Interviews

OTEP (25/01/15)

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En marge de son premier concert français prévu le 15 mars au Divan Du Monde, la frontwoman Otep Shamaya était de passage dans la capitale en ce dimanche soir au Black Dog. L’occasion de lui poser quelques questions.
 

Salut, comment vas-tu ?

Otep Shamaya (chant) : Je vais bien.

Est-ce ta première fois à Paris ? As-tu eu le temps de visiter ?

O : Oui, c’est ma première fois. Non, je suis venue juste pour vous.

Donc tu n’as pas vu la Tour Eiffel ?

O : Non, pas encore.

Tu reviens en mars ici pour un concert. Comment s’est passée l’organisation de ce concert avec une structure indépendante ?

O : On a un nouveau tourneur qui, je pense, s’en est occupé. On essaye de venir jouer ici depuis très longtemps mais je me suis beaucoup exprimée envers le gouvernement des Etats-Unis pendant l’administration sous Bush et ils m’ont interdit de vol donc il y a certains pays dans lesquels je ne pouvais pas aller. Ca a pris deux ans pour être libérée. Donc maintenant ça va, on est excité de venir jouer ici.

Qu’est-ce que tu attends du public français ?

O : De la folie !

Nous avons vu votre dernier clip et tu as dit qu’il était inspiré de “American Horror Story” et “The Walking Dead”. Comment en as-tu eu l’idée ?

O : C’était moi et un directeur. On s’est beaucoup amusé. On l’a fait en une seule journée, on a filmé dans un hôpital abandonné et hanté.

C’était un asile non ?

O : Oui et il y a des émissions sur le paranormal qui y vont et qui mènent l’enquête et ils trouvent des choses. Quand on y était, des trucs fous nous sont arrivés. C’était un hôpital datant de la guerre et il y avaiit des cribs et des cages pour bébés qui, je suppose, avaient besoin d’aide. Il y avait juste notre équipe et on a entendu des cris au loin quand on y était, des pas derrière toi…

Du coup crois-tu au surnaturel maintenant ?

O : Tu sais quoi, je crois en quelque chose. Les étoiles sont juste des protons, si l’étoile n’existe plus la lumière est toujours là donc peut-être que c’est ce qui était là, dans cet hôpital.

Comme notre âme qui resterait quand on part ? C’est flippant !

O : Oui, ça doit être ça ! Ca a donné le ton à tous les acteurs et les gens qui sont venus travailler avec nous, des amis à moi sont venus, je pense que ça les a aidé à comprendre l’atmosphère de la vidéo. 

 

 

Il y avait cette atmosphère effrayante durant le shoot que l’on peut voir dans la vidéo alors ! Au travers des commentaires de cette vidéo, les gens étaient plus choqués par le lesbianisme que la violence…

O : C’est une des raisons pour lesquelles j’ai fait cette vidéo de cette manière, parce que je voulais que les gens voient d’une certaine manière pourquoi on était si offusqué par l’amour et non par la violence et, la plupart des gens ou une grande majorité pense encore comme cela, ils sont toujours offusqués par l’amour. L’amour gay ou pas, ils sont quand même offusqués. C’est typiquement américain ça, on ne fait qu’un avec la violence dans notre pays. Je pense qu’on garde l’amour et la sexualité comme des instincts et je voulais confronter ça aux gens.

Oui c’était vraiment génial. Donc, à l’heure à laquelle on parle, seulement dix-sept pays l’autorisent. Que penses-tu de cela ?

O : Et bien, bravo ! C’est triste, tu sais, parce que en tant qu’américaine tu sais dans notre pays il y a toujours cette idée comme quoi tout le monde est libre, mais on n’atteint jamais ça. Quand on a fondé ce pays, les pères fondateurs avaient des esclaves, les femmes n’avaient pas le droit de vote avant 1920, et on se basait sur l’idée que tous les humains sont nés égaux SAUF les femmes, les blacks, les minorités, les natives américains dont on a volé les terres… En fait, il y a toujours une dérogatoire à propos des natives américains dans notre Constitution qui les appelle “red savages”… En Amérique en ce moment il est légal dans huit Etats de virer quelqu’un qui est gay. Si tu employeur découvre que tu es gay il peut te virer juste pour ça et il a le droit légal de le faire. C’est fou. Et on n’a pas de loi nationale ou fédérale qui protège le mariage du même sexe. Donc, par exemple à New York ou en Californie c’est légal d’être marié à quelqu’un du même sexe mais si tu vas au Texas c’est illégal, même si tu es déjà marié c’est illégal là-bas, tu n’as aucun droit envers l’autre, pas d’assurance maladie, rien. Donc, on se bat toujours pour ça. Et, quand tu viens d’un pays extérieur à l’Amérique tu vois la différence. Surtout quand tu viens d’un pays comme l’Amérique qui dit se battre pour la liberté de chacun mais qui ne le fait pas, en tout cas certains ne le font pas. On a encore du mal avec cette identité. Donc, ça s’améliore, on se rapproche de cette idée, on fait de super progrès.

On pense que c’est vraiment super d’avoir des femmes inspirantes comme toi qui travaillent dans l’industrie musicale. Comment est-ce de s’imposer en tant que femme dans une industrie dominée par les hommes ?

