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FRANK CARTER AND THE RATTLESNAKES (26/01/24)

English version

Ce vendredi 26 janvier marquait la sortie du nouvel album de Frank Carter & The Rattlesnakes, Dark Rainbow, qui précède le lancement de sa tournée mondiale. Dans cette actualité chargée, RockUrLife a eu le plaisir de pouvoir échanger avec Frank Carter et Dean Richardson sur les coulisses de ce disque très personnel.

Bonjour à vous deux, bienvenue en France ! Aujourd’hui est le jour de sortie de votre nouvel album Dark Rainbow. Dans quel état d’esprit êtes-vous ?

Frank Carter (chant) : Mon état d’esprit est celui d’un bonheur absolu, d’une paix inégalée.

Dean Richardson (guitare) : Très honnêtement, tout le stress lié à la pré-livraison disparaît presque à minuit pour moi. Je ne sais pas, c’est comme si “ce qui est fait est fait“. Comme si mes attentes étaient comblées. Nous nous en sommes sortis. Nous avons sorti le disque. Je ne me remets toujours pas de la quantité de personnes, d’heures, d’efforts et d’argent que cela représente. Il y a tellement de choses à faire pour sortir un album. Le travail est fait. Il s’agit maintenant de fêter cette victoire. C’est ce que je ressens aujourd’hui.

On aime beaucoup la direction prise par vos chansons. Pour nous, ce n’est pas une révolution, plutôt une évolution, album après album. Diriez-vous que c’est votre livraison la plus ambitieuse à ce jour ?

Frank : Je ne sais pas si c’est la plus ambitieuse, mais c’est certainement la plus vraie. Dans le passé, il a peut-être été plus difficile de mettre cela en place, parce que je ne me suis jamais connu comme je me connais maintenant. Tu sais, ces dernières années ont été très intenses pour nous deux. Dans ce laps de temps, il y a eu beaucoup d’introspection, beaucoup de conscience de soi. Nous sommes vraiment allés tous les deux au fond de nous-mêmes. Ainsi, lorsque vous passez autant de temps à vous demander non seulement qui vous êtes, mais aussi qui vous voulez être, vous finissez naturellement par vous rapprocher d’une compréhension de vous-même, de ce que vous attendez de la vie. C’est ce que j’entends par “vrai“. Avec cela vient la confiance permettant de sortir un album avec une chanson comme “Queen Of Hearts”, à côté d’une chanson comme “Sun Bright Golden Happening”. Je crois vraiment que sur chaque album avant celui-ci, il y aurait eu de sérieuses conversations sur “est-ce qu’on a le droit d’avoir deux chansons lentes ?” C’est vraiment agréable d’avoir ce genre de confiance. C’est très excitant.

Dean : Je me souviens du moment où tu as suggéré que ce soit l’ordre du tracklisting, et nous sommes tombés d’accord en quatre secondes environ. Nous n’étions donc pas du tout en train de nous remettre en question à ce moment-là, c’est exact.

Frank : Mais je pense que c’est parce que ma première suggestion était d’ouvrir le disque sur “Sun Bright Golden Happening” et…

Dean : (le coupe en riant) J’ai dit non, non !

Frank : C’était genre “qu’est-ce que tu fais ?

Dean : Je dis rarement non catégoriquement. Mais c’est l’un des refus les plus catégoriques que je t’ai jamais donné en matière de tracklisting. (rires)

© Brian Rankin


Cet album comporte beaucoup de surprises au sein des chansons, avec beaucoup d’instruments additionnels. Comment l’idée d’incorporer un violon, ou des cuivres est-elle née ?

