Interviews

OVERKILL (15/09/19)

English version

Le légendaire groupe de thrash Overkill, originaire du New Jersey, a fait une halte dans la Ville Rose pour défendre son dix-neuvième album “The Wings Of War”. Nous avons eu l’opportunité de discuter avec son co-fondateur et frontman Bobby “Blitz” Ellsworth. Bobby a partagé avec gentillesse et authenticité ses pensées, après bientôt quarante ans de carrière. Son rire infâme et merveilleusement démoniaque a fait le reste. Définitivement un “vrai”, passionné de son groupe, fier de ses origines irlandaises, toujours disponible et vraiment sympa. Santé !

Quel est, aujourd’hui, avec un peu de recul, ton ressenti à propos de votre dernier album “The Wings Of War” ?

Bobby “Blitz” Ellsworth (chant) : C’est toujours un petit peu nouveau pour nous. C’est évidemment sorti en février dernier et nous sommes actuellement en train de le défendre sur scène, en insérant des titres dans la setlist et en en enlevant d’autres. “Distortion” est dans le set, “Head Of A Pin”, “Last Man Standing” et également “Believe In The Fight”. Quand j’analyse le disque, cela sonne très cohérent, il possède une énergie honnête qui lui est propre. Ce n’est pas “juste un autre disque”. On sent qu’il a de la valeur. Quant à savoir où il se situe dans notre discographie fournie ? J’imagine que cela me prendra deux ou trois années avant de me prononcer. Mais le sentiment général sur cet album est très positif, parce que les nouvelles chansons s’intègrent très bien dans le set, et que le disque parait pertinent dans la discographie d’Overkill.

Depuis son arrivée, Jason Bittner (Shadows Fall) a-t-il un peu changé l’approche en ce qui concerne le processus d’écriture ?

Bobby : Jason a bien sûr été impliqué dans ce processus. Je veux dire, tu ne peux pas décemment avoir un batteur de la trempe de Jason et simplement lui dire “OK, joues de ta batterie comme ça”. Le but justement de l’avoir avec nous est basé sur son talent, et c’est l’un des meilleurs, et nous savions que forcément, l’alchimie allait un peu changer. La seule interrogation était de savoir si nous allions étreindre cette nouvelle alchimie, ou si nous allions la forcer, mais je pense que c’est venu très naturellement. Nous lui avons laissé carte blanche sur la manière dont il souhaitait interpréter les choses. D.D. (Verni, basse) avait quelques idées pour lui, et Jason les a toutes très bien gérées, avec cinq ou six prises des chansons dont on faisait les démos. Je me souviens lorsqu’il m’avait envoyé six prises différentes pour “Head Of A Pin”, avec des accents différents, en utilisant des batteries différentes, des accents de cymbales, des toms, etc. Bref, il était enthousiaste de faire partie de ce processus d’écriture, et je pense qu’il a très bien relevé le défi et a contribué par son implication à ce que cet album soit plus spécial.

Si cet album est bien évidemment très thrash, il inclue quelques surprises. “Head Of A Pin”, avec ses changements de rythmes, “Distortion”, avec son introduction plutôt douce, qui en fait presque un titre progressif. Peut-on définir cet album comme un nouveau pas en avant ?

Bobby : Tu sais ce que je pense qu’on a fait avec avec cet album ? Je ne considère jamais qu’un disque soit “la nouvelle ère” de quoi que ce soit. Mais je me suis aperçu que depuis l’arrivée de Jason, s’il est vrai que les parties de batterie sont brutales, cela nous a données plus d’espace pour injecter de la mélodie. Et lorsque j’ai commencé à entendre Dave (Linsk, guitare) injecter de nouvelles mélodies, de belles parties de guitare et des overdubs, j’ai également apporté plus de mélodies dans mes parties vocales. Du coup, le rendu est complètement différent. Cela nous a donné encore plus de motivation pour ajouter encore plus de contraste et de dynamique dans l’ensemble. Nous n’avons pas juste à peindre en noir et blanc, nous pouvons y ajouter un peu de couleurs. Cela a vraiment été la partie excitante du processus. Tout a commencé avec Jason et ses parties de batteries, et avec les mélodies et autres ajouts, c’est devenu un disque de thrash mélodique. C’est un excellent résultat pour les débuts de Jason.

Un titre vous a-t-il donné particulièrement du fil à retordre ?

