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MERZHIN (04/05/22)

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À quelques semaines de la sortie de son huitième album, Marche et (C)rêve, Merzhin était à Paris pour nous parler de son écriture, de son rapport à la tournée et sa vision pas forcément optimiste du monde.

Pourriez-vous présenter un peu Merzhin pour nos lecteurs qui ne vous connaîtraient pas ?

Jean-Christophe Colliou (batterie/percussions) : Alors nous sommes Merzhin, groupe de rock français qui a fêté ses vingt-cinq ans de carrière. On est un groupe de Bretagne, du Finistère, et on va sortir notre huitième album. On est six dans le groupe : batterie, deux guitares, basse, chant et la particularité du groupe est qu’on a un sonneur, qui joue d’instrument à vent traditionnel breton, la bombarde, plus des instruments à vent comme la trompette, etc.

Est-ce que la comparaison avec d’autres formations bretonnes comme Matmatah, Armens ou d’autres intervient régulièrement ?

Pierre Le Bourdonnec (chant) : On l’a eue, mais plus maintenant.

Jean-Christophe : On ne l’a plus trop maintenant mais c’est vrai qu’à une époque on était souvent comparés à Matmatah parce que, forcément, on a commencé à la même époque. Mais depuis un moment on n’en a plus.

Mais est-ce que justement vous pensez qu’il y a des ressemblances qui justifiaient ces comparaisons ?

Tous : Non.

Pierre : Après eux ont été connus parce que leurs premiers morceaux, enfin les morceaux qui ont cartonné, étaient d’influence celtique. Ils utilisaient la flûte donc ils se sont retrouvés un peu catalogué “rock celtique” alors que c’est quand même plutôt de la pop qu’ils font. Alors que nous, déjà à l’époque, c’était plus punk festif sur les premiers albums. Musicalement il n’y a vraiment pas trop de ressemblances. Après c’est le fait qu’’ls aient sorti leur album un an avant.

Jean-Christophe : Oui et puis on est du même coin.

Pierre : Même coin, donc c’était sûr que l’analogie était plutôt facile.

Alors comme tu disais plus tôt, cela fait vingt-cinq ans que le groupe existe. Votre huitième album sort dans deux semaines. Comment expliquez-vous cette longévité ?

Jean-Christophe : On le dit assez souvent mais Merzhin avant tout, comme beaucoup de groupes, c’est une bande de potes. Avant tout. Avant de faire de la musique c’est une histoire de copains de lycée, l’amitié est toujours là et intacte.

Pierre : Il y a un fort respect entre nous. Avant de faire de la musique on était, pour la plupart, ensemble au collège déjà. Donc il y a un fort lien, un peu comme des frères quoi, il y a un lien familial presque. Après la musique est devenue centrale par accident j’ai envie de dire parce qu’on n’avait pas vraiment prévu d’être musiciens professionnels pour tout dire. Donc c’est ce qui explique la longévité, oui. Le respect qu’il y a entre nous, l’amitié. La musique est centrale mais il n’y a pas que cela.

Jean-Christophe : Et puis oui, il y a un respect entre nous six, il n’y a pas de leadership ou quoi que ce soit.

Pierre : C’est aussi une façon de fonctionner qui est plutôt saine parce qu’on partage tout. Il n’y en a pas un qui a plus que l’autre.

Jean-Christophe : On est sur le même pied d’égalité.

Pierre : Et on bosse tous, tous ensemble aussi. Ce qui fait qu’il n’y a pas un mec qui fait tout puis les autres qui suivent. Chacun est impliqué dans la direction qu’on prend et tout le monde est inscrit dans cette démarche donc c’est plus facile, moins prise de tête.

Donc pour les prises de décisions cruciales, les choix de morceaux.

Pierre : C’est long. (rires)

Jean-Christophe : C’est tous les six. Mais parfois c’est compliqué parce qu’il suffit qu’il y en ait un qui ne soit pas d’accord, bah voilà. Mais on y arrive. Que ce soit pour les albums ou pour les setlists de tournées.

Pierre : Il y a des concessions à faire, c’est sûr.

Jean-Christophe : Certains veulent jouer un morceau, d’autres ne veulent pas, mais on arrive toujours à trouver la bonne mouture pour que tout le monde soit satisfait et qu’il y en ait aucun qui soit sur le carreau, quoi.

