Interviews

JEFF ANGELL’S STATICLAND (30/05/16)

Le lendemain de son concert à La Mécanique Ondulatoire, Jeff Angell, membre du groupe Walking Papers, est venu présenter son nouveau concept solo, Jeff Angell’s Staticland. Une interview sans langue de bois et en toute décontraction.

Tu étais en concert à Paris hier soir. Comment ça s’est passé ?

Jeff Angell (chant/guitare) : C’était bien, c’était une sorte de concert surprise pour les fans, donc on a fait ça avant la promotion presse. J’ai vu beaucoup de visages familiers, des gens que je connais via internet, donc c’était super. Mais trop de marches à monter et à descendre pour aller dans le club (rires). Nous ne faisions qu’un, on avait l’impression d’être en famille. J’ai joué tout le nouvel album, c’est pour ça que j’étais très enthousiaste.

C’est ton premier album solo. Que signifie Jeff Angell’s Staticland?

Jeff : Le nom principal est The Staticland mais qui sont les Staticland ? En fait, je n’ai pas beaucoup de patience, je suis tout le temps en action, je suis toujours en train de faire quelque chose de différent, donc ils m’ont dit “mec, il faut que tu mettes ton nom, comme ça, tous les fans des différents groupes pourront se connecter au truc”. C’est pour ça qu’on a ajouté mon nom. Mais je suis assez difficile, je ne veux pas trop mettre mon nom en avant car je trouve que c’est irrespectueux envers les musiciens qui m’accompagnent. Si, à l’avenir, le groupe marche bien, ça deviendra un peu compliqué, peut-être qu’on retirera mon nom. Ce sont juste les directeurs de label avec qui on travaille qui utilisent ça. Le truc c’est que tout le monde, aujourd’hui, essaye de créer une marque à partir de tout et n’importe quoi, comme ça ils peuvent en faire la promotion. Moi, je suis un musicien, je ne suis pas une marque donc je n’avais pas pensé à mon nom. Je pense à la musique. [The Staticland] est une sorte de nom assez amusant avec lequel travailler.

 

 

Peux-tu nous présenter les musiciens avec lesquels tu travailles ?

Jeff : Je travaille avec Benjamin Anderson, il joue du synthé mais aussi de la basse. J’ai déjà joué avec lui dans d’autres groupes, Walking Papers et The Missionary Position. Et puis il y a Josh; je jouais avec lui quand nous étions enfants et puis il a arrêté la musique. C’est le meilleur batteur que je connaisse mais il a dû créer son propre business, et il a vraiment bien réussi sa vie dans les affaires. Je pense que ce qui le gênait dans la musique c’était tous les inconvénients : être pauvre et voyager tout le temps sans se faire beaucoup d’argent, ne jamais dormir dans un lit confortable. Il s’est donc créé un style de vie pour ne pas avoir à compter sur la musique. C’était l’inconvénient. Mais j’ai toujours été ami avec lui donc je l’ai appelé. C’était une sorte de crime contre l’humanité qu’il ne joue plus de batterie parce qu’il est très talentueux mais maintenant on joue à nouveau ensemble. Il n’avait pas joué depuis dix ans. C’est génial.

Quelles étaient les conditions d’enregistrement ?

Jeff : C’est le premier album que je fais avec un producteur, car j’ai toujours eu l’habitude de tout faire par moi-même. Nous sommes allés à Nashville et nous étions dans une maison Airbnb. On vivait donc dans cette maison où le producteur avait son studio. La plupart des gens ne le savent pas mais, à Nashville, beaucoup de maisons sont en fait des studios d’enregistrement. À côté, tu peux avoir Bob, producteur des Pink Floyd; il a son studio dans une maison. Et à côté, tu auras un autre gars qui ressemble à un voisin et non à un producteur. Le studio dans lequel on a enregistré était une maison, et ça a été fait par le producteur de l’album de The Dead Weather de Jack White; j’aime vraiment beaucoup The Dead Weather. Il a également produit The Kills. J’aime tous ces albums et c’est pour ça que je l’ai choisi en tant que producteur. Parfois, j’ai l’impression que beaucoup de choses que je fais sont une sorte de mélange entre le grunge des années 90 et du hard rock, alors que ce n’est pas du tout le genre de musique que j’écoute. J’écoute plus de l’indie ou du rock alternatif. Mais je pense que c’est trop heavy pour la musique indie et pas assez pour le metal. Je pense avoir créé ma propre catégorie.

 

 

La chanson “High Score” nous transporte dans les années 90. Ce bon son à l’ancienne qui sonne assez moderne en fin de compte. Comment composes-tu cela ?

Jeff : Je pense que beaucoup de personnes s’accrochent aux choses du passé, et je pense que ce n’est pas bien, c’est démodé. Par exemple, si tu prends The Rolling Stones, quand ils étaient un groupe, ils essayaient d’être le groupe le plus moderne qui soit, mais ils aimaient toujours le blues. Si tu prends “Satisfaction”, ils ont ajouté la pédale de distorsion et c’était la chose la plus futuriste que les gens aient entendue à cette époque. Je ne veux pas être un artiste rétro ni être dans un groupe qui sonne vintage, mais je veux garder la qualité et tout ce qui était bon avant pour l’amener dans le futur. Moi j’aime tout ,de Godflesh à de Pantera. Et j’essaye de mélanger toutes ces choses ensemble. Si tu mélanges les choses ensemble, tu peux créer quelque chose de nouveau. Si tu t’inspires toujours des mêmes choses, tu commences à stagner, ça devient vieux. C’est comme avec les gens; si les gens ne mélangent pas différents aliments, ça devient malsain, parce que tu as besoin de différentes choses pour ton système immunitaire, c’est dans l’ADN. Si les gens sont de la même famille et du même village, ils vont s’affaiblir. Quand les gens se diversifient et qu’ils vont dans d’autre endroits, ils restent forts.

