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JEANNE ADDED (19/09/18)

Elle irradie ! Jeanne Added illumine la pop française avec son deuxième album “Radiate”. L’occasion pour RockUrLife de rencontrer cette artiste si singulière, aussi sensible que franche. Si vous n’êtes pas encore conquis par la chanteuse originaire de Reims, on prend le pari qu’à la fin de cet article, ce sera le cas.

Salut Jeanne ! On est très heureux de te rencontrer car sur ton premier album, nous n’avions pas eu cette chance.

Jeanne Added : Oui la promo sur le premier album était assez trash. J’ai fini très fatiguée par tout ça. Donc là pour le deuxième album, on a retenu les leçons du premier et on essaie de faire les choses plus humainement, et tout se passe très bien.

Il semblerait qu’on soit un peu les seuls à trouver ce deuxième album moins accessible que le premier. Ce qui n’est absolument pas péjoratif !

Jeanne : (rires) Oui en effet je pense que vous êtes tout seul. Mais aucun problème, vous pouvez penser ce que vous voulez, même si je ne suis pas d’accord. Les constructions de chanson sont plus traditionnelles, à part sur deux, trois chansons. Pour moi les chansons sont plus abouties. Après, dans le premier album, il y avait quelque chose de très nécessaire, un truc quasi vital dans le geste d’écriture et d’enregistrement avec Dan (Levy de The Do). C’est quelque chose d’imperceptible mais qui est là quand même et c’est peut-être quelque chose qui est moins clair dans ce deuxième album. Il y a quelque chose de moins rock au final, dans la nécessité de le faire. Pour moi là où ce deuxième album est plus pop, c’est parce qu’il est plus construit, plus travaillé et réfléchi. Pas pour compliquer les choses inutilement, au contraire. Je voulais rendre l’écriture plus limpide et faciliter l’accès à la profondeur.

Est-ce cet état d’esprit et ces intentions qui t’ont amenée à travailler avec Maestro ?

Jeanne : Je les ai contactés pour leur faire écouter mon disque, et au fur et à mesure qu’on écoutait le disque, il m’apparaissait évident qu’il fallait qu’on travaille ensemble à la vue de leur réaction et de ce que je sentais de ce qu’ils pouvaient apporter. On a vraiment très bien travaillé ensemble.

 

 

Ce nouvel album est très lumineux, en opposition quasi-parfaite avec le premier, ce qui forme un diptyque. On sait que tu réfléchis déjà au troisième album, ce sera pour conclure la trilogie ou on part sur autre chose ?

Jeanne : Non ce sera autre chose. Ce deuxième album vient après un premier jet un peu dans l’inconnu. Là ça été bien plus conscient. J’ai enfin compris que ça y est, c’est ça mon métier. Et donc maintenant, j’ai juste envie de continuer donc je pense que l’on n’attendra pas trois ans avant de sortir un nouvel album. Je ne l’espère pas en tout cas.

Durant le cycle de ton premier album, tu es restée proche d’univers artistiques plus confidentiels que le tien. Tu as participé à des soirées/concerts bien moins grand public alors que tu sortais, par exemple, d’un Olympia complet.

Jeanne : J’aurai pu changer de vie, changer d’amis, déménager, changer de parents mais… non ! (rires) La vie est constante mutation, tout bouge. Si tu es sur la route mais que tu ne gardes pas de liens avec tes proches, tes amis, ta famille, ça n’a plus aucun sens. Mais ça demande un peu d’engagement oui. Pouvoir répondre présente quand on nous appelle, c’est aussi une façon de garder le lien. Mais c’est plutôt pour moi que je fais ça. Je n’ai pas envie de finir toute seule. Ça peut aller vite, avec la notoriété, de se retrouver isolée. Mais justement, moi je ne fais pas de la musique pour m’isoler, j’en fais pour pouvoir entrer en contact avec le monde.

Tes paroles sont très personnelles. Comment est-ce que le monde, et les choses qu’il s’y passe, influe sur ton écriture ?

Jeanne : Évidemment je me nourris de ce à quoi je suis confrontée. Le monde il bouge, marcher dans la rue, échanger des regards, est-ce que c’est possible d’échanger des regards avec des gens ou pas. Il y a des tonnes de trucs qui influent sur moi, évidemment. Mais tout ça, ce sont des sensations. Il y a des choses concrètes mais tout ça se transforme en sensation que j’essaie, ensuite, de transformer en poésie. J’essaie. Donc oui, il n’y a rien de frontal, il n’y a rien de très clair. Mais récemment, ces derniers mois par exemple en étant en France, à Paris, en observant la violence qui peut se déployer vis-à-vis des plus démunis, me fait me rendre compte de mon statut incontestable de privilégiée. Ça fait partie des choses qui m’interrogent. Ça change mon rapport au monde et donc, sans doute, mon écriture.

 

 

On a le sentiment que tu rejettes un peu cette idée que l’artiste doit forcément prendre parti pour une ou plusieurs causes de manière explicite à travers sa musique.

Jeanne : Mais je peux parler de ces choses qui me tiennent à cœur, en interview par exemple. Mais il faut que je me sente en face de quelqu’un qui soit capable de tenir cette conversation. Histoire que je ne m’embarque pas dans quelque chose de compliqué ou avec quelqu’un qui va déformer mes paroles par exemple. Après moi je fais de la musique et, pour le moment, c’est ça qui m’intéresse. Mais j’ai appris récemment que ça fait partie du rôle des intellectuels, des artistes, des gens à qui on donne la parole, de la prendre cette la parole et de dénoncer des problèmes, même d’ordre politique ou sociétal. Mais moi j’ai besoin de clarifier ma pensée pour pouvoir parler clairement. Mais je suis quelqu’un d’engagée dans ma vie, il y a plein de choses qui ne me conviennent pas du tout dans le monde tel qu’il tourne. Je préfère exprimer ça dans ma façon de faire de la musique et ensuite dans ma vie privée, je suis plus à l’aise comme ça.

Est-ce que tu as senti que le regard des gens, que ce soient tes proches, ou les gens que tu croises dans la rue, changer envers toi ?

Jeanne : Déjà, pour les inconnus, je ne suis pas reconnu si souvent que ça. Et quand c’est le cas, ce sont généralement des gens qui connaissent ma musique et qui ont déjà fait le geste de venir à ma rencontre, que ce soit en venant me voir en concert ou en écoutant mes albums. Donc c’est toujours très sympa. Il n’y a jamais aucun problème avec ça, notamment parce que ça reste encore mesuré.

Dernière question pour nous, on s’appelle “RockUrLife”, qu’est ce qui rock ta life ?

Jeanne : (rires) Moi c’est la musique ! La pratique de la musique, rien que d’en parler, à l’intérieur c’est un feu d’artifice ! La musique c’est le truc qui me rend heureuse, c’est de faire des concerts, d’écrire de la musique, c’est mon truc.

 

 

Site web : jeanneadded.com

Nathan Le Solliec
LE MONDE OU RIEN