Interviews

ENTER SHIKARI (15/03/16)

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Juste avant leur concert à Paris, RockUrLife a rencontré Rou et Batty C d’Enter Shikari. On a parlé de la tournée, de censure, d’économie, et bien plus encore.

D’abord, comment ça va ? Vous êtes en tournée depuis un moment maintenant, vous devez être épuisés !

Chris “Batty C” Batten (basse) : (rires) Je crois que ça va ! On a fait une petite pause entre les concerts au Royaume-Uni et le reste de l’Europe, des petites vacances, donc on a rechargé les batteries et on est prêt à repartir.

Vous avez des concerts programmés jusqu’en août prochain, y en aura t-il encore d’autres après ?

Rou Reynolds (chant/guitare/synthé) : Pas vraiment, ça va clore cette période. On n’a même pas beaucoup de festivals cet été, on y va doucement, pour arrêter petit à petit. On ira peut être en Australie dans ces eaux là, aux alentours de septembre. Mais après, on retourne en studio.

 

 

Déjà des idées de ce que vous allez faire en studio ?

R : Oui, en fait on a déjà quelques petites démos ! (rires)

Vous avez déjà joué un peu partout dans le monde, y a-t-il un endroit où vous aimeriez jouer où vous n’êtes pas encore allés ?

B : Ouais, je parlais à un gars mexicain hier, et il me demandait pourquoi on n’était jamais venus jouer en Amérique du Sud, et c’est vrai, on a jamais fait de concert là bas, et c’est quelque chose qu’on voudrait changer, par exemple !

 

 

Avez-vous déjà eu des problèmes pour jouer quelque part à cause de votre engagement politique ?

R : Pas vraiment, en tout cas rien ne me vient à l’esprit. Il y a quelques fois ou on a eu un peu peur. On a joué en Russie en plein milieu du scandale avec les Pussy Riot. Et on les soutenait sur scène, dans les festivals tout cet été là, il y a deux ou trois ans. Et on a été signalés à la TV de l’Etat russe, aux infos, avec quelques autres groupes. On s’est dit “oh merde”. C’était un peu bizarre. On a aussi joué en Malaisie, qui est un pays très strict et très religieux, et on s’est dit qu’on allait devoir faire attention, mais ça a été. Je crois que c’est parce qu’on est encore un groupe underground, avec juste ces quelques moments où on sort la tête vers le mainstream. (rires)

Que feriez-vous si, un jour, l’un ou plusieurs de vos morceaux étaient censurés ? Des groupes ont eu ce problème en Chine par exemple. Joueriez-vous le concert quand même ?

R : Je ne sais pas. On n’a jamais eu vraiment affaire à ça. Je ne sais pas ce que tu es censé faire dans ces situations. Je n’ai pas particulièrement envie d’aller en prison en Chine (rires), mais en même temps tu ne veux pas ne pas jouer de musique, surtout si tu as des fans là bas. Donc je pense que je ne chanterai simplement pas les paroles qui posent problème.

 

 

Et pour ce qui est du Royaume-Uni ? Puisque le gouvernement est très conservateur, n’avez-vous pas eu affaire à des initiatives essayant de saboter des événements culturels alternatifs ? On a eu ce genre de chose en France.

R : Je ne pense à rien en particulier, mais je crois qu’on va dans cette direction. Par exemple, en ce moment, il y a un débat pour savoir si les dirigeants de la BBC ne devraient pas être nommés pas une autorité gouvernementale. Ça en ferait une diffusion d’état, comme en Russie ou en Chine. Donc ouais, on va par là.

Est-ce que ce genre de climat donne sa forme aux textes de vos morceaux ?

R : Oui, c’est une grosse influence. On parlait à un groupe de chez nous qui s’appelle The King Blues, et ils se sont reformés à cause de la politique et de ce qui se passe avec notre gouvernement en ce moment. Donc oui, ça peut vraiment inspirer. Mais je crois que notre musique est inspirée par énormément de choses, et pas uniquement la colère, on est aussi de gros hippies (rires) alors on soutient la paix et l’amour !

 

 

Vous écrivez sur beaucoup de thématiques politiques, y a-t-il aussi des sujets plus personnels qui vous inspirent ?

