Interviews

DEAFHEAVEN (07/10/18)

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Cela ne fait aucun doute, Deafheaven a sorti l’un des meilleurs albums de l’année 2018 avec “Ordinary Corrupt Human Love”. Le groupe originaire de San Francisco poursuit son ascension au sein de la sphère metal internationale à un rythme effrené. RockUrLife a eu la chance de pouvoir s’entretenir avec Dan Tracy, batteur de la formation, quelques heures avant le dernier concert parisien à La Maroquinerie. L’occasion d’aborder les thématiques de ce nouvel album et ce qui fait que Deafheaven soit un groupe résolument à part.

Salut Dan ! Cela fait longtemps qu’on ne vous avait pas vu à Paris.

Dan Tracy (batterie) : Salut ! En effet, nous ne sommes pas venus ici depuis trois ans environ. Nous étions impatients de revenir, c’est notre ville préférée en Europe.

Vraiment ? Ou vous dites ça dans toutes les villes ?

Dan : (rires) Non vraiment ! J’adore cette ville, elle est magnifique. J’adore la vibe très artiste qui règne ici. Tout le monde semble dans le même mouvement tous ensemble. Il y a un vrai sentiment de communauté et les gens sont très avenants. Aujourd’hui nous avons juste eu le temps d’aller nous balader dans les rues jusqu’au Père Lachaise, qui est l’un de nos endroits préférés. Nous étions ravis d’apprendre que la salle de concert en était très proche. Nous y sommes allés, nous avons fumé un joint tout en regardant les tombes. (rires) Nous essayons de nous y rendre à chaque fois que nous venons à Paris.

En parlant de villes, nous avons le sentiment que votre nouvel album “Ordinary Corrupt Human Love” est bien plus lié à votre ville, San Francisco, que les précédents.

Dan : Oh oui c’est sur ! Tout le packaging de l’album, ainsi que l’artwork ont été prises pas Sean Stout. Elles proviennent toutes du downtown de San Francisco. C’est un mode de vie qui nous entoure tous les jours.

A quel point cette ville a t’elle eu une influence sur vous en tant que musiciens ?

Dan : Nous avons passé notre vingtaine à San Francisco. Après, quelques membres du groupe ont déménagés, surtout à Los Angeles. Mais nos années de formation en tant que musicien, et tant qu’être humain aussi, nous les avons passés à San Francisco. Nous nous sommes tellement amusés, nous avons énormément fait la fête, nous rencontrions de nouvelles personnes tout le temps. On sortait, on allait dans les bars, voir des concerts. On a vécu la vie de la ville au final. Ca a eu une influence énorme sur nous en tant que personne, c’est sur. Nous étions immergés dans la zone métropolitaine de la ville, d’immenses endroits dans lesquels tu trouves des choses vraiment cools. Sur scène, nous avons un écran qui diffuse des vidéos pendant le concert. Ces vidéos nous montrent en train de déambuler dans San Francisco. Elles ont toutes été tournées par Sean Stout qui nous filme tous les jours en studio ou sur la route, juste histoire de documenter notre carrière. Et nous utilisons ces vidéos pour montrer la ville sur scène.

La plupart de vos concerts sur cette tournée sont complets, dont celui de ce soir à Paris. Comment vous sentez-vous à propos de ça ?

Dan : Cette soirée à Paris est vraiment celle que nous attendions avec impatience. Rien que le simple fait d’être à Paris nous rend incroyablement heureux. Et y jouer un concert complet est le dernier paramètre pour que ce soit une soirée géniale.

A t’entendre parler de Paris, on distingue que vous entretenez une relation spéciale avec cette ville.

Dan : Oui je pense que cela vient du fait que nous sommes très amis avec un groupe qui s’appelle Alcest. Les membres du groupe vivent à Paris. On m’a dit que San Francisco est la ville la plus européenne des Etats-Unis. Je pense que cela joue dans le fait que nous aimions Paris. Nous y ressentons peut-être des choses similaires et y rencontrons des gens qui aiment l’art, s’amuser et être heureux.

Votre groupe mélange des styles musicaux très différents. Ce qui attire parfois les critiques. Comment gérez-vous les reproches que l’on fait à votre groupe ?

Dan : La plupart du temps on s’en fout. Je veux dire, nous avons appris à ne pas y faire attention. Si c’était le cas, nous perdrions un temps considérable. Nous ne voulons pas que cela ait une influence sur le groupe. Nous ne voulons pas que cela impacte notre manière d’écrire nos chansons parce que tel mec a dit telle connerie. Nous sommes juste un groupe de musique. On se réunit dans une salle, on joue de la musique et ce qui doit arriver arrive. C’est très organique.

