Interviews

GOOD CHARLOTTE (17/07/18)

English version

Quelques semaines avant la sortie de “Generation Rx”, nous avons le bonheur de croiser Benji Madden, guitariste et principal compositeur de Good Charlotte. Après près de vingt ans de carrière, Benji Madden offre un regard lucide sur l’industrie musicale et s’enthousiasme sincèrement des nouvelles générations de musiciens. Un discours rafraichissant avec un musicien aussi sympathique qu’accessible.

Salut Benji !

Benji Madden (guitare/chant) : Salut ! Félicitations pour la Coupe du Monde !

Merci ! T’intéresses-tu un peu au foot ?

Benji : Oui carrément. J’aime toutes sortes de sports. Je regarde tous les sports possibles à la télé. Mais le foot devient vraiment de plus en plus populaire aux États-Unis.

Comment décrirais-tu ta relation avec Paris ?

Benji : Pour moi, Paris c’est avant tout la nourriture. Si tu ne viens pas de France, la première chose que t’évoque Paris, c’est la nourriture ! Tu peux manger partout et tout est excellent. J’adore le café aussi. J’ai également le sentiment que les fans sont différents ici. J’aime vraiment les fans français parce que je les sens plus passionnés que les autres. Même quand ils sont énervés contre toi, ce qui est une chose parfois appréciable. Ils font vraiment attention aux paroles par exemple.

On est obligé de s’y intéresser particulièrement. L’Anglais n’est pas notre langue maternelle, il nous faut donc vraiment lire et se plonger dans les paroles pour se connecter aux chansons.

Benji : Oui je le ressens comme ça aussi. Et, au sein du groupe, c’est quelque chose que l’on adore à propos des fans français. Parfois, tu écris cet album et tu te demandes : “est-ce que quelqu’un a vraiment écouté ?” ou tu as l’impression qu’ils se sont focalisés sur une seule chanson. Mais quand tu te rends comptes que les gens s’intéressent à l’album dans son intégralité, c’est quelque chose d’énorme car tu as mis énormément de ta personne dans cet ensemble. Parfois, tu t’ouvres vraiment sur un album et quand les gens ne donnent pas l’impression d’écouter vraiment ce qu’ils entendent, c’est comme quand tu es face à ta copine, que tu lui dis que tu l’aimes et qu’elle te répond : “OK” en t’ignorant à moitié. C’est horrible ! Tu as vraiment envie qu’elle te réponde : “moi aussi je t’aime !” (rires)

Tu te sens comme nu face à elle.

Benji : C’est exactement ça ! Tu es nu ! Mais les fans français nous donnent le sentiment d’être appréciés. Même quand ils n’aiment pas ton travail, même quand ils te demandent : “pourquoi as-tu fait ça ?”, ils font attention à toi. J’adore avoir ces conversations avec les fans. Et je pense qu’avec ce nouvel album, les fans pourront vraiment se plonger dans les chansons et en apprendre sur nous. Les paroles reflètent vraiment notre réalité. Nous parlons de choses qui sont assez difficiles à aborder. Et c’est pourquoi je suis particulièrement excité à l’idée de sortir cet album en France notamment. J’ai le sentiment que les fans français pourront en tirer quelque chose car tout est vraiment dans les paroles.

 

 

Generation Rx” est dans une veine très différente de votre précédent, “Youth Authority“. (2016)

Benji : Quand nous avons fait “Youth Authority”, nous revenions d’un break de cinq ans et j’ai le sentiment que nous avions besoin de jouer des choses simples, de ne pas aller trop profond. Il y a beaucoup de chansons chaleureuses sur cet album. Nous ne sommes pas allés trop loin, nous voulions un album léger. Mais sur ce nouvel album, nous voulions aller plus profond. On voulait parler des vraies choses. Donc, lorsque nous avons commencé à écrire la musique de cet album, notre unique règle était de ne rien forcer. Nous voulions laisser les mélodies nous bercer et influencer les paroles juste en s’imprégnant de ce que l’on composait. Nous jouions les chansons à la guitare et nous faisions rimer des mots et c’est seulement durant ces moments-là qu’en réalité, nous écrivions une chanson à propos de notre mère ou à propos de la dépression. A l’époque sur certaines chansons que nous écrivions au début de notre carrière, j’écrivais des chansons parfois sans savoir de quoi elles parlaient ! Je criais juste des mots. Et quand tu te retournes sur ces chansons des années après, tu te rends compte qu’en réalité tu parlais de telle chose qui t’es arrivée, de l’anxiété. Sur cet album, nous voulions revenir à un propos plus authentique. L’une des nouvelles chansons s’appelle “Leech” et c’est une chanson lourde quoi. C’est à propos de mon enfance, à propos aussi de devenir sobre. Au départ, je ne me sentais pas de terminer cette chanson car je la trouvais trop personnelle. Mais Zack, notre ingénieur du son et qui coproduit l’album avec moi, m’a convaincu de la terminer. Cette chanson lui parlait. Donc oui, cet album est définitivement plus sombre, mais il y a tout de même une touche d’espoir. Mais je pense que c’est indispensable d’écrire à propos des choses qui te sont inconfortables.

