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CRACKITY FLYNN (06/11)

Ces trois potes parisiens se sont réunis pour créer et composer un EP prometteur ainsi que des lives énergiques et dansants. Aussi bien influencés par l’indie rock que par la pop, le trio distille une musique énergique aux accents anglo-saxons, tout en laissant la part belle aux mélodies. Rencontre dans un bar/salon de tatouages de la rue Saint-Honoré.

Salut les gars, merci de nous accorder un peu de votre temps, on va commencer par une question sur le groupe. D’où vient ce nom : Crackity Flynn ?

Martin (basse) & Julien (batterie) : On va laisser Matthias répondre…

Mathias (chant/guitare) : Je suis un énorme fan des Pixies, et du coup ma chanson préférée des Pixies s’appelle “Crackity Jones”, et le mot “crackity”, c’est de l’anglais argot. C’est un mot un peu tordu, qu’on ne trouve pas nécessairement dans les dicos. Ça pouvait être bien de se l’approprier en nom de groupe. Si tu tapes crackity sur google, tu as la chanson des Pixies et nous…

Et le Flynn ?

Martin : Allez avoue mec….

Mathias : (rires) C’est une référence à Rob Flynn de Machine Head. C’est pour le contraste. On est des “popeux” mais on est aussi des “metalleux”. On aime autant le deathcore que la folk. C’est ce qui nous rapproche.

Martin : Ouais c’est clair. Matthias et moi on s’est connu à l’école et on parlait beaucoup de hardcore, de metal… On parlait de The Chariots ou de Bon Iver. Et on s’est dit, “putain mec un jour faut faire un groupe de hardcore”, et julien aussi… En fait, leur ancien bassiste s’est barré donc ils m’ont appelé moi. Et au final, ça a donné Crackity Flynn et on fait de la pop. Mais l’essentiel, c’est de faire de la musique ensemble. Ce côté hyper hétérogène dans le groupe.

Donc vous êtes un groupe tout jeune, ça fait combien de temps que vous jouez ensemble ?

Martin : On joue nous trois ensemble depuis même pas un an, mais après le groupe existe depuis un moment.

J : Ouais depuis novembre dernier quand Martin est arrivé.

Mathias : J’avais un groupe de potes avec qui je jouais. On avait 2 ou 3 compos, et j’ai commencé à vouloir faire des répets sur Paris et les gars se sont barrés chacun de leur côté par rapport aux études. Le batteur est parti en premier, et je connaissais déjà Julien, et j’étais là en mode : “okay viens vite dans mon groupe !” et au final je me suis rendu compte que Julien était bien plus approprié que le précédent batteur, et c’est pareil avec Martin. Le soir même où j’ai senti que le bassiste allait se barrer, j’ai appelé Martin, et il s’avère que grâce à lui on avance beaucoup plus vite qu’avant.

Un alchimie créée par un concours de circonstances…

Matthias : Exactement. Au final, il fallait qu’on joue ensemble.

Martin : Il y a surtout ce côté où on aime les mêmes choses. On écoute la même merde californienne et le même metal pas connu. On joue aux mêmes jeux sur console, on les mêmes délires, on est vraiment des gamins. Il y a vraiment ce côté on est pareil tous les trois.

Vous avez joué l’autre soir au Klub pour la soirée I-Scream Asso. Vous aviez fait d’autres lives avant ?

Tous : Ouais une dizaine, qu’à Paris.

Matthias : Pourtant aucun de nous n’est parisien, mais on se centre sur Paris.

Martin : Par exemple, moi je viens de Lyon qui est une ville très rock, plutôt hardcore, et quand je suis arrivé à Paris, c’était la pleine vague des baby rockers, et quand le soir mes potes me disaient : “allez viens on va voir un concert !”, je n’avais pas envie d’y aller, parce que ça me faisait chier. On voit plein de groupes auxquels je n’adhère pas réussir alors que d’autres qui en valent le coup reste dans l’ombre. Après t’as envie que ça bouge ! Donc si on peut faire un peu avancer les choses sur la scène française, et ben ce sera pas mal.

 

 

Donc en gros, la nouvelle French Touch, est une réaction à la mouvance des baby rockers ? Et le fait que les français ne voient que le facteur de commercialisation de la musique fashion et bankable ?

Martin : En fait, moi j’ai pas mal de potes qui font du hardcore, qui jouent partout en Europe, ils sont adeptes du “do it yourself”, l’entraide sur la route, ils demandent pas de cachets pour les concerts, ils se démerdent, tu vois ? Et de l’autre côté, tu as des groupes commerciaux qui juste des produits. Nous on essaye de faire du rock accessible mais pas trop facile avec un sens, on joue un peu sur les deux tableaux…

Mathias : Pour ma part, c’est surtout les compos. J’adore être tout seul dans ma chambre et composer. Depuis tout petit mes influences c’est totalement anglo-saxon, et la vague des baby rockers, des le début, j’ai été en rébellion par rapport à ça. Il faut prouver que sur Paris, il y a d’autres gens qui font des trucs différents. Par rapport à mes influences, et maintenant nos influences cumulées, on ne peut être qu’en opposition à cela.

