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EMPLOYED TO SERVE (06/10/21)

English version

Deux années séparent Conquering (2021) de Eternal Forward Motion (2019). Deux années durant lesquelles Employed To Serve a rongé son frein, comme le reste de la planète, ne pouvant prendre les routes pour défendre son excellent troisième album. Et plutôt que d’attendre gentiment que cela se passe, le groupe de Woking s’est remis au boulot pour nous livrer ce nouveau brûlot, destiné à tout terrasser sur son passage. On a profité de cette occasion pour tailler le bout de gras avec Justine Jones (chant) et Sammy Urwin (guitare/chant), partenaires à la vie et à la scène. L’opportunité de découvrir des musiciens humbles, accessibles et ravis de toutes les portes qui semblent s’ouvrir à eux.

Salut Justine et Sammy, comment avez-vous géré cette période compliquée à devoir rester chez vous ?

Justine Jones (chant) : Plutôt bien pour être honnête ! Ce n’était pas désagréable de pouvoir passer un peu de temps ensemble à la maison et de nous poser un peu pour prendre le temps de réfléchir à tout cela. Mais en dehors du fait que c’était parfois très ennuyant, cela s’est bien passé.

Sammy Urwin (guitare/chant) : Oui la période que nous avons tous et toutes traversée au début de l’année a été vraiment dure puisque nous nous attentions à pouvoir sortir de nouveau, revoir nos amis et aller en concert et un nouveau pic de la pandémie est apparu. Mais désormais tout cela me semble très lointain, et on est impatients de reprendre la route !

Justine : On a cinq shows prévus le mois prochain, dans des villes où nous n’avons pas joué depuis au moins cinq ou six ans. On est super pressés d’y être ! Cela va être une sorte de célébration de la sortie de l’album et un petit échauffement pour l’intense année 2022 qui nous attend !

Sammy : On n’a pu jouer qu’un seul concert en deux ans et la perspective de devoir enchainer direct sur la tournée avec Gojira, tout en devant jouer plein de nouveaux titres que nous n’avons jamais interprété en live, c’était trop flippant ! Donc on s’est calé ces quelques dates pour adoucir la transition.

Justement, comment appréhendez-vous cette tournée à venir avec Gojira ?

Sammy : On est fans du groupe depuis tellement d’années maintenant. On les a découvert avec From Mars To Sirius et c’est tellement un honneur de se dire que l’on va prendre la route avec eux. C’est un rêve qui se réalise, quelque chose dont j’ai envie depuis les avoir vu en concert en 2006. Ils nous avaient contacté il y a quelques années car une de leur première partie a annulé sa présence au dernier moment et nous avait demandé si c’était possible pour nous de les remplacer. Malheureusement nous étions déjà engagés sur un autre plan donc on avait décliné l’invitation. Mais on est restés en contact depuis lors et on espérait secrètement que cela débouche sur une tournée un jour ! Et c’est le cas !

Justine : Je me souviens qu’on avait regardé leur show lors du dernier Hellfest, c’était incroyable.

En parlant du Hellfest, pourquoi vous infliger de jouer avec vos vestes qui avaient l’air de vous tenir super chaud sur scène ?

Sammy : (rires) Oh mec mais c’était tellement dur ! Je crois que la température dépassait facilement les 30 degrés et on n’en pouvait plus de jouer avec nos vestes ! Je crois que c’est l’une des dates où nous avons le plus transpiré, où il a fait le plus chaud.

Justine : Cette même année nous devions jouer en Arizona, aux Etats-Unis, et il fait super chaud là-bas. On nous avait prévenu de la chaleur et on avait répondu : “oh ne vous inquiétez pas, on a joué au Hellfest en portant nos vestes !” (rires). C’est pour cela que nous avons pris la décision de les couper ensuite !

Avez-vous le sentiment que cette tournée à venir avec Gojira est une étape franchie dans votre carrière ?

Justine : Tout à fait. Se dire que nous partons pour trois mois de tournée, à jouer plus de trente concerts en leur compagnie, tous les soirs dans des salles contenant autant de monde que si nous jouions en festival, c’est incroyable. Je pense qu’en plus Conquering est l’album parfait pour cette tournée. C’est notre meilleur album à ce jour et il a cette vibe metal fédératrice qui va parfaitement se marier avec le set de Gojira je suis sûre.