Dean : Le violon était la façon de Frank de me donner plus de stress en vingt-quatre heures (rires). En gros, nous avions bien travaillé. Nous étions à la moitié du mix…

Frank : Oui, nous avions fini, techniquement. Les fichiers avaient été envoyés et j’ai appelé Dean. Il y avait une chanson en particulier avec laquelle j’avais du mal, c’était “Happy Days”. Je l’ai appelé et je lui ai dit : “Écoute, je pense qu’il manque quelque chose (Dean éclate de rire). Je pense que c’est du violon. Et je pense que nous pouvons le faire lundi“. C’est le seul jour que nous avions de libre. Et j’étais là, à en parler comme si nous avions encore du temps de studio (sourire). Dean hallucinait au téléphone…

Dean : On avait remballé depuis une semaine !

Frank : (rires) “On a remballé la semaine dernière, de quoi est-ce que tu me parles ?” Et je ne considérais pas ces éléments comme des problèmes. Je me demandais juste s’il y avait quelqu’un qui pouvait en jouer. La raison derrière laquelle il y a autant d’instrumentales, c’est parce que nous sommes entourés de musiciens extraordinaires. Nous avons tourné pendant longtemps, nous avons une équipe incroyable. Et lorsque vous avez une équipe incroyable, c’est généralement parce qu’il y a des musiciens phénoménaux. Ronan est donc venu et a joué du violon. Il a fait un travail remarquable. C’est un technicien de guitare ! Il y a également Yazz, qui a joué du saxophone sur plusieurs morceaux de Sticky. Il y a tellement de choses là-dedans, c’est un disque d’amis et de famille. Tu sais, Eliott

Dean : (rires) Eliott ne tient pas compte de ce que vous lui dites.

Frank : Il est notre guitariste et notre claviériste, il a conçu toutes les guitares. Il s’agit donc d’un effort concerté de notre part à tous. Et c’est la raison qui fait que vous obtenez un son plus riche, plus profond, plus vaste.


Justement, il y a dix ans, alors que vous veniez de la scène hardcore, est-ce que vous pensiez pouvoir réaliser ce type de chanson, au tempo plus lent ?

Frank : Oui, nous le savions depuis le début. Parce que si vous regardez une chanson comme “I Hate You”, c’est un tempo lent. C’est une sorte de jam lente, bluesy et groovy. La seule chose violente, ce sont les paroles. Si vous preniez la musique de cette chanson, qui est sur notre premier album, elle s’intégrerait parfaitement après une chanson comme “American Spirit” tu vois ? Je pense donc que nous avons toujours su que nous étions capables de le faire. Le plus difficile, c’est quand tu te dévoiles et que tu fais quelque chose avec tant de force que cela a un impact. Et quand quelque chose a un tel impact, les gens sont émus. Et quand les gens sont émus, ils accrochent. Parce que le monde entier est si insipide. Tout est fluide, tout est libre. Les gens veulent quelque chose à quoi s’accrocher. C’est donc le plus dur. Vous évoluez, vous bougez. Les gens s’identifient à vous et ensuite c’est plus difficile pour eux d’évoluer avec les changements. En fin de compte, nous changeons tous et tout le monde n’aime pas ça. Mais je crois que nous l’avions toujours pressenti depuis le début.

Tu évoquais “American Spirit”. Dis-nous si on se trompe, mais on a ressenti une vibe à la Queens Of The Stone Age, à la Josh Homme. C’est une influence pour vous ?

Frank : Oui, c’est vrai. Josh, a toujours eu une influence sur moi. Depuis Kyuss. J’ai toujours aimé tout ce qu’il fait. C’est un musicien extraordinaire, une grande star du rock. Mais je pense également que si tu lui parlais, tu trouverais des influences un peu plus lointaines. Je pense que tu constaterais que je suis aligné avec toutes ses influences, comme Creedence, Lynyrd Skynyrd, The Eagles, tu vois. The Monkeys ou The Animals, toutes ces influences. Tu sais, l’une de mes chansons préférées à chanter en marchant dans la maison est “House Of The Rising Sun”. Et j’entends tout cela dans les Queens, ainsi que David Bowie, les Rolling Stones et tout ça. C’est donc… oui, il est évident qu’il est naturellement une influence, mais nous essayons vraiment de nous éloigner de ce qui est actuel, de nos pairs immédiats. Nous essayons toujours de remettre en question, qui nous sommes et ce que nous et qui nous voulons être.

