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FRANCIS ZEGUT (25/07/19)

Alors que l’on célèbre les quarante ans de “Highway To Hell”, il semblerait que les Australiens se réveillent. Qu’annonce ce regain d’activité sur les réseaux sociaux de la part d’AC/DC ? Retour d’abord sur ce mythique album et quoi de mieux que d’en discuter avec Monsieur Francis Zégut !

C’est donc les quarante ans de l’album “Highway To Hell” d’AC/DC. Quels souvenirs as-tu de sa sortie ? Quelles furent tes premières impressions ?

Francis Zégut : J’ai un souvenir qui est lié avec les concerts au Pavillon de Paris en 79, même si AC/DC était passé quelques fois avant. C’était la première fois que je les voyais et ça m’a collé contre le mur ! En plus ils ont fait deux concerts dans la même journée, car il y avait le tournage du film “Let There Be Rock”. Donc une vraie découverte pour moi à ce moment là même si je connaissais en survolant, les autres albums, celui-là pour moi était un peu plus “sophistiqué” que les autres, qui étaient plus brut de fonderie. Enregistré en Australie, et avec l’arrivée de Robert John “Mutt” Lange (producteur), a changé un peu la donne et la manière de travailler puisque quand tu écoutes bien “Powerage” (1978) ou “Let There Be Rock” (1977), il n’y a pas de chœurs. Mutt Lange a appris à Bon Scott à chanter différemment, à faire des choeurs différents et ça se sent tout de suite. La production des instruments est plus “claire” que les précédents et ce cocktail là, plus les extraordinaires titres qu’il y a sur l’album, on fait que ça leur a ouvert les FM américaines.

Le morceau est un classique du rock aujourd’hui. Ceci dit, c’est plutôt un album mythique ou un morceau mythique ?

FZ : Il y a pas très longtemps, il y a un mois, j’ai une playlist pour “Rolling Stone”, j’ai remis l’album en entier et j’ai ré-écouté tout l’album en boucle. C’est au-delà du titre, c’est l’album qui est formidable. “Get It Hot” ou “Girls Got Rhythm”, des petits morceaux de deux minutes cinquante, sont super bien écrits. “Highway To Hell” a été fédérateur à cette époque là. Mais quand tu écoutes bien l’album il y a des albums où il n’y a rien à jeter. “Highway To Hell” il n’y a rien à jeter, tout est formidable.

Penses-tu aussi que la mort de Bon Scott ajoute une dimension supplémentaire à l’album ?

FZ : Indéniablement la mort de quelqu’un, et du chanteur emblématique, comme il y en a eu d’autres, oui ça ajoute, oui mais en même temps “Back In Black” (1980) derrière est une sorte d’hommage à Bon Scott. Bien évidemment tout ça joue bien au-delà du niveau de la musique. Le côté affectif, le côté spirituel de l’histoire qui fait que les choses vont être différentes. Mais à partir de ce moment là, il y avait Bon Scott qui était chanteur d’AC/DC et Brian Johnson qui est le chanteur d’AC/DC aussi. Il y a eu des albums fantastiques après le décès de Bon. Personnellement, je préfère Bon Scott pour ce côté à la limite du blues, la chaleur dans la voix, ce n’est pas un hurleur comme Brian, ce côté blues rock est plus séduisant pour moi. Mais quand j’écoute “Thunderstruck”, je trouve le morceau fantastique. C’est avant tout des morceaux fantastiques ! Avant la voix des mecs. Les compos sont extraordinaires.

Quels sont les points forts et les points faibles de “Highway To Hell” ?

FZ : Il n’y a pas de point faible. (rires) Tout est dedans. Nouveau producteur, les titres, des chœurs pour faire plus beau, un son plus propre… il n’y a rien à jeter.

On en était où à l’époque ? De quelle manière AC/DC a changé/influé le paysage musical rock ?

FZ : Il y a eu à la fin des années 70, une sorte de renouveau du metal ou apparenté metal. On a eu Led Zep’, Deep Purple etc. toute une mouvance, puis il y a eu la NWOBHM avec Iron Maiden, Def Leppard. A ce moment là, je pense que ça a été une époque charnière qui a fait que tous ces groupes sont arrivés et ont pu éclore mais AC/DC a peut-être eu le rôle d’avoir la clé pour pouvoir ouvrir la porte aux autres.

Dans quel sens ?

FZ : Dans le sens : “on peut faire de la musique comme ça” et c’est populaire en même temps. Il y a des millions de gens qui aiment le heavy metal mais il faut ouvrir les portes, les pousser, les défoncer. Il faut avoir la clé, de temps en temps, pour ouvrir la serrure et dire : “hey on est là, on existe, on n’est pas pire que les autres, on n’est pas meilleur que les autres”. Fin 70/début 80, c’était vraiment une explosion du metal nouvelle génération.