Martin : En ce moment le rock 90’s un peu noisey, un peu shoegaze revient à la mode, avec des groupes un peu plus fuzzy, à la Smashing Pumpkins, qui est un groupe que je vénère. Du coup, on a un peu cette chance là de pouvoir tomber à un moment où ce carcan nous est accessible. On aime particulièrement les groupes suivant la vague créée par Joy Division, avec des gars comme The Editors, un peu cold wave… On aime bien ce côté-là. Après on ne fera jamais de la new wave, mais on s’inspire de cet héritage.

Donc pas d’introduction de claviers…

(Rires)

Martin : C’est vrai qu’il y a un grand retour des synthés dans le rock mais…

Mathias : pourquoi pas s’il y a un quatrième membre…

J : Ouais voilà, un jour peut être

Alors un quatrième membre, s’il y a le choix entre un guitariste soliste qui envoie le bois, et un mec qui déchire aux claviers…

Tous : (en cœur) Le guitariste !

Mathias : Un mec avec une pédale de chorus, une pédale de delay, et qui riff vachement planant… Là je suis aux anges.

Martin : En fait on est des gros fans de post rock, et il y a souvent deux ou trois grattes, qui ont chacune leur ligne, une qui tabasse, l’autre qui est vachement mélodique… J’aime bien ce côté-là, d’avoir une vision très mur du son avec de la mélodie à côté.

J : Je pense qu’une gratte en plus nous aiderais à franchir le cap de ce genre de choses.

L’impression que l’on a en vous écoutant, c’est que la musicalité est une chose très importante dans votre formation, vous privilégiez les textes ou la structure ?

J : Pour ma part, la musicalité prime. C’est Mathias qui écrit tous les textes, il nous en parle, nous explique la signification des lyrics, et là on est… Enfin je sais pas ce que vous en pensez, mais… J’ai vraiment l’impression que c’est le côté musical que l’on souhaite mettre en avant, plus que les paroles, enfin je sais pas…

Martin : Moi je pense que l’on peut à la fois être efficaces dans le son pour que les gens bougent et retiennent le morceau, comprennent les paroles…

J : Ouais, que ce soit pas concon !

Martin : En fait, on est complètement américains, plus que brit, à part quelques rares groupes (Bloc Party, Arctic Monkeys, Les Beatles). Mais on est beaucoup plus ricains, presque californiens. On cherche ce côté gros son, mais avec une touche de noise anglaise.

 

 

On peut vous définir comme un groupe français, produit à l’américaine, mais influencé par le rock californien et la pop anglo-saxone.

Martin : Carrément. On est a fond dans la pop écossaise. C’est Julien qui nous a mis là dedans.

Mathias : On est très influencés par des groupes écossais, comme Biffy Clyro, et d’ailleurs dès nos premiers concerts, on a été comparés à ces groupes.

Martin : En Ecosse il y a Mogwai, qui est complètement post rock, et qui est un groupe qui recherche l’efficacité mélodique avec un gros son. Il y a le label Fat Cat, qui signe ces groupes très efficaces et très noisey.

Mathias : Carrément. Il y a des groupes qui ont un son assez différent, et recherché, mais qui peuvent être commerciaux dans le sens bon du terme, c’est-à-dire qui peuvent se vendre.

Martin : C’est un peu l’indie de stade. Ils pourraient jouer dans un club de 30 personnes et devant 20 000 personnes. Un peu comme Biffy Clyro qui ont aussi bien joué à Wembley qu’à La Boule Noire.

Mais c’est bien beau tout ça. Cependant, est-ce que vous ne pensez pas que la majorité du public français n’est pas préparé à comprendre votre musique et ses subtilités ?

Tous : C’est clair !

J : On en parle souvent entre nous. On se demande si ça peut plaire ou non, parce que les gens ne connaissent pas et ne comprennent pas nos influences.

Martin : Le truc c’est qu’on ne vit pas dans les mêmes cultures. Il faut savoir que quand aux États-Unis Rise Against est au top des charts, en France c’est Zaz. Nous, on n’a pas la prétention d’être numéro 1 des ventes, mais on aimerait se faire un peu connaître. Et du coup, on va peut être stagner, pas décoller, mais au moins on fait notre truc.

Si demain un producteur de major veut vous signer, mais que vous pouvez trouver un investisseur pour rester indés…

Tous : (en cœur) Indés, sans hésiter une seconde.