Bobby : Personnellement, je dirais le refrain de “Head Of A Pin”. Le couplet m’est venu comme ça, un beau jour, et j’ai dû changer cette chanson peut-être six ou huit fois. Mais le refrain, je suivais vocalement la guitare et je détestais ça. Je me disais : “putain, ça doit être différent, ça doit voyager au-dessus du riff”. J’avais enfin trouvé peut-être trois jours avant d’enregistrer et j’étais super content du résultat parce que c’est devenu un refrain très rythmique, qui planait au-dessus du riff de guitare. Je n’ai pas chanté ce qui était exactement joué mais quelque chose d’un peu plus compliqué.


Y-a-t-il un titre du nouvel album que tu es impatient d’interpréter sur scène ?

Bobby : L’un de mes titres préférés sur ce disque est “Distortion” parce qu’il est unique. C’est ce que tu évoquais tout à l’heure. Lorsque nous avons fait cette introduction, que nous ne reproduirons probablement pas sur scène,  c’était presque majestueux. Quand D.D. et Dave l’ont terminé, ils ont déclaré que c’était le plus point le plus proche où Overkill pouvait se rapprocher de Queen ! (rires) Cela sonnait comme si cela venait de Brian May. Bref, nous aimons tellement de chansons sur cet album que nous en intégrons certaines un soir sur la setlist, et les enlevons pour en mettre d’autres le soir d’après.

Oui, on imagine bien qu’avec une telle carrière, l’exercice de la setlist est plutôt délicat.

Bobby : “Head Of A Pin” a été joué hier soir, ce soir ça sera “Distortion”. Et à mesure que la tournée avancera, nous allons ajouter “Believe In The Fight”. “Last Man Standing”, “Welcome To The Garden State” sont déjà présentes. C’est vraiment un album positif pour nous. Je rajouterai qu’il est plus amusant de jouer les nouveaux titres, je veux dire, quand j’entends “Rotten To The Core”, cela sonne comme un réveil dans ma tête, tu vois ? (rires)

Est-ce vrai que le nom de l’album vous est venu directement après avoir vu l’artwork de Travis Smith ?

Bobby : Oui clairement. On essayait plein d’autres noms avant, mais rien ne fonctionnait vraiment. On a adoré cette jaquette avec le cercle et les têtes. Je pense que c’est Dave qui a dit que cela lui faisait penser à un conseil de guerre, et dans ma tête, je me suis dit qu’on pourrait peut-être faire quelque chose avec le mot “war”. Nous n’avons jamais eu de titres comme ça, et “The Wings Of War” colle parfaitement à cet artwork. Pour moi, ça fonctionne. Ce nom est vraiment venu directement de cette œuvre.


D’ailleurs, à propos de ça, vous devriez vraiment sortir un beau livre reprenant tous les artworks du groupe. Que ce soit les jaquettes, les T-shirts, les visuels de tournées. Ce serait super de voir tout ça !

Bobby : Oui, c’est une très bonne idée. Un beau gros livre avec une belle qualité de papier.

Tout à fait. Vos jaquettes d’album ainsi que vos visuels sont toujours très beaux et efficaces.

Bobby : On a toujours pensé que, bien sûr, ce n’est pas le point le plus important. Ce n’est pas le cas. Mais nous devions le présenter comme si ça l’était. (rires) Je pense que c’est une des raisons pour laquelle les gens aiment le groupe. Et plus spécifiquement dans la scène thrash actuelle. Nous passons beaucoup de temps à peaufiner et à essayer de faire en sorte que l’ensemble soit toujours meilleur. Que ce soit la musique, la présentation, les visuels, les t-shirts, etc. Tout doit être approuvé par D.D. et moi car c’est important pour nous. Nous sommes très fiers de ce que nous faisons, dans notre passion et les gens le comprennent, et ça leur parle. Il nous parait important que les fans sachent que la manière dont on se présente, musicalement et visuellement, nous importe beaucoup.

Après toutes ces années, comment avez-vous encore autant d’énergie et de colère ?

