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PRESS GANG METROPOL (27/05/19)

Découverte de Press Gang Metropol, groupe français new wave, présent sur la scène musicale depuis dix ans.

Influences passées et présentes

Est ce que tu peux présenter le groupe ?

Sébastien Bernard (chant) : Press Gang Metropol c’est un groupe de rock / new wave. Il existe depuis 2006. Je suis arrivé en 2015. Avant ça le groupe a sorti un album qui s’appelle “Checkpoint” avec trois anciens membres de Corpus Delicti. Les choses n’ont pas duré et chacun est allé vaquer à ses occupations. J’avais adoré leur travail et j’ai contacté Christophe (le bassiste) en lui disant que ça correspondait à mes attentes en temps que chanteur.

On fait un rock qui est extrêmement influencé par les années 1980 – 1990 et la scène new wave anglaise. On a entre quarante et cinquante balais, ce sont des années que l’on a vécu. Notre but est de faire les meilleurs morceaux de ce style possible avec un son moderne.

Ne souffres-tu pas trop de la comparaison qu’il peut y avoir avec Depeche Mode et Dave Gahan ?

Sébastien : C’est ma voix, je ne cherche pas à imiter Dave Gahan. Je fais les choses comme je les sens. Je suis fan de lui et de Brendan Perry, Nick Cave, Mark Lanegan. Avant de savoir chanter correctement, tu vas vers les artistes qui ont une tessiture proche de la tienne. J’ai appris avec Dave Gahan parce que c’est clairement ma tessiture. Notre ancien chanteur était comparé à David Bowie. Les influences sont là et on ne les cache pas.

Quelles sont les influences du groupe ?

Sébastien : New Order, Joy Division, toute la vague The Cure, Tears For Fears. On est aussi influencé par la seconde vague britannique comme Interpol. Depuis ce matin on nous ramène à Bloc Party. J’adore “Weekend In The City”, c’est un putain de disque et je n’avais jamais percuté toute l’influence que ça avait dans notre musique.

C’est un marasme général d’influences croisées. On assume complètement nos influences. Par contre, ce qu’on essaie de faire c’est de ne pas être nostalgiques. Nos chansons sont faites avec une production moderne de 2019.

On n’essaie pas de cacher ça en ajoutant un faux son des années 1980 dégueulasse comme certains groupes. On a écouté des disques pourris avec le son médiocre des années 1980 et on a eu notre dose.

Tu parlais un peu plus tôt de la création d’un titre. Comment s’est déroulée la création de l’album ?

Sébastien : Christophe avait déjà écrit toute la musique. C’est son projet donc c’est lui qui a le dernier mot. Quand je suis arrivé on changeait de chanteur. Ca change beaucoup l’identité du groupe. Je viens du metal extrême donc quelque chose qui n’a rien à voir. Il fallait trouver l’équilibre entre ce que Christophe veut créer en musique et ce que j’exprime en chant. Ca a pris du temps et plusieurs mois. Et puis un jour on a écrit “Orphans” qui est le premier clip et on s’est dit que c’était la couleur qu’on voulait pour Press Gang Metropol. C’est ce qui a servi de fondation.

Une fois les morceaux écrits je récupère les pistes. Je fais une sorte de yaourt pour le chant où je cherche vraiment un sentiment musical. Placer les bonnes voyelles et les bonnes consonnes aux bons endroits pour que ça me parle, en terme de ressenti pur et dur. Une fois que c’est fait, je vais peut-être retoucher la structure car je me rends compte que ce que Christophe a écrit comme un couplet, pour moi peut être un refrain. Je suis attaché à ce que chaque étape soit bien carrée. Ça peut durer très longtemps parce que parfois tu n’arrives pas à trouver le bon texte qui va amener la bonne couleur. C’est artistique donc chimérique.

Ca t’est venu naturellement de chanter en anglais ? Pourquoi ne pas chanter en français ?

Sébastien : Je n’ai jamais chanté en français. Toutes les musiques que j’écoute depuis toujours sont anglo-saxonnes. J’ai appris l’anglais en étant gamin en traduisant les textes. On est plein de chanteurs à avoir fait comme ça ! Il n’y a pas seulement la langue, il y a aussi le fait de ce qui t’amène à chanter comme ça. Si je chante comme ça c’est parce que je me suis très vite reconnu dans des artistes comme Nick Cave ou Dave Gahan. Il n’y a aucun chanteur français qui me donne envie d’aller m’exprimer ainsi. Bashung peut être le plus proche mais je n’ai pas sa dépression, ni son style de mélancolie très lourde. Etienne Daho c’est de la nostalgie un peu sucrée et ce n’est pas mon délire.