© Brian Rankin


Dark Rainbow n’est pas seulement le titre de l’album, c’est également la chanson de clôture du disque, et notre chanson préférée.

Frank : Cool !

Pouvez-vous nous parler de sa signification ?

Frank : Il s’agit pour moi de paroles, de… (il s’arrête) Tu sais quoi, peux-tu répondre à ça Dean, de ce qu’il en a été pour toi, parce que je sais ce qu’il en est pour moi. Mais je me souviens de l’émotion que j’ai ressentie lorsque tu m’as fait écouter ce morceau en studio. Tu t’en souviens ? Souvent, je me rendais au studio le matin et nous travaillions sur les chansons qu’il avait écrites la nuit précédente. Il restait dans le studio et mettait des idées en vrac. Un jour, je suis arrivé et tout s’est mis en place. Et je me suis dit : “Quoi ?!

Dean : Vous savez quoi ? Je ne pense pas qu’il soit très facile de savoir ce que signifie la musique, d’où elle vient. Mais sur cet album, je me suis un peu plus intéressé à la connexion avec le processus d’écoute des paroles. En général, j’écris quelques idées, en ignorant si Frank les aimera, si elles fonctionneront ou si elles conviendront. Je ne réfléchis pas trop à ça. Mais pour cette chanson en particulier… c’était comme si j’étais à 100% sûr. “Frank va adorer ça et ce sera sur le disque !” Il y avait donc quelque chose de différent dans celle-ci. Et lorsque je te l’ai jouée, je n’avais aucun doute sur le fait qu’elle serait transformée en chanson et figurerait sur l’album. Ce n’est donc vraiment pas un sentiment normal. Lorsque j’écris quelque chose pour la première fois, je ne suis pas tout à fait sûr de la direction que cela va prendre. Alors que “Dark Rainbow”, oui, je me souviens te l’avoir joué avec une confiance inhabituelle. Je pense donc qu’il se passait quelque chose. Je crois que j’ai su quelque part que c’était un peu une musique dont certains de tes textes avaient besoin.

Frank : C’est drôle parce qu’il va me jouer des chansons, et je vais regarder ce qui correspond. J’ai des tas de textes tout le temps. Alors je m’assois, je regarde mes textes et je cherche lequel correspond. Pour “A Dark Rainbow”, j’ai instantanément pensé à un texte en particulier. Je ne pense pas m’en être écarté une seule fois. J’ai pensé : “Voilà les paroles de cette chanson !” Et à la fin, je me suis dit qu’il manquait quelque chose et que je savais ce que c’était, mais je ne pouvais pas le trouver parce que cela datait, je crois, de quatre ans… peut-être de cinq ans, avant que je ne l’écrive. J’en connaissais juste une ligne. Je l’ai alors tapée un soir dans mon logiciel et elle est apparue. Un petit mémo est alors apparu, que j’avais sauvegardé quelque part… et tout était là. Et je me suis dit : “putain oui, c’est exactement ça“. Et c’est très intéressant parce que j’ai écrit ces paroles dans ma voiture alors que je me garais pour une session d’écriture il y a des années. Nous allions dans cette cabane dans les bois. Je me suis garé et j’ai chanté dans la voiture. J’ai écrit toutes ces paroles et elles n’ont jamais, jamais trouvé leur place. J’ai su à ce moment-là que c’était la fin de cet album, et c’est un moment magnifique pour moi d’avoir une vraie confiance en moi pour dire que tout ce que j’écris chaque jour a sa place dans le monde. Mais je ne sais pas encore où. Et cela me donne une vraie raison de continuer à écrire tu vois ?


Pour avoir été à plusieurs reprises à vos concerts, on a pu constater à quel point ils étaient énergiques. A-t-il été facile d’intégrer ces nouvelles chansons ?