Bobby : Je ne pense plus avoir de colère en moi. Cela m’étonne toujours, car tout cela (ndlr : leur musique, le style metal) devrait uniquement être l’affaire de jeunes, parce que c’est essentiellement basé sur la colère. Mais je pense qu’en moi, j’ai cette passion de m’améliorer, et pour ce qui est de la musique, ce que je connais, c’est la colère. (rires) Je n’ai pas un tempérament colérique, mais je connais la colère, alors c’est très facile de m’en souvenir. Mais si je peux démontrer, à mon modeste niveau, que lorsque j’ai arrêté de fumer à l’époque de “The Electric Age” (2012) ma voix a commencé à s’améliorer. J’étais là : “Putain ! J’ai cinquante-deux ans et ma voix s’améliore !” (rires) Cela n’a pas de sens mais c’était une si bonne surprise que ça m’a vraiment donné le sentiment qu’il y avait encore beaucoup de belles choses à accomplir. Si c’est le cas, cela ne m’énerve pas. Quelque part, disons que je suis reconnaissant d’avoir été capable d’arrêter de fumer, reconnaissant de savoir que je pouvais toujours améliorer ma voix. Je n’ai jamais aussi bien chanté que sur cet album, même sur les premiers albums. Toutes les putains de notes (rires) et ça fait du bien !

Un mot sur le projet avec Phil Demmel, Mike Portnoy et Mark Menghi ?

Bobby : C’est un album de reprises. Mark est l’une des raisons pourquoi j’avais fait Metal Allegiance. L’Amérique revient toujours à ses racines, son héritage. Mark est d’origine italienne, moi irlandaise. Il adore pouvoir appeler quelqu’un et lui dire : “Hey, qu’est-ce-que tu fous connard d’Irlandais ?” (rires). Bref, un jour il m’a dit : “ça te dit un album de reprises de tubes des années 70 ? On choisit dix titres, on fait venir Demmel, Portnoy et toi et moi on dirige le projet. On choisit tous deux titres chacun, et puis on votera pour les deux dernières”. J’ai répondu que c’était une putain de bonne idée. L’idée est de prendre ces chansons cultes, y ajouter plus d’énergie, des sons modernes évidemment ainsi qu’une production actuelle. Tu connais le groupe Mountain de Long Island ? Ils ont fait “Mississipi Queen” par exemple. Blue Öyster Cult, Catfish, ZZ Top, Lynyrd Skynyrd. On joue ces chansons avec je dirai une mentalité plus fraîche. C’est plutôt un travail simple, on retravaille juste les chansons, il n’y a pas de composition. Mais c’est un projet super sympa, juste pour s’amuser, pour l’été. (rires)

Et quel sera le nom du groupe ?

Bobby : On va l’appeler B.P.M.D., avec juste les initiales de tout le monde. (ndlr : B pour Blitz)

Vous avez récemment sorti le DVD “Live in Overhausen” pour célébrer les anniversaires des albums “Feel The Fire” et “Horrorscope”. Est-ce quelque chose que vous referez à l’avenir pour d’autres albums ? On imagine que cela demande beaucoup de travail, notamment pour les chansons pas ou peu jouées sur scène.

Bobby : Il ne faut jamais dire jamais, mais je suis satisfait avec le fait que cela soit ponctuel, et c’était contractuel, nous devions sortir un DVD pour Nuclear Blast. On s’est dit, on ne va pas seulement sortir un disque, mais deux. Cela n’était finalement pas si difficile de réapprendre ces chansons. Je les ai jouées par le passé et j’ai une plutôt bonne mémoire. J’ai quand même dû apprendre deux chansons de l’album “Horroscope” que l’on avait jamais joué, et peut-être une ou deux de “Feel The Fire”. Mais personnellement, ce qui m’a le plus passionné était l’aspect promotion de l’événement. Accompagnés par notre agent Dolores, que tu as rencontré tout à l’heure, on a bossé sur l’aspect visuel des billets du concert par exemple, c’était en relief et réellement un beau souvenir à ramener à la maison. On a fait du merchandising spécial pour l’événement, un backdrop spécial, on a amené autant d’amplis que l’on pouvait, on a vraiment “sur-tué” la scène avec des lumières. (rires) Et donc, je me suis vraiment amusé à planifier tout ça, d’un point de vue de promoteur, tu vois ?

Tu as toujours été quelqu’un de travailleur, et de caractère. Quel est ton avis sur notre époque complètement contrôlée par le politiquement correct, où l’on doit toujours faire attention à ce que l’on dit afin de ne “heurter” les sensibilités des personnes. Tout le monde est ultra sensible.