R : Oh oui ! En général, je ne différencie pas le politique et le personnel, en fait. Parce que chaque expérience déclenche une émotion, donc ça finit par devenir personnel. La plupart de nos paroles sont un peu abstraites, elles abordent ces larges concepts, donc je suis presque plus influencé par la philosophie que par la politique. Il faut savoir prendre du recul, avoir de la perspective. Mais oui, comme je le disais, c’est l’un des buts principaux de la musique, déclencher des émotions.

Est-ce que vous essayez de faire passer des émotions en particulier (pour ceux et celles qui vont vous écouter), quand vous écrivez ou composez ?

B : Je crois qu’on sait assez rapidement quel genre d’émotion ressort d’un morceau, et c’est ça qui nous permet de décider ce qu’on va en faire après, ou de quoi Rou va parler dans les paroles. Donc c’est l’émotion qu’on reçoit d’un morceau qui nous guide.

R : (réfléchit) La musique est le seul dictateur qu’on…

… respecte et obéit ? (ndlr : en référence aux paroles de “Hello Tyrannosaurus, Meet Tyrannicide”)

R : Oui ! (rire général)

 

 

Encore une question sur la politique : dans une récente interview, vous avez dit que la racine de la plupart des problèmes aujourd’hui se trouvait dans le capitalisme lui-même. Qu’est-ce que vous pensez des alternatives dont on entend de plus en plus parler, comme le Revenu Universel ? Il va être testé en Finlande sous peu.

R : Oui, c’est génial ! Je crois qu’il y a quelques villes en Hollande où ils l’ont testé aussi. Je pense que c’est impératif qu’on aille dans ce sens. Le progrès technologique supprime des emplois, et il l’a toujours fait ! Avant, les gens travaillaient beaucoup dans l’agriculture, la machinerie, et tout ça a disparu. Il restait surtout le secteur des services, mais on a commencé à voir les employés de banque être remplacés par des machines, pareil pour les restaurants, et quasiment tout. Donc il ne reste pas tant d’endroits que ça où des emplois peuvent être créés, ce qui devrait être vu comme une bonne chose, mais ça me l’est pas, car on vit encore avec cette philosophie de travailler dur pour mériter son salaire. Mais ça devrait en fait permettre aux gens de faire d’autres choses, d’être plus créatifs, artistiques, d’avoir du temps pour la recherche, toutes ces choses avec lesquelles on a encore du mal. C’est parce qu’on est dans cet état d’esprit très difficile, et on arrive pas en sortir. Mais oui, je pense que le Revenu Universel est la façon la plus censée d’avancer.

Pour en revenir aux concerts, il y a quelque chose de très intéressant avec Enter Shikari : vous avez des textes très véhéments, une musique très incisive, et pourtant vos concerts sont toujours très festifs. Comment expliquez-vous cela ?

B : Je crois qu’on essaye de pas trop se prendre au sérieux sur scène. On veut que les gens viennent et s’amusent, c’est le genre d’environnement qu’on veut créer. C’est toujours comme ça qu’on a vu la scène, donc c’est juste ce qui nous représente j’imagine. (rires)

R : Ouais, c’est la célébration de la communion, et c’est sans doute le truc qu’on a toujours eu en tête, de notre premier album à aujourd’hui. Cette unité, le fait que la musique ait rapproché les gens depuis des milliers d’années, pour fêter la vie.

 

 

Une dernière question : notre site s’appelle “RockUrLife”, donc notre question traditionnelle est : qu’est ce qui rock vos vies ?

R : (réfléchit) Le moment où j’ai été le plus heureux ces dernières vingt-quatre heures, c’est quand j’ai mangé une baguette au blé complet avec du vinaigre balsamique, de l’huile d’olive, et juste un peu de sel. C’est juste… si simple mais si bon ! Je disais “juste un morceau, OK encore un” et au final j’en ai mangé quatre ! C’est ça qui rock ma life.

B : Oui, on a vraiment un truc avec la bouffe. (rires) Juste avant d’arriver ici hier, j’ai mangé une tarte poire-chocolat. C’était délicieux. Donc ouais, surtout la nourriture. Ca rock notre monde.

 

 

Site web : entershikari.com