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RISE OF THE NORTHSTAR (25/06/23)

Rise Of The North Star défendait son nouvel album Showdown sur la scène du Hellfest. RockUrLife a eu la chance d’échanger avec Vithia quelques heures avant le show sur son ultra-perfectionnisme et l’univers unique qu’il a créé.

Comment vous sentez-vous à quelques instants de monter sur scène ?

Vithia (chant) : On laisse gentiment la pression venir nous chercher petit à petit. On se prépare mentalement, physiquement. Et puis on arrête. On va à la rencontre du public, on est content de voir que la pluie s’est arrêtée, cela va être sympa.

2023, c’est une grosse année pour vous. Sortie d’un nouvel album avec des critiques très positives et maintenant c’est l’occasion de le défendre sur scène. Les nouveaux morceaux semblent vous offrir la possibilité de relâcher énormément de frustration, de colère, de ressent.

Vithia : Oui, clairement, on a hâte de pouvoir enfin jouer cet album. Déjà, il a été préparé avant le COVID et cela fait très longtemps qu’on l’a chez nous et qu’on l’écoute. Le fait de le sortir, cela a déjà été un soulagement et puis de voir la réaction des gens cela donne beaucoup, beaucoup d’énergie. Cela donne envie de continuer. Pouvoir le jouer au Hellfest, sachant que la dernière fois qu’on a joué en 2018, l’album The Legacy Of Shi n’était pas encore sorti. On n’a pas eu la chance de pouvoir le défendre vraiment. Pourtant, c’est en festival que l’on se rend compte de l’impact de titres comme “Here Comes The Boom”. On a été stoppés dans notre tournée par le COVID. Nos derniers concerts, c’était décembre 2019. Maintenant on a des nouveaux morceaux qu’on a taillés pour le live mais aussi l’impact des anciens de l’album précédent et des gens qui finalement n’ont pas vu ces morceaux en live.

En plus de balancer des titres aiguisés pour la scène, vous avez repensé tous les aspects visuels de vos shows, à commencer par les costumes que l’on a pu voir dans les premiers clips sortis.

Vithia : Ce sont des uniformes qui s’inspirent d’étudiants japonais qu’on aime bien dans les mangas qui eux-mêmes s’inspirent de tenues de l’armée, je crois. On aime avoir une scénographie par album, comme beaucoup de groupes. Mais l’ADN du groupe n’a pas changé. Premier album, on était en gakuran, pour le deuxième album les tokus sont noirs. Avec Showdown on a des tokus blancs parce que cet album est une suite directe à The Legacy Of Shi dans le storytelling, il y a toute une continuité avec le rapport avec le yōkai qui nous parle et qu’on va retrouver sur scène à la rentrée avec nous.

Ce qui est impressionnant avec vous, c’est le soin du détail, ce perfectionnisme poussé à l’extrême. Que l’on adhère ou non à votre musique, il n’est pas possible de passer à côté de la somme de travail que représente ce nouvel album. Le travail de production est bluffant également. Vous avez construit un univers que vous continuez de faire vivre avec minutie. On croit comprendre que vous avez choisi pour des raisons très particulières les caractères et le papier utilisé et on est curieux d’en savoir plus.

Vithia : C’est du jusqu’au-boutisme ! J’ai cette culture de l’objet. J’ai cet amour du travail bien fait, au même titre que l’on joue la musique qu’on veut entendre et qu’on crée le merch, ce qu’on a envie de porter. J’essaie de créer des produits qu’on pourrait acheter nous-mêmes par envie. Donc on n’a pas encore les capacités financières pour produire tout ce qu’on aimerait, etc. Mais dans le spectre qu’on a de possibilités, j’essaie toujours d’amener un certain raisonnement et une logique pure. Par exemple, il y a un flyer. Dans l’album, il était conçu en papier recyclé. Au Japon, tous les mangas que nous adorons sont publiés dans une revue nommée Weekly Shōnen Jump, qui est imprimée sur du papier recyclé. C’est un clin d’œil à cette pratique que je voulais faire. Tout ce que je fais a une raison, bien que ce ne soit pas toujours de manière préconçue. Lorsque je travaille sur un projet, certaines choses me paraissent évidentes. Sur les supports physiques de l’album, par exemple, il y a un titre fantôme qu’on ne retrouve pas sur les plateformes en ligne. Et puisqu’un CD reflète comme un miroir, j’ai écrit les paroles à l’envers dans le livret, invitant ainsi à une réflexion sur le titre en lui-même. Durant le confinement, cette approche semblait vraiment correspondre à ce que les gens ressentaient.

Ce qui est captivant, c’est que tout cela découle de la patience et de l’instinct, plutôt que d’un plan strictement défini en amont.