Consommation de musique vs authenticité

Votre nouvel album “Point Blank” est sorti. Quelle était la volonté derrière le fait de mettre tous les titres sur YouTube ?

Sébastien : La volonté c’est que les gens écoutent l’album. Juste pour arriver à ce que les gens fassent les démarches d’écouter un disque c’est terrible. Avant il y avait la barrière du prix et la disponibilité. Maintenant tout est disponible. La seule barrière c’est celle d’avoir le temps pour que les gens écoutent ton disque. Pour nous ça se traduit par le fait qu’on est en train de commencer à monter une tournée et que pour ça, quand un label veut te programmer il va aller sur YouTube et regarder le nombre de vues et d’écoutes. A deux groupes équivalents de qualité équivalente, le label va prendre celui qui a le plus de vues. C’est stupide mais c’est comme ça que ça marche. On est obligé, au delà de l’artistique, de se conformer à certaines choses.

Justement, est-ce que ta consommation de musique a évolué ?

Sébastien : J’étais un bouffeur de musique compulsif. A chaque fois que je déménageais j’avais 800 CD à trimbaler. Maintenant ils sont dans un gros carton chez moi et j’ai tout mis sur mon téléphone. Evidemment c’est un problème pour la rémunération des artistes. Désormais tu peux faire des playlists en quelques minutes. Avant tu voulais écouter un truc, tu en avais pour une heure et demi à faire une compilation car une cassette faisait quatre-vingt dix minutes. Par contre, tu réfléchissais beaucoup plus au sens de ce que tu faisais. On a gagné en vitesse ce qu’on a perdu en sens.

Avant, tu allais acheter “Dark Side Of The Moon” et tu savais que ça allait être compliqué à écouter car ce n’était pas un album accessible. Mais tu n’avais que ça à écouter. Tu pouvais commencer à intégrer des oeuvres musicales complexes. Maintenant il faut que ce soit immédiat sinon tu zappes. On en a conscience en tant que musicien mais le public pas du tout.

Encore faut-il trouver les gens qui ont envie de faire l’effort.

Sébastien : C’est le plus difficile. Tu recherches les quelques personnes qui éprouvent un intérêt à se prendre un peu la tête. En musique, à part dans le jazz ou la musique classique, tout ce qui pouvait être compliqué avant dans la pop, la variété ou le rock, ça a beaucoup dégagé.

Press Gang Metropol est plutôt dans un style new wave moderne et ce n’est pas un style qui est hyper accessible. C’est d’autant plus ironique que tu cherches le public et tu souhaites qu’il vienne vers toi en faisant un son qui est exigeant.

Sébastien : On reste nous mêmes. Il n’est pas question de faire de la soupe sinon on arrête tout. On se respecte un minimum. (rires) Mais après, si quelqu’un veut nous écouter, il le peut. On se réfère à un public d’au moins vingt-cinq ans et plus. Ce sont des gens qui achètent encore des disques. Pour les moins de vingt-cinq ans on ne va sortir que du digital, même pas un disque. Il n’y a même plus de CD dans les voitures ! Dans les bagnoles de maintenant tu n’as qu’une clé USB et fin de l’histoire.

En ce moment il y a un gros revival du vinyle. Qu’est ce que tu en penses ?

Sébastien : On adorerait le faire mais pour un groupe de notre taille c’est hors de prix. Il faut aussi se mettre dans la position de celui qui achète. Si demain ça fonctionne… Pourquoi pas. Pour le moment ce qu’on cherche c’est faire écouter le disque.

Emotion et technique

Tout à l’heure on parlait des influences que tu fais ressortir dans tes morceaux. Est ce qu’il y a des artistes actuels qui t’ont tapé dans l’oeil récemment ?

Sébastien Bernard : Des artistes récents ? Je ne sais même pas. J’écoute beaucoup le dernier Editors que je trouve vraiment excellent. Bjork, ça me rappelle que tu peux faire une musique extrêmement exigeante, très difficile d’accès mais en même temps avec une cohérence et une intelligence dingue. Dead Can Dance, j’ai une admiration inconditionnelle pour ce groupe. Ce sont des gens qui ont amené la création totale au point de ne même pas s’embêter à écrire un texte. C’est juste l’émotion primale telle qu’elle sort de la tête des gens. C’est le degré maximum de l’art. Il n’y a plus besoin d’avoir un terreau culturel commun, juste par la beauté du son le public est touché. C’est le summum. Quand tu n’as pas besoin d’expliquer une oeuvre à quelqu’un qui n’a pas la même culture que la tienne c’est parfait. C’est plus philosophique que musical.