Quand il t’arrive ce genre de trucs, tu es là au bon moment, au bon endroit, avec la bonne chanson ou avec la bonne formule. Tous ces trucs qui fonctionnent, tu te demandes parfois comment, un an plus tôt ou plus tard, ça n’aurait pas fonctionné, là BIM ils ont le truc, tous les paramètres se croisent pour réussir. Dans la musique, il y a beaucoup de choses comme ça, sur les gros albums comme ça.


Et si cet album sortait demain, on en penserait quoi ? Aurait-il le même écho ? Ou serait-ce simplement une nouvelle sortie CD du vendredi.

FZ : Ce serait bien qu’un album pareil sorte un de ces vendredi justement ! (rires) Pour prouver que ça a toujours existé et que ça existe encore. Mais les radios n’en passent pas. Ce qui peut sauver ou perpétuer le metal, c’est le digital, le Net, les plateformes. Il ne faut plus compter sur les radios. A part moi qui ai la programmation, je peux faire ce que je veux et passer du metal. A part “Highway To Hell” et “Nothing Else Matters” de Metallica, tu n’entendras pas grand chose d’autre. La continuité, et la survie, sont dans la curiosité des gens. De pas se contenter de ce qu’on leur fourgue. “Ça c’est bien, faut que tu achètes ça et aimer ça”. Non, il faut être curieux et peu rebelle en même temps, mais il y a tellement d’outils maintenant pour pouvoir assouvir tout ça. Chercher des groupes, des talents, entre les pages Facebook, voir les concerts, le merch si tu es accro. Depuis le début tu peux être ton propre directeur artistique, avec ton doigt tu peux tout faire. Après c’est à toi d’être curieux et d’avoir envie de le faire. C’est tout.

Quel est ton album d’AC/DC préféré ?

FZ : J’en ai trois. “Powerage” (1978), “Let There Be Rock” (1977) et “Highway To Hell” (1979). Après j’aime bien “For Those About To Rock We Salute You” (1981). Mais les deux premiers cités, ils sont forts. Il y a des titres aussi forts que sur “Highway To Hell” mais ils ne sont pas traités de la même manière donc c’est plus brut de décoffrage.

Donc tu es plutôt “Highway To Hell” que “Back In Black”.

FZ : C’est difficile de comparer. Je ne sais pas, je ne saurais dire plus. C’est un prolongement. “Back In Black” c’est un hommage mais là encore il y a des titres. Si les titres sont pourris, c’est fini. Il y a eu des albums un peu moins bien, qu’on un peu moins bien marché car les titres étaient un peu moins forts. “Thunderstruck”, il y a un ou deux titres sur l’album et le reste bah… Avant tout, dans tout, est une guitare acoustique ou un piano et si tu fais une putain de mélodie, les gens vont l’embarquer et se l’approprier et partir avec. Si le morceau est moyen… mais bon ça c’est très suggestif. Comment, pourquoi, c’est difficile… c’est l’artistique.

Mais après tous ces albums et toutes ces années, les fans attendent-ils vraiment de nouveaux morceaux ?

FZ : Comme les fans des Stones qui attendent encore des tournées et de nouveaux morceaux des Stones. (rires) Bien évidemment. Alors il parait que les maquettes qui ont été faites sont des morceaux de Malcolm Young, on verra bien. Le retour de Brian Johnson, je trouve ça une bonne idée. Axl Rose a fait le job comme on dit, mais pour moi c’est juste pas possible. Il ne peut pas y avoir de troisième chanteur.

En parlant d’Axl, quelle a été ta réaction à l’époque ?

FZ : Je ne suis pas allé voir le concert. Je ne vais pas voir un concert avec Axl Rose. Ils ont pris Axl Rose car ils étaient engagés sur une tournée et qu’il y avait des putains de millions derrière et voilà. Il a fait le job, c’était le meilleure des choix dans ce cas là, peut-être, et puis Axl Rose ça cause à tout le monde aussi.


Après un long silence, le groupe communique beaucoup autour de cet anniversaire, depuis une dizaine de jours. Sachant aussi qu’il y a des rumeurs autour d’un nouvel album, ça sent plutôt bon non ?

FZ : C’est du marketing. Ils buzzent autour de cet album là en ce moment, puis il y aura l’album, le nouvel album, les concerts au Stade de France donc voila c’est remettre la machine en route. Puis l’année prochaine, il y a le quarantième anniversaire de “Back In Black”, donc ils referont un truc aussi. Puis bon, ils en profitent mais on parle quand même de deux putain d’albums !

On fête également les quarante ans des albums “Bomber” et “Overkill” de Motörhead. 79 c’était plutôt sympa en fait ?