Au contraire, il doit y avoir quelques groupes où il y a un leader et pour le reste c’est “tu files au pas sinon tu pars”.

Pierre : Oui il y en a beaucoup.

Jean-Christophe : Oui mais voilà, on fonctionne pas comme cela, c’est peut-être pour cela que cela dure et que cela ne s’est jamais arrêté parce qu’on estime que chacun a son mot à dire.

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On a l’impression de poser cette question à chaque interview en ce moment mais cela paraît inévitable : comment avez-vous vécu ces deux dernières années ?

Jean-Christophe : Comme beaucoup de gens, au début le premier sentiment c’était la sidération, forcément. Après le deuxième sentiment pour nous c’était la frustration, parce qu’on était toujours en tournée. Du coup elle a été annulée, reportée, comme la plupart des groupes. Après, finalement, on ressort de ces deux années avec du positif. Pendant ces deux années on a composé le dernier album. En fait on s’est dit qu’on n’allait pas rester les bras croisés, à rien faire, on ne savait pas combien de temps cela allait durer cette histoire. Du coup on s’est mis en quête de finir le nouvel album et c’est ce qu’on a fait pendant ces périodes de confinement.

Pierre : Oui cela nous a servi au final.

Jean-Christophe : Voilà. Et pour la première fois en vingt-cinq ans on a pu se poser deux ans pour pouvoir faire un album, alors que d’habitude les albums c’était en six mois, toujours en tournée, etc.

Justement, il semble que vous êtes quasiment tous parents dans le groupe désormais. Alors comment vous réussissez à trouver l’équilibre entre les moments de tournée et le reste ?

Jean-Christophe : La semaine on est à la maison, on est chez nous, on est en famille, donc on gère tout ce qui est partie famille. L’équilibre se fait que, effectivement le week-end on est sur la route, mais dès qu’on peut on est chacun chez nous.

Pierre : Après on a quand même changé un peu parce qu’avant on tournait tout le temps. Sans arrêt. Là on essaie de grouper depuis quelques années maintenant, c’est-à-dire faire des plages de tournées de deux-trois mois et après de faire un break.

Jean-Christophe : On se fixe toujours des périodes où on peut vraiment rester chez nous, etc.

Pierre : Puis pour la vie de famille c’est mieux.

Jean-Christophe : On ne peut pas tourner tout le temps. Parce que c’est vrai que comme dit Pierre, à une époque on ne s’arrêtait jamais. Et à cette époque-là on n’était pas forcément parents effectivement.

Pierre : Oh si, mais c’est assez récent, je crois que c’est avec la tournée Nomades [ndlr : en soutien de leur septième album du même nom] qu’on sait faire cela. Cela fait trois-quatre ans qu’on fait cela mais avant on tournait tout le temps. Et c’est vrai que c’était plus compliqué.

Cela devait être éprouvant, non ?

Jean-Christophe : Ah oui, oui. C’est pas toujours évident.

Pierre : C’est sûr qu’il prend de l’âge aussi.

Jean-Christophe : Il faut réussir à gérer tout cela mais on y arrive !

Comment la crise a-t-elle influencé l’écriture de cet album ?

Jean-Christophe : On a pu beaucoup plus développer les morceaux. On s’est permis des morceaux beaucoup plus longs, avec des parties plus atmosphériques, ce qu’on ne faisait pas forcément avant. On s’est dit qu’on allait tester des choses qu’on avait jamais essayées avant, justement des parties comme instrumentales comme cela, en plein milieu d’un morceau, etc.

Pierre : C’est vrai que cela a permis de rentrer dans le fond des choses un peu. Souvent, tu fais une tournée et au bout de deux ans il faut sortir un autre album. Et quand tu es en tournée ce n’est pas si évident que cela de prendre beaucoup de temps pour la compo et après pour l’enregistrement. Souvent les choses vont très vite. Là on n’avait pas de date de fin de pandémie donc on s’est dit qu’on avait le temps, donc on a fait nos morceaux, on les a beaucoup travaillés. Et c’est vrai qu’on avait jamais eu l’habitude de travailler comme cela, donc on se dit que c’était une bonne chose finalement que cette pandémie soit arrivée. Pour nous hein ! Évidemment on s’en serait très bien passés. On a eu une autre façon de travailler, plus précise et plus fournie.