Vithia : Exactement. Bien sûr, il y a des aspects plus simples du processus. Par exemple, quand le label m’envoie des échantillons. Je dois avouer que je les rends parfois fous car je suis très pointilleux. Avec le temps, j’ai appris à être plus tolérant. Pour nos vinyles, nous avons créé des éditions colorées comme la “Ghost Edition“, en lien avec une thématique de yōkai fantomatique présente dans l’album. J’apprécie quand les groupes font de belles choses, mais j’aime que ces choix esthétiques soient justifiés, qu’ils résonnent avec le fond et la forme de leur musique.

Cela donne une touche personnelle, créant une expérience musicale vraiment unique et différente des autres.

Vithia : Absolument. Aujourd’hui, avec la multitude de groupes qui cherchent à se démarquer, c’est compliqué. Mais nous avons la chance d’avoir une esthétique visuelle unique. C’est notre force. Nous voulons que cela transparaisse aussi bien dans notre musique que sur scène. Même si notre visuel s’inspire fortement de la culture japonaise, il est riche en références. Et cela se retrouve aussi bien dans la musique que dans les paroles.

© Berzerker

Il y a une question qu’on se pose depuis bien longtemps. Est-ce que vous parlez japonais ?

Vithia : Non, juste deux ou trois phrases. Ce n’est pas tant que ce soit une langue difficile à parler – du moins, je trouve. C’est nous qui avons une perception variable. Parfois, il y a des expressions en anglais qui fonctionnent mieux. Heureusement, nous avons de très bons traducteurs, certains sont nos amis de longue date. Nous collaborons étroitement avec eux, et même si nous avons rencontré quelques erreurs par le passé, car la langue n’est pas toujours facile à appréhender, ils ont été essentiels. Lorsque nos albums sortent au Japon, ils se chargent de la traduction de tous nos lyrics. Nous évitons de leur donner des paroles à traduire qui ont été pensées en français puis écrites en anglais, car le passage de l’anglais au japonais pourrait dénaturer mon propos originel. Alors, nous leur fournissons directement l’album avec des paroles en japonais. C’est une chance pour moi de travailler en français et de voir mes paroles traduites directement.

Si on reste sur le Japon, comment est perçue votre démarche là-bas ?

Vithia : Ils sont vraiment honorés. Nous sommes en 2023, et le Japon a reconnu que la France est le deuxième consommateur de mangas au monde. C’est une industrie majeure chez nous. Par exemple, nous avons la Japan Expo, qui est l’équivalent du Hellfest pour le manga. D’ailleurs, nous y avons joué. Je crois qu’ils sont surpris de notre profonde immersion dans leur culture. Nos références ne sont pas seulement liées aux mangas, mais aussi à une subculture authentique du Japon. Dans notre dernier clip, par exemple, les personnages ne sont pas tirés d’un manga, mais basés sur des figures réelles. Cela les surprend et les honore. Par contre, une nouvelle génération en France commence à nous dépasser dans leur connaissance de la culture japonaise.

Quel a été votre moment le plus marquant au Japon ?

Vithia : En tant que touriste, ce qui m’a frappé, c’est cette fusion entre fiction et réalité. J’ai beaucoup lu de mangas et regardé d’animes. Quand tu arrives au Japon, avec le décalage horaire en plus, tu as l’impression de te retrouver dans une de ces histoires fictives. En tant que musicien, c’est l’engagement du public qui m’a marqué. Ils sont vraiment passionnés. Certains de nos titres fonctionnent mieux là-bas qu’ici, et vice-versa. Par exemple, “Samurai Spirit” a un grand succès au Japon.

Ils ont tendance à vous accueillir en silence lors de vos concerts ?

Vithia : Pas exactement en silence. Mais c’est vrai qu’il y a une différence de culture. Nos concerts sont assez intenses, avec peu de pauses. On préfère laisser la musique parler. En revanche, lorsqu’on joue avec des groupes japonais, on remarque qu’ils parlent beaucoup entre les chansons, ce qui n’est pas notre style. Nous préférons maintenir l’énergie tout au long du concert.

Tu parlais du culte de l’objet, il n’y a pas longtemps vous avez organisé un concours pour gagner un bijou que tu portes actuellement ?

Vithia : Oui, c’est exactement le prototype que nous avons conçu. L’idée est de créer un produit exclusif, non seulement pour inciter à la précommande de notre produit, mais aussi pour récompenser nos fans les plus dévoués qui commandent immédiatement l’album. J’ai quelques contacts dans le domaine des bijoux, un milieu que j’apprécie particulièrement.

Et concernant le processus de création ?

Vithia : Bien que j’aie adoré le design, je n’ai pas sculpté moi-même les bijoux. Les trois bagues ont été créées sur mesure. Nous les avons réalisées pour deux Français et un Américain. Ils nous ont fourni leur taille de doigt, et une fois les tailles confirmées, nous avons procédé à l’envoi. Chaque bague correspond à un album et est numérotée de un à trois.