As-tu une chanson favorite sur cet album ?

Jeff : Oui, j’aime “I’ll Find You” et “Let The Healing Begin”, ce sont probablement mes deux favorites.  

Pourquoi ?

Jeff : J’aime “I’ll Find You” parce que je pense que c’est une idée romantique qui évoque des personnes, qui meurent puis qui se retrouvent à nouveau dans une autre vie, et ils continuent d’être ensemble dans cette vie. C’est assez sombre car ça parle de mort, mais j’aime l’idée de connexion, pas une connexion religieuse, mais l’idée même que l’amour soit cette connexion. C’est une très belle idée. Habituellement la plupart de mes chansons sont négatives. J’aime l’écouter parce qu’elle a une base soul, il y a une sorte de simplicité parfaite, tout le monde peut la jouer, la mélodie est très simple. Les choses les plus belles et les plus parfaites sont dans les choses simples.

 

 

Quelle est la situation de Walking Papers ?

Jeff : Nous avons composé un second album, il est enregistré et prêt, nous l’avons fait avant ce disque.

Pourquoi avez-vous choisi de sortir d’abord celui-ci ?

Jeff : Je ne l’ai pas choisi, nous ne voulions pas être en concurrence avec nous-mêmes. John fait ses affaires avec Guns N’ Roses, et le batteur ne veut pas jouer les dernières chansons. Je fais ça pour me tenir occupé, car je n’ai jamais eu autant d’idées. Et ces gars sont comme des enfants, ils courent partout et de mon côté, j’ai besoin de sortir ces idées car j’ai mes propres idées.

Es-tu toujours dans le groupe ?

Jeff : Nous avons fait un album, et il sortira éventuellement, mais pour le moment, je suis juste en train de faire ce que je fais. Je suis heureux de le faire. Mais c’est un très bon album, les gens devraient l’écouter. Je ne sais pas combien de chansons composent ces gars, mais ils semblent revenir dans leur groupe pour jouer les mêmes chansons pendant vingt ans. Je n’ai jamais voulu faire des chansons pour me faire de l’argent, j’essaie de faire des chansons parce que c’est ce que je veux. Si je voulais me faire de l’argent, je ne serais pas dans l’industrie musicale. J’y suis car j’aime les chansons et jouer de la musique avec mes amis. Il sortira un jour.

 

 

D’après les critiques, on ne voit pas beaucoup de différence avec Walking Papers finalement. Es-tu d’accord ?

Jeff : Ce qui est assez drôle c’est que les gens pensent que c’est un album solo, mais en fait, les albums de Walking Papers sont plus proches de l’album solo car j’ai écrit tous les albums de Walking Papers; en fait, les gars jouaient sur mes chansons. Cet album, je l’ai écrit avec les autres personnes avec qui je joue, mais c’est assez drôle car les gens pensent que c’est un album solo alors que celui-ci est de tout le monde. J’écris beaucoup de chansons. Si vous avez Nick Cave à la même place, les musiciens peuvent changer derrière, ça sonnera toujours comme du Cave. D’autres musiciens apportent des saveurs différentes. Mais, si vous êtes le chanteur et l’auteur, ce sera toujours votre vision. Plus je fais des albums, plus je deviens fort, tu apprends petit à petit ce qu’il ne faut pas faire.

A quand le prochain spectacle en France ?

Jeff : Probablement dans quelques mois, car le prochain concert sera à Munich. Le reste du groupe a quitté Paris hier, ils sont allés en Allemagne, ensuite la Pologne. Et puis nous allons jouer aux Etats-Unis.

Dernière question traditionnelle : notre média s’appelle “RockUrLife”, alors qu’est-ce qui rock ta life ?

Jeff : Le fait d’être ici en ce moment rock ma life, le fait de voyager partout, de rencontrer de nouvelles personnes et jouer de la musique tous les jours. Ma vie est assez douce en ce moment.

Vraiment ?

Jeff : Oui, mais je l’aime ainsi. Ça a toujours été comme ça pour moi; je n’ai jamais été dans un groupe très célèbre, mais j’ai toujours eu un groupe avec un assez bon niveau. Nous avons toujours joué, mais contrairement à la plupart des grands groupes qui jouent dans les festivals, j’ai passé ma vie à jouer dans des clubs et je pense que c’est mieux; les sensations, en club, sont plus excitantes. On voit vraiment les visages. Je suis très reconnaissant et je me sens béni. C’est le problème, les gens ne sont jamais contents de l’endroit où ils jouent. Avec les Walking Papers, on est parti en tournée avec Aerosmith, Jane’s Addiction, Biffy Clyro, quand tu joues de grands festivals comme ça, tu penses que tu vas être heureux. Tu ne réalises pas que le meilleur endroit est cette petite scène dans un petit endroit. En festival, le public est loin et le son est horrible. Parfois la musique est même en retard, le batteur frappe les tambours et le son prend un certain temps pour arriver jusqu’aux oreilles du public. C’est difficile de jouer, vraiment plus difficile. Alors que les clubs, en fin de compte c’est le meilleur endroit pour jouer de la musique. Je suis heureux de n’avoir jamais eu mon énorme succès. (rires)

 

 

Site web : staticland.com