En 2018 vous avez signé chez Verycords pour Nomades, l’album précédent, après vous êtes auto-produit jusque-là. Vous aviez dit que cela vous avait permis d’avoir plus de créativité, de liberté, pour l’écrire. Est-ce que cela s’est encore plus développé pour ce huitième disque ?

Pierre : Ah totalement. D’autant qu’on avait le temps, justement.

Jean-Christophe : Oui, là le label nous a offert l’opportunité d’aller dans un super studio à Bruxelles, l’ICP, en totale liberté, pendant quinze jours, dans un studio où c’est… (rires) Comment dire ? Je ne trouve pas le mot.

Pierre : Parc d’attractions pour musiciens.

Jean-Christophe : C’est cela voilà, exactement. Merci Pierre. Et donc oui, c’est un studio de fou, du matériel partout, tout ce que tu veux, tout ce que tu demandes tu as. Donc voilà, la liberté était là parce qu’effectivement on a pu faire l’album qu’on voulait.

Pierre : Cela nous a donné les moyens de faire des trucs qu’on n’aurait pas pu financer nous-même, déjà. Et aussi, avant on gérait notre propre label, cela veut dire qu’on produisait nos albums. On faisait tout quoi. Et la gestion d’un label c’est aussi tout ce qui est à côté, l’administratif et tout. Ce qu’on n’a plus à faire. Cela nous libère beaucoup de temps pour faire que de la musique. Parce qu’être musiciens il y a beaucoup d’aspects. Les gens se rendent pas compte qu’il n’y a pas que la musique à faire quoi. Quand tu t’autogères c’est vraiment un boulot à part entière. Tu fais plusieurs boulots en même temps et le fait d’être sur un label tu n’as plus cela à faire.

Et non seulement vous avez pu enregistré l’album dans un studio mythique, vous avez également travaillé avec un producteur au beau palmarès.

Jean-Christophe : Ah lui, Drew Bang [ndlr : qui a notamment travaillé avec Royal Blood et U2], il a effectivement un beau C.V. c’est clair, et justement c’est pour cela qu’il a été choisi, parce qu’on voulait avoir un son bien précis sur cet album. Un son lourd, bien dense. Du coup c’était la bonne personne pour cela, parce que c’est quelqu’un qui maîtrise totalement la prise de son, le choix des micros, il est spécialisé là-dedans. Il a apporté sa patte sur les morceaux et surtout sur le son et les choix de mixes, etc. où il nous a aidés aussi.

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En parlant de son lourd et dense, on sent que cet album est plus abrasif que les précédents. Cela reflète-il de votre vision du monde ?

Pierre : En fait tout est dans le titre. (rires) C’est clair. De toute façon, tu peux prendre les trois ou quatre derniers albums, c’est quasiment les mêmes thématiques. Mais en se posant la question : marche et crève ou marche et rêve ? C’est à chacun de voir où on se situe dans ce qui est écrit. Alors effectivement il y a beaucoup de morceaux qui parlent de dystopie, d’effondrement, mais il y a aussi d’autres morceaux qui parlent de choses plus positives. C’est essayer de trouver un juste milieu là-dedans.

Mais nous, vu que la musique a pris une place centrale dans nos vies, on estime aussi que, en s’exprimant à travers la musique, on est un peu citoyens en fait. C’est comme cela qu’on fait passer nos idées. On pose des constats sur ce qui se passe et après on voit comment les gens vont réagir. Mais effectivement parfois les directions ne sont pas bonnes on va dire, et nous on a pas les solutions mais voilà, on pose un regard sur ce qui se passe et après il faut que les solutions arrivent. Mais ce n’est pas à nous de les donner.

Est-ce que vous avez dû choisir d’écarter certains morceaux, certaines thématiques lors de la conception de cet album ?

Pierre : Oui, il y a des morceaux qu’on a écartés, oui.

Jean-Christophe : Oui, parce qu’il faut trouver une ligne directrice sur un album et c’est vrai qu’on a pas abordé certains thèmes pour cette raison.

Pierre : Il y avait un morceau, justement, l’un des premiers, qui était beaucoup plus politique en fin de compte. Il y a des morceaux très polarisés, dont on comprend très bien le sens, ce que cela veut dire, c’est assez brut. Mais c’est toujours un mélange entre cela et un univers politique dans les textes. Et musicalement c’est pareil, on a essayé de développer quelque chose de plus atmosphérique, qui reste brutal par moments mais qui a aussi des passages plus aériens. C’est vraiment la thématique centrale pour cet album.

