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LIGHTS (07/02/15)

Tous ceux la connaissant ont la même réaction lorsqu’on l’évoque : il est vrai qu’au premier abord, la qualité plastique de Lights est souvent bien plus mise en avant que sa qualité artistique. Evidemment, la réduire à son physique serait scandaleux. Mais la Canadienne use de son charme à merveille. A peine attablés dans le restaurant de La Maroquinerie, tous deux accompagnés par du vin blanc, Valerie, de son vrai prénom me complimente sur le manteau que je porte actuellement. Cependant, la démarche est sincère. Tout au long de notre conversation, Lights me retournera certaines de mes questions, donnant le sentiment qu’un véritable échange a lieu plutôt qu’une interview purement promotionnelle.

C’est que la Canadienne n’est pas entièrement bouffée par le star system. Evidemment, elle a la chance de pouvoir partir en tournée avec son Beau Bokan de mari et leur petit fille, âgée de 51 semaines au moment de l’entretien. Un privilège qu’elle revendique et conseille : “Toutes les artistes ne sont pas exemptes de devenir mère. Je dirais même que je le conseille fortement. Cela apporte une sérénité et un recul qui m’ont vraiment été bénéfiques. Je suis mal à l’aise avec l’idée de “devenir mère” car ça exclue tout ce que je peux être d’autre. Certes, j’aime ma petite fille plus que tout mais je suis toujours une artiste, je continue d’écrire des chansons, de les enregistrer et de me produire dans des tournées mondiales. Devenir mère ne devrait pas empêcher certaines de continuer tout ça.” Le message est clair et fait état d’une certaine maturité. Cette maturité, Lights l’a acquise notamment au cours de ces trois dernières années. Après son deuxième album “Siberia” qui a tout cassé sur son passage, la chanteuse s’est retrouvée devant la fameuse page blanche : “J’ai appris plus tard que la page blanche n’était pas un problème de talent, mais juste un problème de vision.” S’en suit un blackout artistique qui explique pourquoi la chanteuse a mis tant de temps à revenir sur le devant de la scène “Tout ce que j’écoutais ne m’inspirait pas. Je n’aimais pas les chansons que je composais et musicalement, je me sentais usée. J’ai donc arrêté de faire des chansons.” Lights n’en lâche pas les pratiques artistiques pour autant, mais elle délaisse la musique. Comme pour ouvrir ses horizons. “J’ai repris le dessin et la peinture. Je me forçais à traduire ce que j’avais sur le coeur à travers ce travail bien plus plastique qu’à l’accoutumée. Quant à l’écriture, je me forçais à écrire un poème tous les soirs.” La forme libre des poèmes a permis à Lights de laisser ses démons en chemin et de reprendre goût à vivre la vie simplement. “Je n’aimais plus faire de la musique. Or, il n’a jamais été question pour moi de faire autre chose. Ce break m’a permis d’aimer de nouveau le processus artistique autour de la musique, mais avec une approche bien plus simple et beaucoup plus positive.”

 

 

De ces poèmes nait “Portal”, chanson d’ouverture de ce “Little Machines” et seule chanson sombre de l’album : “En retombant sur un de mes poèmes qui parlait de toute la frustration que j’ai pu ressentir à un moment, j’ai voulu essayer de le déclamer sur une seule note. J’ai pris ma guitare, trouvé l’accord le plus sombre que j’ai pu jouer et je me suis mise à chanter ce qu’est devenue “Portal”. Il faut savoir que j’ai présenté la maquette de cette chanson à mon producteur avec un rythme que je tapotais sur le ventre de Rocket pendant que je l’allaitais.” Le verdict tombe, cette chanson sera la porte d’entrée de cet album. Une décision qui étonne Lights mais qui lui donne confiance en son travail. C’est d’ailleurs la seule incursion de son enfant dans ce disque “J’ai essayé d’écrire sur le bonheur que j’ai ressenti en devenant sa mère mais tout ça sonnait terriblement cheesy.” Je lui suggère de consacrer un featuring à sa fille sur son prochain album, à la manière d’un Kanye West et nous voici parti pour discuter du dernier album de Yeezy pendant cinq bonnes minutes. Déstabilisant.

 

 

Son tour manager se rapprochant de la table, j’hésite entre la kidnapper à jamais à Beau Bokan, qui joue plus loin avec la très mignonne Rocket, ou recentrer le propos sur ce “Running With The Boys “qui mériterait que la Terre entière danse dessus. Le compliment la fait rougir (1-1) et elle m’explique alors à quel point cette chanson la rend nostalgique. Comme on pouvait s’y attendre avec cette Canadienne, son enfance elle la passe dans un milieu masculin, composé de groupes de metal, de marginaux en tout genre mais sans filles. Plutôt que de décréter un problème identitaire, Lights se dit juste que la vie peut se prendre dans un sens ou dans un autre. “Running With The Boys” lui permet d’évaluer le temps passé depuis ses débuts. Ses débuts comme un symbole d’une nouvelle génération de filles très masculines sur certains points, mais gardant une féminité qui provoque les fantasmes les plus fous chez les garçons comme chez les filles. La petite amie idéale me fait part que l’idée du clip uniquement avec des filles vient d’elle : “Comme je te l’ai dit, quand j’étais plus jeune je ne traînais qu’avec des garçons. Après mon break, je me suis trouvée dans une situation où je voulais bousculer mes habitudes et c’est très naturellement que mon cercle d’amis s’est considérablement féminisé et, aujourd’hui, mes meilleures amies sont des filles. Ce sont elles d’ailleurs qui jouent dans le clip car j’avais envie que “Running With The Boys” soit un message universel. Peu importe l’enfance que l’on ait eu, heureuse comme la mienne ou pas, il arrive toujours un moment où l’on trouve le bon cercle. Pour moi c’est d’avoir enfin inclue des filles dans mon entourage, ce qui n’était pas gagné à une époque.”

 

 

Comme le veut la tradition, je termine l’interview en lui demandant ce qui rock sa vie actuellement : “Cet excellent verre de vin blanc, toi et le concert de ce soir !”.

 

 

Qui a parlé de séduction ?

Site web : iamlights.com

Nathan Le Solliec
LE MONDE OU RIEN