et on n’aurait pas due les limiter à la vidéo. (ndlr : le titre a finalement été ajouté aux différentes plateformes deux jours après l’interview)

Quid du tournage ? C’était en vrai ou en studio ?

Joakim : Tous les plans avec le groupe sont réels, on a vraiment tourné ça en mer. On se les gelait, on devait être en février/mars. Puis on devait trouver un coin où il faisait meilleur, ce n’était pas le moment d’aller tourner dans l’Atlantique nord. (rires) On est donc allé non loin d’Istanbul. Mais il faisait tout de même 4° et 5° dans l’eau. Pour le tournage, nous avons quitté l’hôtel à 5:15 du matin et sommes rentrées peu avant minuit. On a passé l’essentiel de notre temps sur ce petit bateau. On n’arrêtait pas de nous asperger d’eau, et on a même due vider le bateau pour faire les plans avec le drone. En tenue de scène, mouillé, à 5°, ce n’est pas non plus la catastrophe mais ce putain de vent, alors qu’on était trempé, durant des heures. Bordel (rires) mais ça en valait clairement le coup et je trouve que c’est notre meilleure vidéo.

Cette question est peut-être un peu bizarre mais, en évoquant de si horribles événements, au travers de votre musique, mais en prenant aussi du plaisir sur scène, à sauter, chanter et prendre du plaisir tout simplement; n’y a-t-il pas un paradoxe ici ?

Joakim : Effectivement. On en est conscient. On évoque de graves histoires parfois et lorsque nous composons nos albums, nous faisons tout cela de manière très sereine et sérieuse. Mais une fois sur scène, on ne se prend plus au sérieux, justement. Si je saute ou que je pince les tétons de mes comparses, ce n’est pas pour dénigrer les thématiques de nos morceaux ou de manquer de respect envers ces soldats morts. C’est simplement nous, prenant du plaisir sur scène. Assister à un concert, l’expérience se doit d’être réussie et fun. On n’est pas là pour avoir l’air maléfique ou dépressif; c’est bien plus sympa de s’amuser tout en rendant hommage à ces personnes. Mais je suis d’accord avec toi, il y a un paradoxe. On prend du plaisir à courir sur scène et à embêter les guitaristes pour qu’ils ratent leurs soli. Cependant, on fait parfois attention. Par exemple le titre “Final Solution”, on ne saute jamais, on n’encourage pas la foule à chanter non plus, ce serait bien trop pour le coup. Déjà qu’on en fait de trop tout le temps. (rires)

En tant que frontman, tu es très investi sur scène. Qui t’as influencé ? Outre la performance vocale, le côté showman.

Joakim : De toute évidence je dirais Bruce Dickinson. Freddie Mercury et, l’un des meilleurs, Dee Snider. Sérieux, il est en meilleure forme que certains jeunes que je connais ! Mais j’ai également beaucoup appris grâce à Tobias Sammet. C’était notre première tournée, en bus, en 2006. La tournée fut longue et je l’observais, je regardais sa manière de gérer les foules tout en y incluant un peu d’humour. Puis, lorsque nous étions chez les Anglais, Bob Catley de Magnum est venu nous voir. On a fini dans un pub, à boire un verre, et je me devais de leur demander : “quel est votre secret ?”. Sauf qu’il n’y a pas de recette miracle. Chacun doit trouver la formule qui lui correspond. “Même, il doit bien y avoir quelque chose non ?” : “il faut apprendre à chanter, même sans avoir de voix”. Beaucoup disent ne pas avoir de voix, ne pas être en forme, mais il ne faut pas chercher à être le plus performant sur scène, mais lorsque tu es en studio. Tu dois pouvoir chanter même avec une fièvre à 42°, un virus, peu importe. Tu dois être en capacité de faire ton travail et de faire passer un bon moment aux fans, sans même qu’ils ne saisissent ta situation.

Donc même si tu as pris froid, n’annules rien. Vas en répétition et apprends à te débrouiller, cherches à sortir quelque chose, est-ce que ce sera plus grave, plus aiguë ? Gérer sa voix quand on est dans le mal tout simplement.

C’était le meilleur conseil qu’on puisse me donner. Par la suite, j’ai arrêté d’écouter les différents conseils : ne pas manger ci ou ça, ou bien rester muet toute la journée, jamais je ne pourrais faire ça.

Apprendre à chanter sans voix, c’est un putain de conseil ça.

Vous avez également lancé une chaîne YouTube. Etait-ce une demande de la part des fans ? Etait-ce naturel ? Peux-tu nous en dire plus ?

Joakim : Cela fait maintenant plusieurs années que nous voulions lancer un tel projet. L’idée était de faire un mini documentaire pour chacun de nos morceaux. De tous les à côtés, outre aller en studio et jouer en live, c’est le projet qui me branche le plus, dans lequel je m’investis à fond. Je trouve ça vraiment excellent et le format est vraiment bon. Lorsque nous avons commencé, YouTube n’existait même pas. Et à son lancement, ce n’était qu’une plateforme pour y voir des vidéos de chats et de chiens. Aujourd’hui, YouTube est une vraie plateforme média.

Donc Pär ou moi commençons, puis il y a dix minutes de rappels historiques, puis nous concluons sur les liens avec le morceau en question, ou des anecdotes de studio. Les vidéos font environ quinze minutes et c’est parfait comme ça. Qui irait voir une vidéo de trois quart d’heure ? Avec un format pareil, c’est bien plus simple d’attirer les fans et d’être concis comme il le faut.

Si les retours sont bons, que les fans nous soutiennent et les revenus liés à YouTube aussi, on a de quoi continuer. Le rêve ultime est évidemment d’en faire une pour chaque morceau de notre discographie.

A quoi peuvent s’attendre les fans avec ce nouvel album ? Quels morceaux te tiennent vraiment à cœur ?

Joakim : Difficile à dire tant tout est subjectif et chacun se fera sa propre opinion. De plus, je suis sans doute la dernière personne à qui demander cette question. (rires) Bien que je ne sois pas l’unique compositeur, j’ai été impliqué de partout, un peu comme un directeur artistique disons. Ça fait des mois que je suis plongé dans cet album, je connais les moindre détails de chaque piste. L’album m’a fatigué en fait. (rires) On me demande si l’album est bon et je leur réponds : “je ne sais pas, demandez moi dans dix-huit mois”. Il est très facile de tomber sous le charme de ton travail mais il faut mettre une certaine distance pour y voir plus clair et l’analyser. Les fans, eux, décideront si l’album est bon, s’il l’est. Ce n’est pas à moi de leur dire cela.

Enfin, nous sommes “RockUrLife”, donc qu’est-ce qui rock la life de Joakim de Sabaton?

Joakim : Wow ! Tu as plusieurs heures devant toi ? (rires) Au lieu de te répondre un truc bien convenu, facile et ennuyant, je vais te dire le flipper ! J’adore y jouer ! C’est un bon moyen de s’occuper, de s’amuser, de se vider l’esprit, d’être avec tes potes et quelques bières ! Parfait non ?

Site web : sabaton.net