InterviewsSlideshow

JJ WILDE (16/09/20)

English version

Elle commençait tout juste à cartonner dans les charts canadiens avec son single “The Rush” lorsqu’une crise sanitaire mondiale a décidé de pointer le bout de son nez. Mais JJ Wilde est de retour pour la promotion de son premier album, “Ruthless”!

Comment ça va JJ ?

JJ Wilde : Je vais super bien ! Et toi ?

Bien merci !

Ruthless“, ton premier album, est sorti dans un contexte complètement fou. Dans quel état d’esprit es-tu étant donné ton succès grandissant actuel sans possibilité de pouvoir mener une tournée de lancement “normale” ?

JJ : Je suis évidemment très reconnaissante du succès que je suis en train d’avoir mais c’est effectivement une période très étrange. Normalement tu fais des concerts juste après la sortie, c’est ce que je m’imaginais faire : une fois que ta chanson passe à la radio, tu fais des concerts où il y a de plus en plus de monde et tu peux prendre conscience de l’ampleur de ce que tu es en train de construire. Donc c’est bizarre au sens où je ne peux pas voir tout cela, mais c’est pas parce que je ne peux pas le voir que cela n’est pas là. Je m’en rends compte par d’autres moyens. Je pense que les réseaux sociaux sont un excellent moyen de connecter les gens quand tu ne peux pas faire de concerts, donc j’ai commencé les lives stream. Ce n’est pas la même chose que les concerts mais c’est tout ce que je peux faire. Mais c’était fun, je voyais les chiffres d’audience grimper, de plus en plus de personnes regardaient et m’envoyaient leurs retours par messages, donc c’était malgré tout positif. J’ai aussi l’impression que les gens ont plus que jamais besoin de musique en ce moment. C’est une période où ils écoutent et consomment plus d’art parce qu’ils sont moins occupés par le quotidien habituel comme leur carrière, le boulot et tout cela. J’espère qu’une fois l’épidémie derrière nous, les gens seront tellement surexcités à l’idée d’aller en concert que l’atmosphère sera explosive !

On suppose que ton album est devenu numéro un des charts canadiens pendant une période de confinement partiel, c’est cela ? Comment est-ce que tu parviens à construire une relation avec ton tout nouveau public dans ce contexte ?

JJ : Les réseaux sociaux ont été un véritable tournant pour moi. J’ai commencé les live streams tous les soirs, ça s’appelait “Coffee & A Cover”, c’était au tout début de l’épidémie. Cela a été un moyen d’apporter un peu de normalité dans la vie des gens, c’est-à-dire en les rassemblant. Puis les retours ont été plutôt bons. Les gens avaient un rendez-vous qu’ils attendaient, c’était comme une petite émission. J’ai progressivement reçu de plus en plus de messages comme “Salut, j’ai entendu ta chanson à la radio” et c’était encourageant de voir qu’ils écoutaient la chanson et l’appréciaient assez pour venir m’en parler !

On ne connait pas grand-chose à ton sujet ici en France mais on a l’occasion d’apprendre à te connaître à travers les paroles de quelques-unes des chansons de “Ruthless”, comme “Wired” par exemple. Qu’est-ce qui est “impitoyable” (traduction de “Ruthless”), est-ce que c’est toi, est-ce que cela a été la vie durant une certaine période de ta vie ? Peux-tu nous en dire un peu plus sur la manière dont tu es parvenue à te faire une place dans la musique ?

JJ : Ce titre résume bien les deux années qui ont réellement inspiré cet album. Cela a été une période vraiment sombre de ma vie, j’étais malheureuse, j’avais trois boulots à temps partiel en faisant de la musique à côté et c’était éreintant. J’ai vécu différentes expériences avec la musique, je pensais que j’avais une chance et finalement non. Énormément de choses sont arrivées durant ce laps de temps et c’était brutal, la vie me mettait tellement de batons dans les roues. Cela a été compliqué de continuer à une période et c’est ce dont parle le titre.

Comme dit précédemment, “Ruthless” est un album très personnel. A quel point as-tu été libre de le façonner à ta manière ? As-tu écrit toutes les paroles toi-même et avait déjà les mélodies en tête depuis un moment ou bien as-tu eu des directives de Black Box à suivre puisque c’est ton premier album ?

JJ : J’ai eu beaucoup de chance d’avoir l’équipe que j’ai eu. Ils ont écouté mes chansons, je suis arrivée avec une collection de cinq-cent notes vocales, des parties de chansons, des chansons complètes. Je pense que mon manager (qui est aussi à la tête du label) s’est dit : “OK, elle a des choses à dire”, et il a été intéressé d’entendre mon histoire. Mais on s’est tout de même posés ensemble en se disant : “Qu’est-ce qu’on va raconter” et ce n’était jamais : “Voilà ce que tu dois dire ou ce à quoi tu dois ressembler”. Cela fait partie de notre relation de travail, et de se rendre compte que si tu essaies de me dire quoi faire, tout cela n’aurait pas pu arriver ! C’était toujours des suggestions que je pouvais librement ne pas prendre en compte. J’étais très libre et je me sens très chanceuse parce que je connais beaucoup d’artistes qui n’ont pas la même liberté de mettre tout leur cœur dans ce qu’ils produisent, mais c’est ce que j’ai eu la chance d’avoir et ça c’est génial.