O : Merci ! Je ne sais pas parce que je ne me vois pas comme “une femme qui fait ceci”, je ne vois pas les choses de cette manière-là. Je suis Otep, je suis un individu.

Mais j’imagine que les gens te rappellent que tu es une femme.

O : Oui, quand ils me le rappellent je leur rappelle rapidement que je fais la même chose qu’eux si ce n’est pas en mieux. Donc ce que ça veut dire est que la manière de penser et la perception du monde (de ces personnes-là) sont généralement basés sur la peur de la supériorité, ils ont besoin d’être supérieurs à quelque chose. Je n’ai jamais pensé à être en position d’avoir de l’influence. Je pensais que j’allais écrire quelques chansons, écrire de la musique, tu sais, et je suis très fière de ça, je suis prise au sérieux et c’est pourquoi c’est très important pour voir : je ne vois pas les choses de cette manière.

Que penses-tu des chanteuses qui font plus attention à leur image qu’à leur musique ?

O : C’est dommage. Je ne les considère pas comme faisant partie de la même ligue, c’est pas la même chose, ce sont comme des clowns.

Quels groupes “à chanteuse” aimes-tu ?

O : C’est une bonne question. Il y a un groupe appelé Dead Sara, ce n’est pas un groupe de metal, c’est un groupe de rock. C’est un bon groupe, vraiment talentueux. Il y a beaucoup de groupes en ce moment qui, je pense, s’en sortent bien et ne sont pas irrespectueux envers eux-mêmes, mais ceux qui le sont, tu le vois. Parfois ils ont plus d’opportunités que les autres parce que ils n’en demandent pas beaucoup, dans la musique, dans l’art, dans tout et l’industrie de la musique choisit juste ce qu’ils vont porter comme vêtements, ce qu’ils vont montrer et, tu sais, je ne sais pas. Je peux aller dans un club de strip-tease et voir ça, mais je ne veux pas. Mais ce que je veux dire c’est que je ne comprends pas cet appeal.

 

 

Parlons de “Hydra”, ton dernier album. Comment était le processus d’écriture ?

O : C’était différent des autres albums parce que j’ai créé un personnage, Hydra est un personnage. Donc j’ai été dans sa tête, j’ai écrit les chansons à partir de sa perspective mais c’était toujours mes mots. C’était très bizarre, peut-être presque comme ce que les acteurs font quand ils jouent un rôle, ils ne quittent pas leur personnage. Donc ça m’a plu, j’ai fait beaucoup de recherches sur les tueurs en série, ce qui était assez dur envers moi même. Ecouter des psychopathes parler à propos de la manière dont ils se foutent des humains. J’ai écouté beaucoup d’enregistrements et d’interviews, c’était très difficile, j’ai fait beaucoup de recherches sur ça. Et, c’était une période sombre, on a écrit l’album très rapidement, en cinq semaines et on l’a enregistré en cinq semaines. Je suis restée dans ce monde aussi longtemps que j’ai pu et j’en suis très fière.

Et pourquoi as-tu choisi le monde des tueurs en série ?

O : J’ai écrit un livre basé sur elle (Hydra), appelé “None Shall Sleep” et quand j’ai commencé à écrire les chansons j’ai remarqué que beaucoup de ce que je disais me rappelait le livre. Donc j’ai pensé que, d’une certaine manière, elle vivait et voulait exister.

C’était comme un côté démoniaque de toi-même.

O : Ouais, un peu, le côté sombre. Elle hante seulement les mauvaises personnes, tu sais. Pas comme les autres qui ont cette sorte d’audace de penser qu’ils ont le droit de faire du mal aux autres gens, donc surtout les victimes et les autres serial killers, elle hante sa propre espèce.

Je sais que tu es aussi une poète, est-ce que la poésie française t’as déjà inspiré ?

O : Baudelaire, je le dis correctement ? “Les Fleurs Du Mal”, Rimbaud… Ils ont été très instructifs. Il ne passait pas à côté de la violence présent dans notre monde et ses mauvais côtés mais essayait de ne faire qu’un avec.

Penses-tu que ton prochain album sera un album concept comme “Hydra” ?

Je pense. Beaucoup de gens m’ont demandé d’en faire un autre. On a seulement écrit deux albums concepts : “House Of Secrets” et “Hydra” donc il est probablement temps d’en faire un autre.

Tu préfères enregistrer ou être en tournée ?

Enregistrer. J’adore jouer mais être en tournée est difficile, c’était excitant au début, d’aller dans tous ces nouveaux endroits et tout. Mais après, tu sais, c’est difficile de quitter chez soi, c’est dur de laisser tes êtres chers pour une longue période. Je fais ça depuis des années, mais j’aime jouer. Si je pouvais créer un téléporteur ! Mais, enregistrer et tourner sont deux processus différents. Enregistrer est très interne. Enregistrer et écrire c’est très intime, c’est calme et tu as besoin de beaucoup d’espace personnel.

 

 

Dernière question, notre site s’appelle “RockUrLife” donc qu’est-ce qui rock ta vie ?

O : Qu’est-ce qui rock ma vie, bonne question. Je pense, tu sais, trouver les bonnes personnes dans ta vie est si rare que quand tu trouves quelqu’un qui en est une et qui est positive pour toi, ça change toi, ça change toute ta perspective. Donc je pense que c’est très important de t’entourer de bonnes personnes.

 

 

Site web : otepsaves.me