FZ : Oui puis quelques autres aussi. Mais ce qui est un peu triste dans tout ça, c’est qu’il n’y a pas de relève. On communique, on est entrain de fêter des trucs de vieux groupes ou d’anciens groupes. On est que sur des trucs comme ça et il n’y a rien de nouveau. Mais il n’y a pas de média qui passent non plus des nouveaux. Les télés ne font plus d’émissions. Ça bouge plus aux USA qu’en Europe de ce côté là. Mais ici on est dans l’urban, plus personne ne passe de metal. Moi j’en passe et puis il y a les trucs sur le Net aussi et c’est terrible.

L’Australie et le hard rock, ça marche plutôt bien. Que penses-tu de la scène actuelle ? Y a-t-il des pépites à tes yeux ?

FZ : J’ai bien aimé un groupe qui s’appelle Electric Mary, et ils ont sorti un nouvel album il y a peu. Puis il y a une chaleur dans le rock australien. Angel City ou The Angels, Electric Mary, Rose Tattoo qui est plus ancien, mais il y a une sorte de chaleur. Mais c’est pareil, c’est bien quand tu fais Adélaïde/Perth en voiture, pendant des heures et des heures, mais il y a plus une radio pour passer ça. Il faut que les gens se rendent compte que Internet peut leur sauver/assouvir leur curiosité et trouver des trucs vraiment intéressants.


Mais nous, fans, on sait déjà assouvir cette curiosité et chercher sur le Net ou sur les réseaux sociaux. Cette optique de faire connaitre au plus grand nombre, penses-tu réellement qu’il faille passer par la télé et les radios ? Internet n’est pas suffisant ?

FZ : Oui dans un premier temps. Quand tu regardes les web radios, c’est pas la panacée. Quand tu arrives à 50 ou 100 000 par mois, puis il faut trouver un modèle et un business derrière pour que ça puisse évoluer, continuer, se structurer et payer les gens. C’est tout un processus. Les dernières émissions musicales à la télé, c’était “Nulle Part Ailleurs” où on voyait passer AC/DC ou Metallica. Il n’y a plus rien à la télé, c’est un lénifiant, c’est terrible terrible.

Hors Australie, il y a des groupes qui te font vibrer en ce moment ?

FZ : Un groupe que j’ai découvert récemment c’est Bishop Gun. Un mix entre Rival Sons et Black Crows, une sorte de chaleur dans les voix et les compos blues, ça j’aime bien oui.

Une fois tous les “vieux” partis, penses-tu qu’il y aura vraiment la place pour des groupes pareils pour s’exprimer et s’exposer plus encore ?

FZ : J’espère. Ça fonctionne en cycle de toute manière. Mais pour ça, il faut que les gens soient curieux et aillent écouter les playlists où il y a du metal, écouter des web radios, continuer d’aller au Hellfest. 180 000 spectateurs, c’est quand même quelque chose de remarquable pour un courant où on nous tape sur la tête sans arrêt. Ce petit village breton. (rires) Puis après j’espère aussi, quand les radios musicales seront allées au bout du truc, parce que ça va taper dans le mur à un moment donné, à passer les mêmes choses tout le temps. J’espère de tout cœur que ça changera. Mais les générations qui arrivent ont d’autres habitudes de consommation.

Elles ne regardent plus la télé mais Netflix ou YouTube. On n’écoute plus la radio parce qu’il y a les plateformes à côté etc. Cela dit, tu auras toujours besoin, dans un cas ou dans un autre, de quelqu’un pour incarner l’Histoire. Tu peux passer dix titres formidables, mais au début ou à la fin, il faut que ça te cause. C’est valable pour la musique, pour la F1, l’art, la cuisine, tout ce que tu veux. Si tu as un référant pour aborder le sujet, les gens qui sont de l’autre côté attraperont plus facilement et ça leur donnera un rendez-vous à ne pas manquer également. Je croise parfois des auditeurs qui me partagent leurs découvertes suite à des émissions, comme quoi ça leur a donné envie d’aller chercher un peu plus. Ça, c’est difficile maintenant et je m’en aperçois.

Enfin, nous sommes “RockUrLife”, donc qu’est-ce qui rock ta life Francis Zégut ?

FZ : Qu’est-ce qui rock ma life ? Là maintenant, j’ai déménagé, j’habite en province donc ça, ça rock ma life. J’ai emmené ma moto donc ça va aussi rocker my life et puis on y est en famille donc j’ai plus à finir tous les jours à minuit, j’ai fait ça quarante-trois ans, je ralentis le rythme mais j’ai toujours la passion pour la musique et via Internet, ça s’arrêtera jamais ! J’arrêterais la musique quand on refermera le capot. (rires)

Site web : byzegut.fr