On a l’impression que tu as des inspirations rock assez variées. “Home” est assez blues alors que “Trouble” est un titre rock très sombre et puissant. Etait-ce important pour toi d’offrir plusieurs dimensions rock à cet album ?

JJ : C’est intéressant parce que l’un de mes styles musicaux préférés est en fait la folk. J’adore le rock mais je préfère raconter des histoires et la folk offre de magnifiques paroles qui se basent sur des histoires. Ce n’était pas vraiment intentionnel de basculer comme cela dans la sphère rock mais c’est venu en écrivant, j’ai adoré l’écrire, c’était vraiment stimulant et j’adore l’instrumentation, cela me procure le sentiment d’être en vie donc on a juste continué en ce sens mais on n’avait pas particulièrement l’intention de partir là-dessus dès le début. C’était plutôt : “On sort les paroles puis on y met la guitare et on construira les choses à partir de cela” puis mon producteur et moi on a construit les choses étape par étape ensemble. Cela a été un travail collaboratif. Cela a véritablement été un effort collectif spontané mais c’était surtout plutôt des morceaux assemblés ensemble qui ont fait naître les chansons telles qu’elles sont.

Si tu pouvais chanter un duo avec l’artiste de ton choix sur ton prochain album, lequel serait-il ?

JJ : Au niveau des paroles, j’ai toujours idolâtré Bob Dylan pour sa manière de raconter des histoires et pour son travail à la guitare, donc ce serait incroyable. L’un de mes groupes préférés est Kings Of Leon, j’ai toujours rêvé de partir en tournée avec eux ou de faire leur première partie ou n’importe quoi, c’est aussi l’un de mes objectifs. Ensuite en tant que qu’artiste féminine que j’aime beaucoup il y a Elle King. J’adore ses chansons, elle est géniale, c’est une femme forte, elle a des choses à dire et j’adore aussi ses styles de musique : il y a du rock, du blues, de la soul. Donc ces trois-là, mais je pourrais continuer, il y en a tellement !

De quelle chanson de l’album es-tu la plus fière et pourquoi ?

JJ : Question intéressante. Il y a des préférées pour différentes raisons je suppose. Donc ma préférée par-dessus toutes est “Feelings”, la dernière chanson de l’album. C’était durant l’une des dernières journées d’enregistrement à L.A. avec mon producteur et on était arrivé à un point où l’on se disait : “Amusons-nous un peu”.

C’était une journée où il n’y avait aucune attente de sonorités spécifiques à la guitare ou même d’attente de quoi que ce soit, c’était juste une note vocale que j’avais écrite après une période de deux semaines où je suis restée dans ma maison juste avant le confinement, je ne suis pas sortie et je voulais juste écrire.

J’ai alors presque touché du doigt le sentiment de folie, j’ai littéralement eu l’impression de devenir folle, j’étais transportée par des vagues d’émotions hyper inspirantes mais qui me faisaient penser que tout ce que j’écrivais étaient de la merde. Je me souviens que j’étais assise, je grattais ma guitare, je regardais dans le vide en murmurant ces mots, et je me souviens que mon producteur m’a sorti : “Ça parle de quoi ?!”.

C’est une chanson qui nous rapproche de la folie et qui la dépeint. On s’est tellement amusés parce que c’est une journée où l’on a utilisé beaucoup de sonorités à la place des instruments, des bruits de récipients et de casseroles, on a réussi à en sortir une chanson très créative et cela a définitivement été mon processus de création préféré. C’est aussi arrivé tout à la fin donc il n’y avait pas de pression. On se disait : “On utilisera peut-être la chanson, peut-être pas, on verra !”

“Funeral For A Lover” a sûrement aussi été l’une des chansons les plus difficiles à écrire, à chanter, à sortir. Je me sentais vulnérable, c’était difficile à extérioriser. Donc c’est une chanson dont je suis fière d’avoir accouché et des retours que j’ai pu en recevoir en libérant la parole au sujet de la santé mentale. Il y a des gens qui venaient vers moi après l’avoir écoutée et me disaient : “Je suis aussi passé par ce que tu racontes, merci pour ce que tu dis parce que je ne me suis jamais senti à l’aise pour aborder le sujet”. Pour moi, être capable d’accomplir quelque chose qui donne de l’espoir aux gens, c’est quelque chose dont je suis fière.