Bobby : Oh, si t’y prêtes vraiment attention. Je pense que les personnes qui se sentent concernées par le politiquement correct ou heurtées le sont par peur de ce qu’elles peuvent perdre. Il y a une grande liberté à dire : “je m’en fous !”. (rires) Tu ne peux pas me l’enlever, et je peux simplement te le donner. (rires) Ecoute, tu ne changes jamais vraiment. Je veux dire, je vais fêter mes soixante ans cette année, alors que je m’inquiète pour le politiquement correct serait un déni de ma personne, de ce que je suis. J’ai vécu ma vie entière dans le politiquement incorrect. (rires)

On te sait fan des films tirés d’histoires vraies plutôt que de la fantasy. As-tu aimé les biopics comme “The Dirt“, “Rocketman” ou “Bohemian Rhapsody” ?

Bobby : J’ai arrêté assez vite “Rocketman” dans l’avion la dernière fois, c’était un peu trop comédie musicale pour moi. J’ai stoppé au moment où enfant, il va au conservatoire pour apprendre le piano et puis là “clic”. (rires) J’ai bien aimé le film sur Queen, qui contient des scènes vraiment spectaculaires, notamment la reproduction du concert du Live Aid. “The Dirt” c’était plus une comédie selon moi. (rires) Tu te rappelles ces vieux films américains qui sont devenus des classiques. “The Dirt” est un peu du même acabit. C’était plus loufoque qu’informatif. Je m’intéresse beaucoup à l’histoire, les documentaires. L’un de mes producteurs/réalisateurs de documentaires est Ken Burns.

Celui qui a fait le superbe documentaire sur la guerre du Vietnam ?

Bobby : Oui, tout à fait. Il a fait le Vietnam, la guerre civile, le baseball. Beaucoup de choses basées sur l’histoire américaine, tout en montrant et expliquant le contexte, ce qu’il s’est passé avant au Vietnam par exemple, avec les Français qui y étaient avant. J’adore ces séries.

Alors tu es plus baseball que football américain ?

Bobby : Oui, je suis un grand fan de baseball. Mais le sport qui me plait le plus est le hockey sur glace. Je suis un énorme fan des New Jersey Devils. J’achète des tas de billets chaque année, selon mon planning de tournée. D’ailleurs une fois, ils cherchaient une nouvelle chanson pour le moment où un but est marqué, et j’ai proposé “Electric Rattelsnake” ! (rires) Mais ils ne l’ont pas choisi !

Quelle personne non liée au monde de la musique est une inspiration pour toi ?

Bobby : L’une des choses que j’ai toujours aimé à propos de mon père est qu’il était… il voulait simplement me voir heureux. Pareil pour ma mère. Elle était dans la musique, tu sais ? Mon père était avocat et ma mère était chanteuse. Je savais donc que ça irait (rires), si tout ce qu’ils voulaient était mon bonheur. Je me rappelle mes jeunes années. J’étais le premier enfant de ma mère et elle m’aimait énormément, mais j’étais un enfant à problème. J’apportais toujours des problèmes. J’étais toujours celui qui parlait trop. Et ma mère me disait : “attends que ton père arrive ! Quand il sera là, tout va changer !”. Et lorsqu’il arrivait, j’étais monté à l’étage, j’attendais sur mon lit, et il venait, sans avoir défait sa cravate et me disait : “Bobby, il n’y a qu’une seule règle : n’énerves pas ta maman”. (rires)

As-tu actuellement une nouvelle passion ou centre d’intérêt ?

Bobby : J’aime les voitures et les motos, ce sentiment d’aventure qu’il s’en dégage. Les historiques surtout, je possède une Chevelle SS de 1967, du genre où tu brûles les pneus sur un parking tellement elle est rapide. J’ai également une très vieille Harley-Davidson avec qui je fais probablement deux-mille miles par semaine en été, et que j’entretiens en hiver. L’huile, les tune-ups, le câblage, etc. J’adore ce genre de travaux, ça me stabilise.

Enfin, notre dernière question : nous sommes “RockUrLife”, donc qu’est-ce qui rock la life de Bobby “Blitz” d’Overkill ?

Bobby : Partir en tournée j’imagine. Jouer sur scène est ce que j’aime le plus. C’est ce qui me motive, me donne l’énergie pour continuer. Et je continuerai à le faire tant que j’y arriverais à un niveau décent. C’est devenu une partie de moi. Ce n’est pas une carrière, dans le sens où j’ai pris perpétuité à faire cela. Je continuerais à vie. C’est ce qui me donne envie de me lever le matin. Cela m’a donné tout ce qui est positif dans ma vie. Bon, et quelques points négatifs aussi. (rires) Jusqu’à ce que je ne puisse plus le faire à un haut niveau.

Site web : wreckingcrew.com