Sammy : Quand on a commencé à travailler sur l’album et que l’on s’est rendu compte que ce serait un album très fédérateur, avec beaucoup de gros refrains, on espérait avoir l’opportunité de pouvoir porter ces chansons devant une audience massive. Et c’est à ce moment que Gojira nous a appelé pour partir en tournée. C’était idéal.

Justine : L’univers s’en est mêlé et nous a rendu un fier service !

En effet, ce nouvel album semble puiser son inspiration dans des références metal plus traditionnelle. Est-ce que le fait d’avoir récemment changé de batteur vous a poussé dans cette direction ?

Sammy : Pas vraiment, disons que tout s’est bien goupillé une fois de plus. Nous avions envie de partir dans cette direction plus metal. Notre ancien batteur avait un style plus punk/hardcore, ce qui nous allait parfaitement à l’époque. Mais nous commencions à avoir envie d’autres couleurs pour notre musique et notre nouveau batteur était totalement dans cette vibe aussi. On a pu explorer nos envies sans se restreindre car nous savions qu’il serait en mesure de pouvoir nous suivre et insuffler l’énergie nécessaire.

Justine : Une fois de plus, l’univers nous a bien aidé !

Vous avez déclaré à plusieurs reprises que Conquering était un album au message positif. Est-ce que votre expérience de la pandémie a influencé cette démarche ?

Justine : J’en suis sûre oui. Lorsque nous nous sommes mis à travailler sur l’album, nous sortions de plusieurs mois de confinement et nous vivions un bel été en Angleterre, pour une fois ! (rires) On se sentait très chanceux d’être passé à travers toutes ces horreurs, et en même temps nous constations les situations horribles que beaucoup de gens vivaient. Beaucoup de nos proches ont perdu leur job à cause de la pandémie. Alors nous n’avions pas du tout envie d’écrire un album négatif car nous n’avions pas le sentiment que c’était ce que les gens voulaient entendre. Nous voulions sortir un disque qui allait motiver nos fans à s’en sortir.

Sammy : On voulait sortir l’album que nos fans vont se passer quand ils passent une mauvaise journée ou quand ils sont de mauvaise humeur, pour se sortir d’une spirale négative. C’était la vibe que nous voulions transmettre. On espère que notre album va donner au gens de reprendre le pouvoir sur leurs vies et de s’en sortir de toute la merde qui nous est tombée dessus depuis dix-huit mois.

© Andy Ford

Comment vos fans ont accueilli ce message d’espoir ?

Justine : Plutôt bien je crois. J’ai reçu beaucoup de tweets de personnes jouant notre album durant leur séance de sport ! (rires)

Sammy : Notre musique est toujours sérieuse, les paroles sont premier degré et ne prêtent pas forcément à rire. Mais avec nos clips, on essaie de parfois donner un mood plus léger. Je ne crois pas que les gens veulent voir un autre clip qui va leur montrer le désespoir et la misère.

Justine : On a envie de s’amuser. Nos répétitions ne sont pas que des moments où nous travaillons d’arrache-pied, ultra sérieusement. C’est aussi beaucoup de rigolade et tout simplement le plaisir d’être tous ensemble après en avoir été privé pendant des mois.

N’avez-vous pas peur justement de perdre des fans en quittant ce cliché du groupe de metal qui se veut sombre et grave ?

Justine : Notre ambition est devenir leur groupe plaisir coupable préféré, qu’ils écoutent même s’ils veulent paraître très sérieux ! (rires)

Sammy : Tout dépend de ce dans quoi le groupe s’engage. Je ne crois pas que le notre ait tout fait pour que l’on ait une image grave et sérieuse. Bien sûr nous sommes très sérieux lorsqu’il s’agit de jouer de la musique mais je ne crois pas que notre groupe véhicule cette image au global. Les gens nous connaissent et savent que nous ne sommes pas comme cela dans la vraie vie. En conséquence, le groupe est une extension de nos personnalités et présente ainsi les divers aspects de nos vies.

Les groupes anglais semblent avoir l’ambition d’apporter une dimension sociale plus importante via leur musique que dans le reste du monde. Faire un constat négatif de ce qui ne va pas dans le monde ne semble pas suffire, beaucoup de groupes promeuvent un message de solidarité dans la difficulté. Est-ce que c’est quelque chose qui vous anime également ?