Mathias : Indés à la vie à la mort. Si j’ai eu envie de faire un groupe avec mes potes c’est que je composais dans ma chambre et que ce côté est libre. Chez une major, tu ne décides de rien. Le but principal est de faire les chansons que j’ai envie de faire, si j’ai pas mon mot à dire, j’arrête la musique.

Martin : Quand tu es indé, tu gagnes pas forcément de l’argent, mais tu es sur la route, tu t’éclates, tu aimes ce que tu fais… Et puis politiquement, je suis un pirate, donc une major c’est même pas possible, parce que je ne suis pas d’accord avec leurs vision de la musique.

J : Pareil pour moi. D’ailleurs je parle un peu de ma vie là. Je fais mon mémoire sur l’industrie musicale, ça se casse la gueule depuis un certain temps et ça continue à se casser la gueule, donc il va falloir trouver des solutions. Clairement, c’est rester indé, gagner un peu ma vie, plutôt que de gagner à mort et faire de la merde. D’avoir un mec qui sort d’école de commerce qui connait rien à la musique et qui me dise quoi faire.

Martin : Juste rester dignes en fait et collaborer avec gens intègres. Il faut aussi dire que Paris n’est pas une ville rock n’roll, rien qu’au niveau des salles. La législation fait qu’ à 22h30 tu as un couvre feu obligatoire. Ça empêche des groupes très bons de jouer dans des petites salles comme La Miroiterie ou la Gare aux Gorilles qui se font emmerder pour le bruit.

J : A force ça tue la musique.

Martin : Surtout dans une ville qui prétend mettre l’accent sur la culture, en ouvrant une salle comme La Gaieté Lyrique où c’est juste un cache misère.

J : Avec l’industrie du disque qui se casse la gueule, le seul moyen de rétribuer les artistes c’est les concerts, et c’est de moins en moins juste. Pour les petits groupes c’est internet qui permet de buzzer un peu, et ça devient la merde de plus en plus. Tout est payant maintenant.

Martin : Ça fait que le peu d’argent que les groupes gagnent ils le réinvestissent en studio, en stickers, en t-shirts… Pour le moment, on n’a pas besoin de payer pour notre com, mais c’est inquiétant quand même. Même des groupes signés sont dans cette merde et ne s’en sorte pas financièrement. Nous pour le moment on joue pour faire plaisir, et se faire plaisir.

Votre EP est disponible en écoute gratuite sur votre site web et Bandcamp en download gratuit.

J : Sur Bandcamp les gens donnent ce qu’ils veulent. Après on distribue les EP gratos aux concerts. Un de nos amis nous a financé la presse de cet EP par le biais de son assoc’. A la base, c’était notre maquette promo pour les labels et ils nous en reste un paquet, donc au final on les distribue gratos.

Martin : C’est con à dire, mais on a pas besoin de se faire de l’argent dessus et en septembre on va jouer au Hard Rock Cafe, et le moyen de se faire connaître c’est de distribuer l’EP directement au gens présents. Qu’il écoutent ou pas, au moins ils ont notre nom et notre image.

 

 

Les arrangements de l’EP sont quand mêmes très différents de l’écoute live.

Mathias : C’est sûr. On essaie de parfaire notre son set après set. On espère arriver à créer une réelle signature sonore d’ici les mois à venir.

J : Les gens nous disent souvent qu’il manque une deuxième guitare, mais après faut voir.

Martin : C’est vraiment les arrangements guitare live qui peuvent combler ce manque de deuxième gratteux. Mais ça casserait un peu l’image trio. Une formation très rock mais avec des sonorités très pop. Mais c’est en discussion.

J : En fait, il va falloir bosser derrière pour qu’il n’y ait aucun manque sur scène.

Donc il faut venir à vos sets pour assister à votre évolution, car chaque live sera unique dans une certaine mesure.

Mathias : C’est très juste ce que tu dis, parce qu’il y a une chanson, “Canon”, qu’on a joué au Klub pour la première fois sous cette forme et ça a marché. Et on l’aime vachement plus comme ça. On n’a rien à perdre à changer nos chansons en live pour le moment.

Martin : On peut prendre le risque maintenant. Au risque de perdre trois fans, mais on peut en gagner dix derrière.

Cool. On arrive déjà à l’issue de cet entretien, un mot pour la fin ?

Mathias : Merci RockYourLife!

Martin : Venez aux lives !

J : Un grand merci à toi ! Un bonjour aux lecteurs ! Et ouais, venez nous voir en live.

Martin : Et ma grand-mère fait un très bon gratin aussi ! (rires)

Crédit photos : Julia O.

Site web : crackityflynnmusic.bandcamp.com

Anthony Bé
Fondateur - Rédacteur en chef du webzine RockUrLife