En parlant de votre prochain album et de votre carrière, on a lu dans une interview de 2017 que vous vivez désormais pleinement de votre musique.

Vithia : En effet, être musicien est désormais mon métier à plein temps. Cependant, la situation avec le COVID a bouleversé l’économie de l’industrie musicale. Mais nous persistons et nous continuons de tourner, en luttant pour que notre album voie le jour et pour vivre de notre musique. Cela nous décharge d’un certain poids, ce qui, en retour, libère notre créativité et nous permet de nous investir davantage.

Comment cela se passe dans le groupe quand vous accueillez un nouveau musicien ? Comment est-ce qu’il peut s’inscrire dans l’univers du groupe ?

Vithia : Au sujet de notre groupe, nous sommes très axés sur l’humain. Nous croyons en la destinée et attendons que les musiciens viennent à nous plutôt que de les chercher activement. Plutôt que de faire des auditions traditionnelles, nous privilégions les rencontres humaines. Bien sûr, il y a une forme de “casting“, mais cela se fait plutôt autour d’un verre, à travers les échanges. Comme le disait Alice Cooper dans un documentaire sur Netflix, trouver de bons musiciens est facile, mais trouver ceux qui ont aussi les bonnes qualités humaines, c’est le défi. Dans notre groupe, le personnage du “fantôme” est constant, que ce soit le batteur ou n’importe quel autre membre. Cependant, la personnalité du musicien peut influencer la création d’un personnage. En revanche, la vision visuelle du groupe est établie. Les nouveaux arrivants doivent s’y adapter.

Combien de personnes composent votre équipe, en incluant les traducteurs et autres collaborateurs ?

Vithia : En comptant les cinq membres du groupe, nous sommes une dizaine en tout. Et puis il y a notre cercle proche, la famille, etc. Pour notre dernier album, nous avons travaillé avec Johan, avec qui nous avions déjà collaboré sur notre deuxième album. C’était un plaisir de travailler à nouveau avec lui. J’ai dû chanter en anglais, ce qui était un défi pour moi en tant que français. Nous avions la possibilité d’enregistrer avec de grands noms à Las Vegas, mais nous avons choisi d’enregistrer en France. Cela nous permet de retravailler certains passages si nécessaire. Il y a dix ans, ce n’était pas comme cela, mais aujourd’hui, avec des membres comme Erwan qui composent constamment, nous avons cette flexibilité. Parfois, nous pourrions même sortir un morceau sur un coup de tête.

Le fait aussi d’être avec des gens avec qui tu as déjà travaillé te permet d’être plus à l’aise pour le chant et pour te donner ?

Vithia : J’ai énormément appris grâce à Joe à New York. Avec la situation du COVID, nous nous sommes retrouvés avec plus de temps libre que prévu. J’ai décidé de profiter de ce temps, notamment pour me reposer entre les sessions d’enregistrement, car chanter est très intense pour moi. Ma voix n’est pas un instrument mécanique comme une guitare; c’est un muscle que je sollicite énormément, surtout pour des chansons exigeantes comme le style mariachi.

Habituellement, j’aime enregistrer sur deux ou trois jours puis faire une pause de quatre jours avant de reprendre. Avec Joe, nous avons eu l’opportunité d’enregistrer dans différents endroits. L’absence de pressions, qu’elles soient économiques, logistiques ou liées au temps, a été très bénéfique. Cela m’a offert la liberté d’expérimenter.

Nous avons pris le temps d’écouter nos enregistrements séparément et, lors de nos retrouvailles, nous discutions des modifications à apporter. Par exemple, même lors de la phase de mixage de certaines chansons comme “One Love”, des éléments ont été modifiés jusqu’au mastering.

Avoir du temps a vraiment été précieux. Parfois, les contraintes peuvent stimuler la créativité, mais dans ce cas, cette liberté a été très fructueuse. Je me souviens que Joe m’avait parlé de leur propre studio à New York. Ils prenaient parfois quatre à cinq jours pour une chanson. Grâce à notre disponibilité, nous pouvions consacrer une journée entière à une seule chanson. Aller au-delà rendait les choses compliquées. Enregistrer depuis la maison a ajouté une intensité particulière à notre travail.

Dernière question : notre média s’appelle RockUrLife. Du coup, qu’est-ce qui rock ta life ?

Vithia : Mes enfants sont de véritables boules d’énergie. Lors de mon dernier voyage d’affaires au Japon, malgré le décalage horaire et le travail que j’avais sur place, leur énergie restait inébranlable. Ils se réveillaient tôt, pleins d’entrain. Moi, je puise mon énergie dans la musique. Et puis, j’ai toujours eu une passion pour les mangas et les animes que je regarde.

© Berzerker

Site web : rotnsofficial.com

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Marion Dupont
Engagée dans la lutte contre le changement climatique le jour, passionnée de Rock et de Metal le soir !