C’est marrant que tu parles des chansons sur lesquelles tu te retournes des années après. Que pensez-vous de “The Chronicles Of Life And Death” (2004) ? Parce qu’on a un peu l’impression que vous n’assumez plus cet album qui a pourtant été un gros tournant.

Benji : Je vois de quoi tu parles. Parfois, un album te brise le cœur. Nous avons énormément travaillé sur cet album, et au final il a rencontré un certain succès. Cet album est sorti avant toute cette nouvelle vague de groupe de rock qui allait arriver et faire bouger les lignes dans le style. Nous avons essayé de faire les choses différemment sur cet album. Quatorze ans après sa sortie, jamais aucun journaliste n’a mentionné le fait que l’intro et l’outro de cet album sont liées et forment une boucle. Jamais personne en quatorze ans ! Nous avons travaillé avec un orchestre. J’ai passé au moins trois semaines à écrire cette intro, à écrire les paroles en japonais. Et je ne changerai jamais rien à cet album, je l’adore. Mais… encore une fois, c’est ce moment où tu dis : “Je t’aime” à ta copine ! Tu as passé tout ce temps sur quelque chose que personne n’a remarqué. Après une expérience comme celle-ci, tu es un peu résigné. Quand tu vieillis, tu apprends à apprécier ton travail juste pour ce qu’il est. Mais quand tu es jeune, tu es moins confiant et donc tu frustres bien plus vite. Cet album est très spécial pour nous. La chanson “I Just Wanna Live” a été l’un de nos plus succès en single mais cette chanson n’est pas drôle. C’était à propos de rencontrer le succès trop tôt, trop fort et de ne pas être capable de le gérer.

Et maintenant, cela fait dix ans environ que vous travaillez avec des groupes plus jeunes que vous. Pourquoi, à ton avis, vous êtes l’un des seuls groupes de votre génération à avoir cette démarche ?

Benji : Déjà nous nous sentons chanceux d’avoir cette opportunité. Je n’ai jamais voulu être ce vieux mec qui rejette la nouveauté parce qu’il pense que tout ce qui est nouveau est naze. Je suis toujours à la recherche de nouvelles sources d’inspiration. Je ne veux pas avoir l’impression de tout savoir car ce n’est clairement pas le cas. Et les groupes plus jeunes sont tellement intelligents. Ils voient le monde tel qu’il est et tel que je le vois moi maintenant. Égoïstement, je pense aussi qu’aider de jeunes groupes m’aide à guérir certaines blessures du passé. Cela m’aide à mieux dormir la nuit lorsque j’apporte mon aide à un groupe.

Peut-être parce que lors de vos débuts vous n’avez pas reçu cette aide de la part de groupes plus vieux ?

Benji : Oui, c’est comme si nous devenions les grands frères que nous aurions voulu avoir. C’est vrai oui. Beaucoup de gens nous ont donné de l’amour mais c’est vrai que les groupes des générations précédentes à la nôtre ont toujours été hyper durs avec nous. Honnêtement, j’aurai aimé qu’ils soient cools avec nous. Parfois je me disais que c’était une bonne chose, que ça me permettait de m’endurcir. Mais oui, j’aurai aimé qu’un mec me prenne par les épaules et me donnent de bons conseils. Et c’est quelque chose d’applicable dans tous les domaines, pas uniquement la musique. Si tu as la possibilité d’être le mentor d’une personne plus jeune, c’est l’une des situations les plus gratifiantes. Tu apprends d’eux et ils apprennent de toi. De manière générale, tous les groupes avec qui nous travaillons sont composés de bonnes personnes.