Hier je l’ai ressenti clairement. Ils ont joué le morceau “Yulunga”, qui commence par un son de synthétiseur qui est reconnaissable de suite. Et quand le son est entré, j’ai senti la salle inspirer. Tu avais le frisson de l’attente des gens plus que de l’oeuvre. Et tu ne ressens ça nulle part.

On imagine que c’est quelque chose que tu aimerais recréer sur scène.

Sébastien : Je ne m’amuserai jamais à tenter un truc pareil. Je pense que c’est réservé non pas une élite mais à des gens qui ont une façon de penser très particulière. Je n’ai pas ce lâcher prise intellectuel. Pouvoir arriver devant un micro et chanter ce qui te passe par la tête sans aucune barrière psychologique. Pour moi, il faut que tel mot soit comme si, tel mot soit comme ça, il faut que ma liaison arrive vers cela. Tu te bats avec ton appareil respiratoire pour le souffle. Et Lisa Gerrard elle arrive et elle te jette cela au visage. Tu te demandes d’où ça sort. Ça vient de nulle part.

C’est intéressant que tu sois parti sur un style aussi exigeant que la new wave alors qu’avant cela tu venais du metal. Et que tu le disais toi même, tu hurlais dans un micro pendant deux heures.

Sébastien : J’ai caricaturé exprès. On faisait un metal aussi exigeant que ce que l’on peut faire maintenant. Je pense que tu peux faire quelque chose d’extrêmement brutal mais qui a de la beauté en soi. Pour faire un parallèle avec l’art, prends la toile de Goya “Saturne dévorant un de ses fils”. Tu vois un Saturne dégueulasse en train d’arracher les membres de son fils. Si tu vois cette peinture en vrai tu restes bloqué tellement elle est intense. Idem si tu prends le Goliath contre David du “Caravage”, tu es écrasé par la peinture.

“En musique tu peux faire quelque comme cela : très tendu et violent mais contenant en même temps énormément de beauté.”

Est-ce que tu as conservé des choses de cette époque, comme par exemple la manière de travailler ou de t’exprimer sur scène ?

Sébastien : La rigueur. Le metal c’est un genre qui est exigeant techniquement et musicalement. Tu ne peux pas maîtriser ce qui s’appelle la rigueur de travail. C’est comme un peintre qui ne sait pas peindre, qui n’a pas cette rigueur technique : il ne fera pas de chef d’oeuvre. La musique c’est la même chose.

Faire des chansons c’est un art mineur par rapport à une symphonie. Mais si tu n’as pas cette même exigence c’est mort. Tu feras de la soupe et dix à quinze ans plus tard tu n’en seras pas fier. Les morceaux d’Artefact sont bien faits. Il est hors de question que l’on me reproche que ce soit mal fait. Je ne veux pas entendre que j’ai foiré ma réalisation artistique en terme de rendu.

Dans le cadre de l’enregistrement avec les autres membres arrives-tu bien à gérer cette rigueur ?

Sébastien : Je suis un peu control freak. (rires) Mais je ne cherche pas à contrôler les choses. En fait, quand on écrit un morceau on a tout de suite le rendu. L’ingé son a pris la partie technique du disque, moi la partie plus artistique. Du coup il faisait garde fou quand je partais en sucette. Par exemple : “si tu mets ça trop fort, on perd ça.” C’est Sebastien Dandreis qui a géré tout le disque et qui nous a soulagé.

Pour finir, notre média s’appelle “RockUrLife, alors qu’est-ce qui rock ta life ?

Sébastien : J’ai la chance de pouvoir faire ce que je veux quasiment quand je veux. Je suis intermittent donc les jours où je ne travaille pas je fais de la musique. C’est d’autant plus libérateur quand je vois des gens qui n’ont pas ça et qui se sentent écrasés par tout ce qu’ils font de leurs journées.

Site web : pressgangmetropol.com

Laura Navarre
J'ai annoncé à mes parents à 16 ans que mon objectif professionnel était de produire la prochaine tournée de U2.