On le ressent très bien sur le single “Je Veux”, en particulier. On se rapproche même du post rock.

Jean-Christophe : Oui c’est carrément cela !

Pierre : Cela vient de notre guitariste aussi, Baptiste [Moalic], qui est très fan de ce genre musical et a apporté beaucoup d’influences comme cela.

Le riff au début du morceau a un côté très gras, qui rappelle des groupes des années 80 mais aussi des groupes plus récents comme Bandit Bandit ou d’autres.

Pierre : Oui, c’est exactement cela.

Jean-Christophe : Dans le délire c’est cela. Et là on s’est dit qu’on ne se donnait pas de limites quoi, qu’on laissait exprimer vraiment tout ce qu’on avait envie. Et c’est vrai que peut-être toute la colère, la frustration qu’on a vécu dans ces deux ans se retrouve aussi dans certaines compos. Dans certains riffs de guitare, comme dans “Je Veux” par exemple, qui sont assez agressifs.

Mais malgré cette noirceur et cette agressivité on retrouve quand même quelques éclats de lumière en fin d’album. On imagine que c’est voulu comme une ouverture optimiste ?

Jean-Christophe : Oui. Bien sûr.

Pierre : Oui complètement.

Jean-Christophe : Oui parce qu’on a quand même encore foi en l’Homme et en l’humanité. (rires) On ne va pas que tout noircir. On a toujours ce côté-là. C’est pour cela que l’album, tu peux le dire “Marche et crève” ou “Marche et rêve“. On n’est pas complètement dans la tristitude (sic) et la noirceur, loin de là. Il y a quand même des côtés où on se dit qu’il y a encore des belles choses à venir et qu’on peut se donner les moyens pour essayer d’améliorer les choses. Donc oui, il y a du positif, bien sûr. C’est vrai que la fin de l’album s’ouvre sur ce genre de morceaux plus ouverts, plus lunaires.

Pierre : On a un juste milieu en fin de compte. Et c’est plutôt la réalité, d’ailleurs. Tout n’est pas noir ou blanc.

On commence à voir le bout du tunnel de cette crise.

Jean-Christophe : Oui c’est cela. Il n’y a pas que du mauvais. Après on vit quand même des choses particulières avec la guerre en Ukraine qui vient de débouler tout juste après cela.

Pierre : Il nous reste trois ans aussi. [ndlr : en rapport avec le dernier rapport du GIEC sur l’urgence climatique] (rires)

Jean-Christophe : Il n’y a pas que des choses positives non plus. Ce n’est pas évident. Mais on se dit qu’il faut quand même garder espoir sur certaines choses. On verra bien.

Maintenant que tout cela est dit, vous vous pensez plutôt optimistes ou pessimistes sur l’avenir ?

Pierre : Il y a les deux. Je suis plutôt pessimiste mais comme on est pères de famille on ne peut pas se résigner à être grise-mine. C’est aussi pour cela qu’on écrit tout cela, c’est parce qu’à un moment on aimerait bien que ce soit écouté, qu’il se passe des choses. Nous on n’a pas les solutions, on n’a pas les manettes, on n’est pas des hommes politiques.

Jean-Christophe : Moi je suis un éternel optimiste donc j’y crois mais…

Pierre : Oui, je suis plutôt optimiste aussi naturellement mais il faut avouer que la situation ne donne pas non plus de quoi l’être. On espère qu’il y aura des changements amorcés mais…

Jean-Christophe : Il le faut de toute façon.

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En écoutant l’album, on remarque que les instruments à vent ont l’air un peu plus en retrait que sur les premiers albums. C’est peut-être dû à cette noirceur et agressivité donc vous parliez, justement, alors que l’ambiance des premiers disques était plus festive. Est-ce quelque chose que vous avez senti aussi ?

Pierre : Tu as raison.

Jean-Christophe : Tout à fait oui. Au début, Ludo [Berrou, sonneur du groupe] avait vraiment une place centrale sur les albums parce qu’il faisait des mélodies purement bretonnes et celtiques. Et au fur et à mesure il a développé d’autres instruments. Il a notamment travaillé la trompette, le saxophone et la clarinette. Et maintenant il ne fait plus beaucoup de mélodies bretonnes mais par contre il utilise les instruments pour apporter autre chose. Notamment la bombarde, c’est limite des solos de guitare avec la façon dont il fait choses.

