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BIFFY CLYRO (01/07/20)

English version

En pleine crise sanitaire du COVID-19, RockUrLife s’est entretenu par téléphone avec James Johnston de Biffy Clyro afin de parler du nouvel album “A Celebration Of Endings” et de la situation mondiale actuelle. Le bassiste revient sur les changements que cela implique pour le trio écossais rock, le report de sortie du disque et le passage à Abbey Road !

James Johnston (basse) : Bonjour Kilien, comment ça va ? 

Ça va, merci et toi ?

James : Quelques interviews aujourd’hui, donc je me fais une tasse de thé pour notre discussion, mais ça va ! Je vais bien. La vie est un peu difficile en ce moment, mais on essaye de rester positif même si c’est compliqué. Comment vis-tu cette période ?

De notre côté, l’épidémie a l’air sous contrôle, les gens ressortent et il y a des mesures sanitaires strictes, pas forcément respectées par tout le monde. On essaye de rester vigilant et de ne pas trop être confiant. Mais comparé à d’autres pays on s’en sort bien. On peut espérer avoir passé le plus dur.

James : Oui, il faut éviter de faire un pas en avant, deux en arrière. Mais on sent que la suite va être un long processus pour sortir de cette crise et du coronavirus. Mais en tout cas pour ce que ça vaut Kilien, je te souhaite le meilleur. (rires)

Merci ! À toi aussi. Tu l’imagines, beaucoup de questions portent sur le nouvel album et la situation que nous traversons. Pour commencer, le disque devrait déjà être disponible, mais en raison de la crise il a été repoussé. Dans quel état d’esprit cela te met-il ?

James : C’est une question compliquée, parce que c’est frustrant et c’est difficile. Nous sommes si heureux et contents du résultat de cet album et on veut laisser les gens l’écouter ! On sent quelque part que cette sortie nous a été volée. Mais d’autre part, il aurait été très compliqué de pouvoir apporter cette musique et de pouvoir la diffuser correctement.

Et puis les gens traversent tant de merdes en ce moment, les temps sont tellement compliqués que je ne suis pas certain que cela aurait été le meilleur moment pour sortir un album et de leur demander de s’engager dans un nouveau morceau de musique.

C’est difficile, car la musique prend une part tellement importante dans nos vies, cela peut aussi être quelque chose qui nous aide dans les moments difficiles comme celui-ci. Mais je ne veux pas en faire un drame, car nous traversons quelque chose de difficile et on ne peut pas y faire grand chose.

Et justement, comment as-tu vécu ce confinement ? En as-tu profité pour faire un véritable break ou au contraire en profiter pour travailler de nouvelles choses, même autres que la musique ? Étais-tu peut-être même en quarantaine avec les autres membres du groupe ?

James : (rires) On était techniquement séparés avec les autres et chacun chez soi, avec nos familles. On était souvent ensemble sur Zoom, FaceTime etc. Et comme on a passé la dernière année à préparer et faire cet album c’était en effet l’occasion de pouvoir passer du temps avec nos familles. J’ai aussi pu reprendre contact avec de vieux amis avec qui on n’a pas parlé depuis des années et je pense que c’était important pour moi. Je n’avais pas beaucoup de temps pour réfléchir à l’avenir, à ma vie, à mon entourage et tellement de questions sans réponses que j’ai enfin pu me poser.

Donc malgré la situation, est-ce un moment de réflexion pour toi ?

James : Oui ! C’est bizarre quand même, c’est la contrepartie de ces temps étranges. Comme disait ma maman : “cela ne sert à rien de courir si tu ne connais pas ta destination” et à un certain moment tu dois avancer dans la vie et ça m’a permis de le faire.

Plus de gens vous ont donné leur avis dessus finalement, ça permet d’augmenter le stress ou de le réduire. A-t-il été bien reçu par votre entourage ou eux aussi doivent-ils attendre la sortie de l’album ?

James : C’est très dur ! Car les gens sont très excités à l’idée de la sortie de cet album et ça a brisé le cœur de certaines personnes de le voir reporter. Mais tu sais, on veut faire de la musique qui vient du cœur et dans laquelle on croit. Mais on veut que les gens l’aiment aussi. (rires) Les retours sont ce qu’ils sont, je n’ai jamais vu quelqu’un sortir une musique et soit tout le monde aimait ou tout le monde détestait. Il faut juste faire très attention à ne pas tomber dans le piège de faire de la musique pour que les autres l’aiment. Faire de la musique en se demandant si son public va aimer ou pas cela n’a absolument aucun sens.

On ne dirait pas comme ça mais cela fait vingt-cinq ans que vous sillonnez les routes du monde pour vivre de cette passion. Cela ne donne pas un peu le vertige ? On ne se dit pas qu’on pourrait faire autre chose ?

