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REQUIN CHAGRIN (13/11/25)

3 ans après notre dernière rencontre, nous retrouvons Marion Brunetto pour discuter de l’avenir de Requin Chagrin : entre nouvelles compositions et tournée à venir, récit d’un échange en toute décontraction.

On s’était rencontrées en 2022, à l’époque sur Rock En Seine et on se retrouve aujourd’hui, trois ans plus tard. Quel bilan tires-tu de ces trois ans ? 

Marion Brunetto (Requin Chagrin) : Oula, en trois phrases ça va être compliqué. Je garde de Rock En Seine un super souvenir. C’était sur notre fin de tournée de l’album précédent. Et du coup, ça m’a donné beaucoup d’énergie pour ensuite me confronter à l’écriture de ce quatrième album. Je me suis assez vite plongée dans cette écriture-là. Ça a commencé par plusieurs phases.

La première phase, ça a été de rentrer chez moi à Ramatuelle, dans le sud, pour y installer un studio éphémère. J’avais besoin de quitter la ville pour me mettre dans un cocon différent et appréhender la composition de manière différente. C’était l’occasion d’avoir tous mes instruments dans la même pièce et d’avoir un endroit vraiment pour moi, si tu veux, pendant quelques mois.

Ca a été le point de départ, disons, d’un processus de composition d’écriture qui a pris le temps que ça a pris. Et puis, du coup, me revoilà maintenant avec ce nouvel extrait d’un nouvel album. 

D’où t’est venue cette envie de faire les choses différemment ? 

Marion : Je crois que j’ai eu un déclic que je ne saurais pas trop expliquer. En fait, j’avais besoin de déménager, de me retrouver dans un environnement familier parce que j’étais entourée de ma famille, des endroits où j’ai grandi.

Ça a été une envie plutôt claire, finalement, qui est arrivée comme ça. Je me suis dit, c’est le moment, j’ai terminé ma tournée. Si je peux faire ça pendant quelques mois, c’est cool. Je ne regrette pas, c’était un moment un peu à part et qui a permis de faire aboutir plus tard d’autres chansons. C’était une première phase qui était importante.

Ça t’a permis de nouer peut-être un peu plus avec la scène locale de Ramatuelle ? 

Marion : Non, j’étais vraiment dans ma famille, en fait. J’ai revu quelques connaissances et des amis d’enfance et c’est tout. J’étais vraiment dans ma petite bulle. C’était plutôt pour me connecter à ma famille et là où j’ai grandi, retrouver des souvenirs d’enfance, d’ado aussi. Je ne dormais pas forcément là où j’avais mes instruments, je dormais dans ma chambre d’ado.

C’est marrant parce que c’est un peu là où j’ai commencé à avoir envie de faire de la musique. De se retrouver au même endroit, je pense que ça m’a replongée dans des souvenirs de l’époque. Je pense que ça peut infuser ce genre de choses dans la musique que j’ai pu faire par la suite.


C’est justement ce qu’on allait te demander, est-ce que ça avait infusé ton nouvel album par les textes, par les ambiances ? 

Marion : Je pense plus à l’ambiance. Je ne me suis pas rendue compte de ça tout de suite, mais ensuite j’ai travaillé avec Antoine, un ingénieur du son, qui m’a aidée à enregistrer et à mixer l’album. On a passé beaucoup de temps ensemble et au tout début, quand il a écouté mes premières maquettes, il m’a dit : “C’est marrant, on dirait que tu as ouvert la fenêtre en grand et que c’est hyper lumineux“. Alors que moi, je ne le ressentais pas forcément au départ. Mais je pense que c’est justement cette lumière qu’on a peut-être moins à Paris

Surtout dans le titre “Parachute”, c’est ce que j’ai voulu montrer aussi dans le clip. L’idée, c’était vraiment de tourner en extérieur, d’avoir un ciel bleu, un décor presque californien, une ambiance vraiment très lumineuse, ensoleillée.

Ça se prêtait bien aussi avec l’ambiance du morceau, qui a des accents un petit peu surf, garage, avec d’autres influences. 

C’est vrai que ça fait très californien, la violence de la lumière comme ça. Et puis même le ciel a été un peu exagéré. C’est marrant, parce que j’ai assisté au début de l’étalonnage et je leur ai dit que je voulais quelque chose de très lumineux, ensoleillé. Et du coup, ils ont accentué ce genre de choses, et notamment le ciel. Et le fait de le pousser un peu plus dans les bleus, je trouve qu’il y a un côté un peu surréaliste. 