Ce qui est bien c’est que tu as anticipé notre prochaine question avec ta réponse ! C’est effectivement intéressant que “Feelings” ait été choisi comme dernier titre de l’album, puisque c’est une chanson assez sombre, lente, mélancolique, avec une outro à la toute fin.

JJ : Oui, ça c’est totalement fait exprès ! Je savais que c’était la fin de l’album et c’est comme si tout ce que j’avais voulu pour l’album se trouvait dans cette chanson. Je suis fan des outros secrètes. Il y a un album de Damien Rice que j’écoutais quand j’étais plus jeune, qui s’appelait “O  je crois. Quand tu écoutais la dernière chanson du CD (maintenant c’est plus possible avec Spotify donc j’espère que les gens vont aussi écouter “Ruthless” sur CD), tu devais attendre un bon moment, une minute trente ou quelque chose comme cela puis commençait une nouvelle chanson et moi je me disais : “Une chanson secrète !” et j’étais tellement excitée que je me suis dit que je devais absolument le faire au moins une fois !

On ressent beaucoup d’énergie dans “Ruthless” et on ne sait pas trop si c’est de la rage, de la détermination ou quelque chose d’autre qui t’anime, à travers des chansons explosives comme “Knees”, “The Rush” ou “Trouble” ?

JJ : Je pense qu’il y a vraiment des ondes négatives et positives. Du fait que j’ai écrit durant une certaine période, il y avait beaucoup d’expériences différentes et d’émotions et on peut dire qu’une partie provient de ces deux mauvaises années. Donc il y a beaucoup de désespoir, de la colère, de la rage, de la frustration et puis il y a quelques chansons à mon sujet prenant conscience de mes habitudes autodestructrices et essayant de les corriger, donc il y a aussi des parcelles d’espoir là-dedans. Je pense qu’il y a une grande variété d’émotions parce que je suis quelqu’un d’émotif ! Je peux passer du rire aux larmes et je ne cache pas mes émotions, n’importe quelle personne de mon entourage peut deviner immédiatement en me regardant si quelque chose ne va pas.

Ton dernier titre “Best Boy” est sorti il y a quelques semaines et envoie un message très puissant aux femmes. Comme tu le dis toi-même et puisque le milieu de la musique est dans l’ensemble assez masculin, comment tu t’y es sentie à tes débuts et comment y as-tu trouvé ta place ?

JJ : Pour moi, le sujet de cette chanson est d’inverser la tendance et les préjugés de ce que les hommes et les femmes sont autorisés à faire, la manière dont ils sont jugés lorsqu’ils abordent des sujets similaires. C’est vraiment une question d’émancipation, de libre expression, d’être qui tu veux être, en être fier et ne pas avoir peur des critiques. C’est inspiré directement de mon expérience. Dans la vie en tant que femme, même pas uniquement dans le secteur de la musique, on doit faire face à des tonnes de stéréotypes injustes, au sexisme, surtout dans les métiers du service et dans les bars. Particulièrement dans l’industrie musicale aussi, je ne dirais pas qu’il y a un manque de respect parce que c’est quand même bien mieux mais il y règne toujours cette espèce de mentalité de club masculin et tu peux le voir en production, en tournée, partout. Je suis peut-être optimiste mais je pense que c’est en train de changer, même si c’est toujours présent. Même en tant qu’artiste et femme, j’avais peur de dire ces choses-là au début : Est-ce que je serai prise au sérieux ? Est-ce qu’ils vont décrédibiliser mes propos ? Est-ce que je m’hypersexualise ?

Et même avec le clip : le jour juste avant le tournage, j’avais vraiment hâte mais j’étais nerveuse et je pensais : “Peut-être que c’est une mauvaise idée pour ma carrière” puis j’ai réalisé : “Attends, voilà pourquoi je suis en train de le faire, parce que je ne suis pas censée penser cela”.  A la fin du tournage, je me suis sentie hyper bien, reboostée, puissante, j’ai pensé : “Voilà, c’est exactement ce que je veux et c’est exactement ce que je veux que les gens ressentent en la regardant”. Et pas juste les femmes : dans la vidéo, il y a des hommes en shorts moulants et maquillés et si c’est qui tu veux être, tu n’es pas censé être critiqué non plus. Donc je pense qu’elle traite de plus d’un préjugé, elle veut vraiment tous les faire voler en éclat.

Dernière question : puisque notre site s’appelle “RockUrLife”, qu’est-ce qui rock ta life JJ ?

JJ : De la bonne bouffe, des bonnes conversations, de la bonne musique et quelques verres !

Merci beaucoup pour le temps accordé JJ !

JJ : Merci, c’était sympa de discuter !

Site web : jjwilde.com

Mathilde Deau
Inconditionnelle de festivals et ouverte à toute proposition musicale.