 

 

Sur votre nouvel album, on trouve une chanson en compagnie de Sam Carter d’Architects. Comment êtes-vous venus à collaborer ?

Benji : C’est une question intéressante ! Nous avons plusieurs personnes travaillant pour notre société (MDDN) et l’une de ces personnes est Joey qui y manage des groupes. Je connais Joey depuis 2008. J’ai toujours adoré ce type. Il est revenu habiter à L.A. après avoir passé les sept dernières années au Royaume-Uni, notamment en compagnie d’Architects. Donc, lorsqu’il est revenu en ville, je l’ai invité à venir nous rendre visite afin qu’il puisse jeter un coup d’œil à notre travail. Il a adoré le concept et la vibe qu’il s’en dégage et a demandé à nous rejoindre. A ce moment-là, j’adorais déjà Architects. Ce groupe a réussi un énorme tour de force avec leurs deux derniers albums, ils sont devenus énormes et c’est tellement mérité. C’était donc une perspective hyper excitante que de les voir en tant que fan du groupe et ensuite de travailler avec eux. J’adore vraiment les deux aspects de ma relation avec eux. Donc je me suis très facilement lié à Sam. Il m’a d’ailleurs raconté une histoire rigolote durant laquelle sa mère l’avait déposé à un concert de Good Charlotte lorsqu’il était plus jeune. Cela signifie énormément pour moi car j’adore son groupe. Il fait presque partie de la famille maintenant.

C’est cool de vous voir travailler avec ces groupes plus jeunes car ce n’est pas répandu dans le monde du rock/metal. Comptez-vous amener ces groupes là sur la route avec vous ?

Benji : Bien entendu. Sur notre tournée américaine, nous allons amener Sleeping With Sirens, Knuckle Puck et un jeune groupe qui s’appelle The Faim. Nous travaillons encore sur notre tournée européenne, mais sois sûr que nous allons jouer avec des supers groupes, ce sera une super tournée. Nous adorons les groupes plus jeunes. J’adore Chase Atlantic, Waterparks. C’est marrant parce qu’il y a peu je discutais avec un jeune groupe, je ne travaille pas avec eux, ce sont juste des amis. Leur label ne les traite pas bien et évidemment, ça les énerve. Donc je leur ai dit que s’il n’y avait plus de groupes, les labels n’existeraient plus ! Peu importe combien le label est gros, si tu retires tous les groupes, ils n’ont plus rien. Quand un groupe quitte son label, les fans suivent le groupe, pas le label. La plupart des musiciens ont une piètre opinion d’eux-mêmes. Mêmes si nous faisons beaucoup de séances photos sur lesquelles nous nous donnons l’air de bad boys, à l’intérieur on espère juste que tout le monde va nous aimer ! (rires) Donc ça peut être vraiment facile de profiter de cette “faiblesse” et de profiter de nous. Dans l’industrie musicale, il y a énormément de gens qui te disent : “tu as besoin de moi !”, non enfoiré, je n’ai pas besoin de toi ! Je ne cherche pas à dire que nous devons être seuls. Juste que nous devons être entourés parce qu’il en existe malgré tout.

C’est quelque chose dont le public a pris connaissance notamment avec le procès opposant A Day To Remember à Victory Records. Et au final, après avoir rompu leur contrat, ils sont devenus plus gros que jamais.

Benji : Exactement. Et c’est toujours ce que je dis aux groupes : “Vous êtes ceux avec l’instinct, vous êtes ceux qui écrivent les chansons, vous êtes ceux qui se sont levés un jour et ont décidé de devenir des artistes”. Le but dans tout ça c’est de laisser un impact positif. L’argent n’est pas important, les disques de platines non plus, pas plus que les éventuelles récompenses. Ce qui nous importe c’est d’être positif, d’aider les gens à travers les chansons. Nous voulons juste faire la différence.

Pour finir, notre media s’appelle “RockUrLife”, alors qu’est ce qui rock ta life Benji ?

Benji : Je suis constamment excité par tous les groupes avec qui je travaille. Architects, Chase Atlantic, les nouveaux sons d’Hollywood Undead, Anti Flag… Et récemment je me suis remis au sport et ça m’aide à me sentir mieux. Ça et la méditation. Mais tu dois trouver ta propre manière de méditer !

 

 

Site web : goodcharlotte.com

Nathan Le Solliec
LE MONDE OU RIEN