Ça rappelle les clips des années 2000-2010, de tout ce qui était pop punk, très californien, toujours hyper coloré. 

Marion : C’est vrai. J’avais envie d’aller dans cet univers-là. Il y a aussi un film de Gus Van Sant, Paranoid Park, qui a été une source d’inspiration pour l’image avec le côté skateur. Dans tous ces films, je trouve qu’il y a une ambiance hyper chouette. 


Tu disais que tu avais pris le temps de faire ton album comme tu en avais envie. C’est un luxe dans la vie d’artiste d’avoir le temps de faire les choses. 

Marion : C’est vrai que c’est bien de prendre son temps. Je pense que mon entourage avait aussi envie que ça aille un peu plus vite. Et surtout moi, en fait.

Je pense que la pression, c’était plus moi qui me suis mise. Il y aura toujours un petit peu de doute. Le but c’est que j’en ai le moins possible et que je sois la plus satisfaite possible de mes chansons et de l’univers que je vais défendre.

C’est vrai que c’est cool de prendre son temps, mais c’est important de bien faire les choses. Il y a des albums que j’ai pu faire beaucoup plus rapidement, sans pression aucune de la part de qui que ce soit. Je pense que chaque album s’envisage différemment à chaque fois.

On n’est jamais trop dans le même état d’esprit quand on démarre l’écriture. On n’est jamais la même personne. Chaque histoire est un peu différente.

Je suis allée explorer plein de palettes un peu différentes : j’avais acheté du nouveau matériel et je me suis dit, comment je vais l’intégrer dans ma façon de travailler ? Le matériel, ça m’aide beaucoup aussi à trouver d’autres inspirations.

Je voulais en profiter aussi pour “sécuriser” mes maquettes. Parce qu’avant d’arriver en studio, j’ai à cœur en tout cas d’avoir une maquette vraiment la plus aboutie possible. Je travaille vraiment beaucoup les productions de mes morceaux. Et du coup, ça prend du temps aussi. Parce qu’une chanson guitare-voix ne va pas ressembler à exactement la même chose quand on a envie d’avoir beaucoup d’instruments derrière ou pas. Il y a des chansons qui ont plusieurs versions. Du coup, comme je suis toute seule à faire tout ça, ça peut aller très vite comme vraiment plus lentement.

Tu es toute seule pour écrire, pour composer. Là, comme tu étais avec ta famille, tu leur as fait écouter tes sons ? 

Marion : Non. J’étais vraiment dans le point central de la maison avec mes instruments, mon matériel. Et donc, je voyais à peu près tout le monde mais c’est vrai que je leur faisais rarement écouter des trucs.

J’avais envie de garder ça pour moi. De temps en temps, ils passaient, je leur faisais écouter des trucs, mais c’était vraiment rare. C’était vraiment mon labo à moi. 

Effectivement, la dernière fois qu’on s’était rencontrés, on avait beaucoup parlé du fait que tu étais toujours un peu à l’affût de nouveaux matos, que tu avais envie d’expérimenter les choses. Tu fais tout dans ta musique. Est ce que c’est difficile pour toi de laisser entrer quelqu’un dans ta bulle? 

Marion : C’est une histoire de rencontres et de… Comment dire ? Chacun trouve sa place. En l’occurrence, c’était vraiment une chouette rencontre avec Antoine.

Humainement, il s’est passé un truc aussi. Sur mon premier album j’ai tout fait, même le mixage, parce que forcément, j’avais pas de mixeur à l’époque. Je me suis dit, pourquoi pas moi ? Pourquoi ne pas tout faire seule ? Autant j’aime être entourée sur scène et en studio, autant je tiens à avoir quand même cette identité-là, de pouvoir exprimer ma sensibilité, même si ce n’est pas parfait. Mais au moins d’avoir une cohérence sur tous les aspects de la musique, que ce soit le choix de la pédale qui va sur cette piste là ou la batterie à ce moment là.

Je ne sais pas si je changerais cette façon de travailler, mais en tout cas, après, j’aime bien aussi passer le relais à quelqu’un qui va m’aider pour aller là où je ne peux pas m’en aller. 

À quoi peut-on s’attendre avec ton nouvel album ? 