Du coup, effectivement, il y a des moments où il n’a pas forcément besoin de jouer parce que le reste est déjà assez dense. C’est pour cela qu’on a développé les morceaux, pour lui laisser de la place sur certains passages. Et effectivement il ne joue pas tout le temps, et pareil en live. C’est vrai qu’il y a des moments où il ne joue pas forcément mais c’est une évolution naturelle qu’on a depuis plusieurs albums.

Pierre : C’est une autre approche. C’est utiliser différemment les instruments qu’on utilisait avant pour ce qu’ils sont. Il les utilisait comme s’il jouait dans un bagad, un peu. Il a décidé d’amener les instruments ailleurs, d’avoir d’autres mélodies, de les penser différemment.

Jean-Christophe : En fait le but de ses interventions c’est que cela apporte quelque chose. Qu’à chaque fois qu’il joue cela apporte un petit truc en plus et ce qui fait la patte de Merzhin. Quand il intervient, il faut qu’il y ait un sens. Si c’est pour jouer pendant tout le morceau, il n’a pas forcément besoin. Il y a des morceaux avec de gros gros riffs de guitare qui se suffisent à eux-mêmes. Et là Pierre a justement laissé pas mal de parties instrumentales pour Ludo, etc. On a vraiment composé différemment les morceaux pour que chacun trouve sa place.

Pour rester un peu sur les influences bretonnes, qui sont moins présentes sur les récents albums, est-ce que vous pensez que vous y retourneriez à l’avenir ?

Pierre : À jouer typiquement des mélodies inspirées de thèmes bretons ? Celapeut. Par exemple sur l’intro de “Messiah”, c’est quand même inspiré de ce genre de thèmes bretons. Après il faut que la musique s’y prête, aussi. C’est vrai que cela s’y prêtait beaucoup plus quand on faisait du punk festif avec des paroles plus légères. C’était beaucoup plus festif, beaucoup plus de reels irlandais [ndlr : une danse traditionnelle d’Irlande et d’Écosse], de choses comme cela. Là je pense que des trucs comme cela on n’en fera plus.

Jean-Christophe : Non. Après on ne se ferme pas nos portes. On ne sait jamais. Si le désir revient de faire un album très positif, pourquoi pas ? Mais on ne sait pas. On ne se donne pas de limites.

On imagine que certaines de ces anciennes chansons festives doivent se retrouver dans les setlists ?

Jean-Christophe : Quasiment plus. Il y a beaucoup d’anciens morceaux qu’on ne joue plus parce qu’on essaye d’avoir une cohérence sur scène. À un moment on faisait encore les deux et on s’est rendus compte que cela ne marchait plus.

Pierre : C’était complètement incohérent en fait.

Jean-Christophe : C’était bizarre d’avoir une chanson en plein milieu de set qui faisait “hahaha” [mime une danse], avec un texte comme celui des “Nains De jardins” (chanson de leur premier album, Pleine lune). Tu parles avant d’un truc sur l’humain, la décadence ou je ne sais quoi et après tu parles des nains de jardins. Ce n’est plus logique.

Pierre : On voulait retrouver une cohérence dans le discours, dans ce qu’on dit.

Et alors justement, vous avez hâte de présenter cet album et ce discours sur scène, surtout après deux ans de pause forcée ?

Jean-Christophe : Ah carrément.

Pierre : Ah oui oui, on a vraiment hâte.

Jean-Christophe : C’est frustrant et bien sûr on a hâte. On est à fond dessus, en train de bosser les nouveaux shows là. Donc on a hâte de pouvoir montrer cela. On attaque dans quinze jours et cela va être mortel.

Pierre : On a hâte de retrouver les conditions qu’il y avait avant en fait.

Jean-Christophe : C’est cela. On a fait un concert en mars justement sur Rennes et c’était dans les anciennes conditions. En fait c’était la fin de la tournée d’avant [ndlr : qu’ils avaient dû arrêter avec le confinement]. Voilà. Magnifique. Et cela fait du bien quoi, voir les gens non masqués, debout, sourire, danser, chanter, cela fait du bien. Pour tout le monde : pour nous, pour eux. Donc là effectivement on a bien hâte de pouvoir défendre cet album sur scène.