Sammy : Bien entendu. Il y a beaucoup de choses dans ce monde que nous ne contrôlons pas mais que nous subissons quand même. Donc ce qui nous reste à faire, c’est de promouvoir une mentalité positive qui va inspirer les gens à faire le bien à leur niveau. On ne résoudra pas la crise écologique via notre album, mais on peut encourager les gens à adopter une mentalité positive qui se tourne vers les autres et qui les pousse à agir pour le bien.

Justine : Quand tu vieillis, tu t’extraies de cette rage adolescente qui t’anime et tu te rends compte que tu as la possibilité d’envoyer un message positif et d’avoir une influence dans ce sens. Cela passe par de petites choses comme encourager les gens à utiliser une gourde plutôt que les bouteilles en plastique, ou simplement être gentil envers ses semblables.

© Andy Ford

Cette tournée avec Gojira représente donc une progression significative pour Employed To Serve. Comment est-ce que vous envisagez la suite ?

Justine : Cette tournée va déjà nous donner la possibilité de quitter notre ville pendant plusieurs mois, et c’est génial. On adore notre ville mais elle devient un peu chiante avec le temps ! (rires) Quant au futur, évidemment on essaie de grandir et grossir mais même si cela n’arrive pas, le but étant de continuer à jouer de la musique dont on est fiers, de rencontrer de nouvelles personnes et d’avoir la possibilité de jouer avec les groupes que l’on aime. On est juste très heureux de faire ce métier.

Sammy : Au départ, notre but était simplement de jouer avec des groupes locaux que nous respections et éventuellement de signer sur un label un peu cool. Donc forcément, quand tu as la possibilité de tourner avec Gojira, tout ce qui vient avec c’est du bonus dont on profite sans réfléchir. On a l’ambition de grossir et de jouer devant toujours plus de monde, mais notre but ultime est de continuer à jouer de la musique, peu importe où. Après c’est sûr qu’avec cet album, notre envie est de tourner le plus possible après avoir passé près de deux ans à la maison. Habituellement on sort un nouvel album tous les deux ans, mais là nous ne planifions rien car on veut vraiment jouer cet album sur scène le plus possible.

Voir des groupes comme Bring Me The Horizon ou Architects, venant de la scène metal underground pour devenir les mastodontes que l’on connait aujourd’hui, est-ce que cela vous inspire et vous donne envie d’emprunter ce chemin ?

Sammy : Pas tellement pour être honnête. Bien sûr, la musique d’Architects est très agressive et les voir jouer devant autant de monde et aussi gros c’est génial pour la scène metal anglaise. Mais je crois que nous puisons notre inspiration dans des groupes dont la progression est peut-être plus linéaire, comme Lamb Of God ou Everytime I Die.

Justine : Ou Gojira évidemment ! On aime voir les progressions lentes. On préfère suivre le modèle des groupes qui jouent depuis longtemps et sont solides d’albums en albums.

Sammy : BMTH et Architects rencontrent un succès fou et qui est totalement mérité. Mais j’ai le sentiment que ces types de groupes mettent parfois une pression particulière à sortir des albums qui vont les propulser en haut de l’affiche. On préfère jouer notre musique sans trop réfléchir, en être fiers avant tout et se construire une carrière petit à petit. Je trouve qu’Everytime I Die est un parfait exemple. Ils continuent de sortir des albums de qualité à chaque fois, mais ne jouent pas dans des arenas tous les week-ends et pourtant, se tournent parfois vers des artistes plus accessibles, ou plus undergrounds.

Justine : Il y aussi que la musique que BMTH et Architects jouent est bien plus accessible que ce qu’on pourra jouer. Notre groupe n’est pas tourné vers devenir aussi pop. Je ne dis pas que je n’apprécie pas leur musique, je dis simplement qu’ils évoluent sur un registre différent qui, forcément, leur amène un public et une notoriété différente. C’est tellement dur d’écrire des pop songs ! BMTH est un groupe pop depuis quelques années maintenant et ils ont un talent fou pour écrire ces chansons, que nous n’avons pas. On est un groupe de metal, et cela nous va très bien.

Notre site s’appelle RockUrLife, donc question traditionnelle : qu’est ce qui rock votre life ?

Justine : Oh… Le café !

C’est fou le nombre d’artistes qui répondent café…

Sammy : Le café et les riffs ! Cela ferait un super nom d’album d’ailleurs.

© Andy Ford

Site web : employedtoserve.com

Nathan Le Solliec
LE MONDE OU RIEN