Marion : La période de composition a été longue, il y a donc des morceaux variés d’un peu chaque moment. Il y avait une période, par exemple, où je faisais beaucoup de musique avec des synthés. Donc il y a deux, trois morceaux qui sont un peu imprégnés de cette période-là et qui ont des accents un petit peu plus new wave, qui est un genre de musique que j’apprécie.

Il y a aussi des morceaux un petit peu plus à guitare, indie, avec des riffs, comme “Parachute”, par exemple. C’est un album qui a plus de dynamique. La voix est plus intelligible. Ça a été un choix. J’ai eu envie qu’on entende un peu mieux ma voix. 

Tu as composé certains morceaux il y a près de 3 ans. Maintenant, tu vas pouvoir les défendre sur scène. Tu penses qu’ils vont évoluer vis à vis de l’album? Comment tu envisages de les jouer ? 

Marion : On a déjà fait une résidence pour le live il y a quelques semaines. Et du coup, j’ai pu tester des nouveaux morceaux. Il y a quelques morceaux qui ont changé.

Parce que quand on joue en groupe, quand on enchaîne les morceaux et qu’on essaie de s’imaginer en concert, il y a des idées qui viennent de structures, de choses qui varient un petit peu. Puis, il faut faire le choix aussi entre les morceaux que l’on va jouer et les autres, et les structures de morceaux qui évoluent ! 

Ça a été un casse-tête pour moi : “Attends, dans cette partie, qui va jouer ça comment ?” Je pense que c’est globalement fidèle à ce qu’on retrouvera sur le disque. Ca peut bouger aussi tout au long de la tournée. J’ai un groupe qui est quand même super. Donc je pense que si jamais il y a une envie de réadapter des choses, ce sera plutôt facile à faire. On verra sur la tournée, comment ça va évoluer au fil des jours, au fil des dates, au fil des ambiances…

Après une date on se dit tiens : “Ah, l’enchaînement, là, il marche mieux. Il faudrait enchaîner comme ci, comme ça“. Ce sont des choses qu’on peut déjà préparer en avance, mais qui sont forcément plus faciles à tester dans de vraies conditions, avec un public et ses réactions car ça alimente la manière dont toi, tu vas jouer ou dont le groupe va jouer ensemble.

Après les concerts, je réfléchis justement aux choses que j’ai pu percevoir pendant la soirée. Rien n’est gravé dans le marbre. 

Tu as participé au titre Girlfriend sur l’album d’Indochine Babel Babel. Comment s’est organisé cette collaboration ?

Marion : Ça remonte à quelques années déjà. Nicola (Sirkis) m’avait sollicité avant de rentrer au studio ICP de Bruxelles pour faire une séance d’écriture. J’avais composé une instru que je lui ai transmis et il est revenu vers moi 6 mois plus tard pour qu’on travaille ensemble sur la structure. Ça s’est fait par saut de puce.  Il a écrit la mélodie de voix et les paroles, et on s’est revus pour enregistrer au studio. C’était une super expérience.

Ça t’intéresse par la suite de continuer de collaborer avec d’autres artistes? 

Marion : C’est vrai que je suis un peu solitaire, mais oui ça me plairait. J’aime tellement faire de la musique, ça pourrait être sympa de travailler sur de la composition pour un autre artiste. C’est vrai que pour les paroles ça n’a pas fonctionné d’écrire pour quelqu’un d’autre.Mais la musique, j’aimerais bien. 

Tu as un concert prévu à la Gaîté Lyrique au printemps. 

Marion : Ce sera la première date à Paris. J’ai hâte d’y être parce que généralement, les concerts qu’on fait à Paris, c’est souvent là où on… Comment dire ? Il y a un noyau du public qui est assez fidèle depuis longtemps et bien motivé. Les proches, la famille et tout. J’ai hâte aussi de présenter ce nouvel album dans cette salle. 

Ça fait longtemps que je n’ai pas joué là, mais je pense que c’est un bon endroit pour remettre un peu les pieds à Paris. Pour redémarrer. 

Pour finir : notre média s’appelle RockUrLife, donc question traditionnelle chez nous : qu’est-ce qui rock ta life, Marion ? 

Marion : C’est une question très vaste. Chez moi, ce qui est rock, c’est mes guitares. 

Site web : facebook.com/chagrin.requin

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Laura Navarre
J'ai annoncé à mes parents à 16 ans que mon objectif professionnel était de produire la prochaine tournée de U2.