Pierre : En espérant qu’il ne se passe rien d’autre quoi. Toujours un peu peur qu’il se passe un truc.

En parlant de concert, on a pu lire que vous en aviez organisé un en soutien aux migrants. Comment cela s’est fait ? Etait-ce un événement ponctuel ou quelque chose que vous faites régulièrement ?

Pierre : Non c’est arrivé une fois. Par contre, pour le clip de “Nomades” [ndlr : titre éponyme de leur album de 2018] on a fait venir des migrants pour qu’ils soient dedans. Des réfugiés. On a bossé avec une association avec laquelle on fait un concert et ils ont fait venir personnes qui s’occupent des réfugiés pour venir tourner dans le clip justement. Cela donnait encore plus de poids. Ce sont des actions comme cela.

Jean-Christophe : Et là on l’a fait il y a quelques temps pour l’Ukraine aussi. On a fait un concert. Pour lever des fonds aussi.

Donc vous le referiez volontiers ?

Jean-Christophe : Ah bien sûr. Dès qu’on peut, si on nous le demande, on le fait. Parce qu’on pense ce que l’on dit dans nos chansons. Donc si on peut le faire on y va.

Vous joignez l’acte à la parole.

Pierre : Exactement.

Jean-Christophe : C’est vrai qu’on a des demandes et quand on peut le faire, on ne peut pas forcément tout faire, mais quand on peut le faire on le fait.

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Parlons un peu de la pochette de l’album. Comment est-elle née ? Quelle est l’idée derrière ?

Pierre : À la base, comme on avait bien l’ossature de l’album, on a commencé à regarder sur Internet des artistes ou des graphistes qui traitaient vachement de mondes dystopiques et voir un peu ce qui se faisait. Et en fouillant on a trouvé Seb Fontana, qui a un univers. Je t’invite à aller voir. Il a une page.

Jean-Christophe : MySpace. Euh MySpace, non (rires). MySpace qui ressort ! (rires) Je ne sais pas pourquoi j’ai pensé cela. (rires)

Pierre : Une page Instagram. Et donc c’est une œuvre qui existe déjà, qu’il a modifiée pour nous après. Et c’est l’idée que le casque sur la pochette c’est le carcan et qu’il explose. Enfin, son carcan explose. C’est l’idée que l’on est dominés par les médias, le téléphone dont on ne peut plus se passer, etc. Il y a plein de choses dans notre société qui créent un carcan et l’idée c’est de sortir de cela. Donc c’était son idée principale, que le casque c’est le contrôle de la société sur la création, sur l’univers créatif, sur l’humain et l’humanisme.

Cela rejoint aussi notre univers, ce qu’on dit. J’aimais vraiment le message qu’il faisait passer. En plus c’est quelqu’un qui avait envie de bosser avec des musiciens, qui ne l’avait jamais fait avant. Il ne bosse que pour des entreprises et il fait cela après pour son travail personnel. Donc c’était la première fois qu’il mettait les pieds dans la musique et cela trouve un écho avec son travail qu’il fait à côté.


Justement sur la pochette, oui on voit une bulle éclater, mais la personne conserve toujours son casque.

Pierre : Oui, elle a toujours le casque. Après, je ne sais pas si tu as vu notre clip pour “Je Veux” mais on reprend l’image. C’est une petite fille qui remplace la femme et elle a un casque puis elle finit par l’enlever.

Jean-Christophe : Oui c’est toute une symbolique. Une double lecture.

Est-ce un fil rouge que l’on pourrait retrouver dans les prochains clips aussi ?

Pierre : On n’avait pas pensé à cela mais on trouvait déjà bien de sortir le clip et que cela rappelle la pochette de l’album. Mais oui, pourquoi pas. On n’a pas encore décidé quel morceau on allait cliper la prochaine fois.


Dernière question pour finir : nous sommes RockUrLife donc : qu’est-ce qui rock vos life ?

Pierre : Toi c’est Dave Grohl. (rires) Ma fille je dirais. La musique forcément.

Jean-Christophe : Qu’est-ce qui rock ma life ? Je ne sais pas. La vie en général. Pour moi la vie c’est rock. J’ai toujours été dans la culture rock. Tout est rock. (rires)

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Site web : merzhin.bzh