Frank : Oui, et ça n’a pas seulement été facile, mais également très agréable. Cela a été vraiment plaisant de voir comment nos anciennes chansons s’intègrent à côté d’elles. Elles marchent toutes, ce qui est vraiment fou pour moi. J’aime pouvoir passer d’un beau moment comme “Queen Of Hearts” à quelque chose de vraiment, vraiment doux et subtil mais avec un peu plus de puissance, puis nous retrouver trois chansons plus tard, jouant d’une manière ou d’une autre des trucs heavy. C’est juste fou pour moi, mais c’est un témoignage de notre amour pour qui nous sommes et (il réfléchit) je crois que cela retranscrit l’émotion que nous avons et sur laquelle nous travaillons depuis si longtemps. Alors oui, c’est vraiment excitant. J’ai hâte de voir ça sur scène. Seras-tu là à notre concert du Bataclan ?

On espère ! Il est sold out alors, on verra. Mais on croise les doigts. Peut-être au Hellfest ?

Frank : Oui, on adore ce festival.

Quand revenez-vous en France après ça ?

Frank : Nous serons là le 24 février, et après ça… Je ne sais pas si ils ont déjà annoncé ces festivals ?

Dean : Je sais qu’il y a pas mal de festivals mais je n’ai aucune idée desquels ont été annoncés.

Frank : Oui. Je ne sais pas si nous aurons des problèmes si nous les annonçons, mais nous allons beaucoup être en France cet été. Ça va être sympa. Mais limitons-nous à ça, juste au cas où…

Dean : On peut aussi dire qu’on sera en France après l’été, mais mieux vaut en rester là. En tout cas, nous aimons la France. Nous n’avons jamais ressenti autant d’amour en France que sur cet album. Honnêtement, cela nous a un peu époustouflé. Donc nous viendrons en France autant que possible juste pour gifler tout ça et profiter de cette connexion. Mais oui, autant de fois que possible.


Super, à bientôt dans la fosse alors ! On a une question au sujet de ton salon de tatouage, Frank. On se souvient avoir lu que tu l’avais lancé avant ton dernier album. Comment se passe cette aventure ?

Frank : Pas de la meilleure façon. C’était un moment difficile. J’ai ouvert le shop en mars 2020. Donc, naturellement, deux semaines plus tard, nous étions fermés Je pense que tout nouveau business se joue sur les trois premières années. Et les premières trois années de notre business étaient vraiment compliquées par la pandémie globale. Je suis fier de dire que nous avons créé un beau shop. Nous avons créé des souvenirs permanents pour les gens. Les personnes qui sont venues ont vraiment aimé l’espace. J’ai appris à tatouer à plein de jeunes artistes incroyables. Je suis vraiment fier de tout ce que nous avons fait. Mais je ne vais pas le refaire de si tôt. Je veux juste être sur scène et chanter mes tripes.

Nous arrivons à la fin de cet interview. Notre média s’appelle RockUrLife. Alors, qu’est-ce qui rock votre life ?

Frank : La sobriété rock ma life. Ma fille rock ma life. Et se réveiller et faire ce que nous faisons pour notre travail. Notre vie est rock n’roll. Je pense que nous avons trouvé un bon équilibre à cet égard. Nous suivons une assez bonne ligne maintenant. De plus en plus de rock n’roll, ouais.

Dean : Je dirais que créer de la musique est la réponse pour moi. C’est toujours quelque chose que je ne comprends pas vraiment, malgré tout ce que je comprends. Mais j’aime ça. Et cela semble plus excitant que la plupart des choses. Réponse évidente, mais c’est évidemment la raison pour laquelle je suis ici.

© Brian Rankin


Site web : andtherattlesnakes.com

Merci au groupe pour son accessibilité, ainsi qu’à Elodie Sawicz pour l’organisation (Agence Singularités).

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