Justement, vous avez révélé que certain membres du groupe n’avaient pas bien vécu les critiques reçues par votre précédent album, “New Bermuda“. Quand nous écoutons le nouvel album, nous avons le sentiment que vous vous êtes accordés plus de liberté dans l’écriture. Quelque part, ces critiques vous ont peut-être un peu aidé ?

Dan : Il y d’énormes différences entre “New Bermuda” et le nouveau. Surtout pour ce qui y est du processus d’enregistrement qui a été bien plus détendu que pour l’album d’avant. Nous avions une deadline de la part du label pour “New Bermuda”, nous faisions beaucoup plus la fête aussi. (rires) Je crois que tout cela a énormément joué. Donc oui de grosses différences avec le nouveau du coup. Mais je pense que ce nouvel album représente la meilleure vision que nous pouvons avoir de notre art. Nous avons pris notre temps pour créer quelque chose d’original et d’intéressant pour nous tous. Et je pense que nous avons réussi.

Est-ce que votre manière d’écrire a évolué depuis vos débuts ?

Dan : Pas vraiment. C’est quelque chose de très collaboratif. Kerry ou Shiv amène une idée de riff sur la table. Ensuite j’y applique une idée de rythme, notre bassiste Chris y ajoute des lignes de basses très cools. C’est très organique. Généralement, tout ça se passe dans notre salle de répétition. Et nous construisons la chanson pièce par pièce.

Quelle était votre idée principale derrière cet album ?

Dan : Je ne pense pas qu’il y ait d’idée principale derrière cet album. Mais nous sentions une vibe bien plus positive qu’à l’accoutumée, nous voulions ajouter de la lumière à notre musique. Ajouter de la lumière à ce monde très sombre ! (rires)

Comment avez-vous géré le fait de mélanger vos influences habituelles assez agressives avec quelque chose de plus positif ?

Dan : Par exemple, de mon côté à la batterie j’avais pour habitude de jouer des choses très rapides, en tapant très fort. Les voix de George étaient, et sont, toujours très caractéristiques. La vibe est en fait venue des guitares et des basses. C’est venu également de ces magnifiques cordes. Et nous nous sommes tous adapté à ça en jouant nos instruments sur cette nouvelle base.

Etait-ce un désir commun d’évoluer vers quelque chose de plus lumineux ?

Dan : Kerry est arrivé un jour, il s’est assis derrière le piano et nous a joué la première chanson de ce nouvel album, “You Without End”. Tout le monde dans la pièce était soufflé, vraiment nous n’en revenions pas d’à quel point cette chanson était belle. Je crois que tout est dit ! (rires)

Vous avez eu la chance de pouvoir jouer avec des légendes du metal. Quel est ton meilleur souvenir issu de ces rencontres ?

Dan : Nous avons joué une courte tournée en ouverture de Slipknot, quelque chose comme quatre concerts je crois. C’était génial de jouer avec ces mecs dans des arenas, soit les plus grandes salles dans lesquelles nous avons été amené à jouer. C’est définitivement un moment fort de notre carrière. C’était si impressionnant de jouer devant autant de monde. Nous sommes habitués à jouer devant de grandes audiences en festival mais là c’était encore une étape au dessus. On a joué dans des stades pour match de basket, tu imagines ?

N’avez-vous pas eu peur de jouer avant Slipknot ? Leur fans sont réputés pour être difficiles à manier.

Dan : C’est un risque à chaque fois que tu joues avant un groupe plus gros que le tien. Il y a toujours un risque à ce que le public ne soit pas réceptif.

Cependant, on a le sentiment que les gens sont plus ouverts d’esprits aujourd’hui.

Dan : On est en 2018, tu n’as plus vraiment besoin d’adhérer à un seul groupe ou à un seul courant musical pour être “cool”.

Merci beaucoup Dan. Une dernière question avant de partir. Notre média s’appelle “RockUrLife”, alors qu’est-ce qui rock ta life ?

Dan : Etre sur la route. Toute cette année nous l’avons passée sur la route, à jouer des concerts, à être en tournée, à rencontrer de nouvelles personnes dans des villes géniales comme Paris. Tout ça rock ma life ! J’adore découvrir de nouvelles villes pendant que je suis sur la route. Je n’avais jamais eu l’opportunité de me rendre en Europe avant d’intégrer le groupe, c’est tellement cool.

 

 

Site web : deafheaven.com

Nathan Le Solliec
LE MONDE OU RIEN