James : (rires) En réalité j’aime vraiment ce que je fais de ma vie, j’adore ce que je fais avec les garçons et voyager est incroyable. Je ne changerai ça pour rien au monde. Mais c’est vrai qu’il y a ces moments où tu es assis dans le bus et tu regardes par la fenêtre quelqu’un faire un autre travail et tu te demandes ce que serait ta vie si tu avais choisi une autre voie que celle-ci et si j’aurais survécu au fait de faire un travail que je n’aime pas. Et ça arrive souvent bizarrement ! (rires)

Je suis curieux de ce qu’aurait pu être ma vie, mais nous sommes si chanceux, ces derniers mois m’ont fait plonger au fond de mon esprit et mis encore plus en lumière à quel point il faut aimer ce que tu fais dans la vie et être reconnaissant de ceux qui ont été présents dans nos vies.

Penses-tu justement que cela va changer la manière qu’a le groupe de travailler ensemble ?

James : Oui c’est probable ! Le monde entier va changer et je pense que c’est très bien. Nous allons pouvoir mettre en place de gros changements dans notre manière de vivre et la qualité de vie que nous voulons. Les questions de climat et de comment nous traitons la planète. Le respect que nous avons pour les autres.

Quand je pense aux décisions que prend Donald Trump et à quel point il laisse son peuple mourir, il est plus que temps que les peuples soient tous unis. Donc je pense qu’il y aura des changements dans la manière dont nous travaillons avec Biffy comme il y aura des changements dans la manière dont tu vis, dont je vis, mais on ne sait juste pas encore comment ! Mais j’ai hâte de voir ces changements.

Avez-vous gardé au long de ces années les mêmes méthodes de travail pour tous vos albums ? Ou celui-là a-t-il échappé à la règle ? À part le fait d’enregistrer au mythique Abbey Road Studio.

James : Je pense que les choses ont changé avec les années. Avec chaque album tu prends des parties qui t’ont plu et tu t’en sers pour la suite et tu évites de refaire les mêmes erreurs que tu as pu commettre. Pour moi c’est aussi important de travailler avec des nouveaux producteurs, comme ça quoi qu’il arrive, on change notre manière de travailler et de changer de règles.

Beaucoup de producteurs aiment avoir des règles et c’est très bien ! Sinon ça peut vite être la page blanche et tu ne sais pas par où commencer. C’est donc très bien d’en avoir, car ce n’est déjà pas facile de faire un album, c’est un véritable challenge. Mais c’est aussi mentalement gratifiant autant qu’épuisant. Surtout que l’on n’a pas tout fait à Abbey Road, une bonne partie a été enregistrée à Los Angeles, car c’est important pour nous de partir de chez nous et de se déconnecter de notre vie de tous les jours. On veut se concentrer uniquement sur la musique.

Et cela met-il la pression de passer par Abbey Road pour un groupe de déjà vingt-cinq ans de carrière ? C’était la première fois que vous enregistriez là-bas. C’est un peu comme un pèlerinage.

James : (rires) Oui en quelque sorte ! Il me semble qu’on a quand même fait une session live pour un show TV là-bas, mais je ne considère pas ça comme avoir enregistré à Abbey Road. Donc oui c’était la première fois et c’était comme Noël ! On a joué quelques musiques des Beatles sur les instruments qu’ils ont utilisés ici. Utiliser leurs équipements pour notre album c’était si inspirant.

On dit que ce groupe est arrivé à faire de la magie alors que c’était quatre types et un producteur faisant du bruit que les gens ont aimé écouter. Ce n’est pas vraiment magique c’est un processus très simple et j’aime être entre ces deux points de vue. Il n’y a pas de magie là-dedans, c’est du boulot. (rires)

A Celebration Of Endings” est très différent de tout ce que vous avez pu faire. On se retrouve entre des violons et des chœurs qui nous rappellent Queen et d’une seconde à l’autre, on retourne aux sonorités de vos premiers albums dans un style très grunge. Comment s’est passée la construction de l’album ? On sent un côté libre, où vous vous dites : “faisons ce qu’on veut avec celui-là, lâchons-nous !”

James : Oh wow ! (rires) Merci pour le compliment. Mais oui tu as tout à fait compris le but de cet album. C’est exactement l’état d’esprit dans lequel on était pour faire ce disque. Le dernier qu’on a fait était pour la bande son d’un film et c’était si bien de prendre tous ces risques. On a adoré utiliser ces instruments, on essayait de se faire rire sur à quel point on pouvait faire des morceaux ridicules. C’était comme faire un premier album à nouveau.

On sentait qu’on n’était pas obligé de faire un album rock et c’était beau. Se dire qu’on n’avait pas à rester dans notre ligne et toutes ces merdes qui sont presque imposées. C’est l’un des problèmes de la musique rock que n’ont pas d’autres genres qui arrivent à évoluer et continuer à dire quelque chose. J’ai l’impression que cela fait dix ou vingt ans que le rock se force à regarder le passé.

Nirvana ou Sex Pistols sont des groupes incroyables. Mais cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas aller de l’avant et s’intéresser à d’autres artistes venant du hip hop, du rap. Ils peuvent être parfois plus agressifs avec un son plus lourd qui donnerait de l’inspiration au rock et je pense que c’est comme cela que l’on survivra en tant que groupe.

Les paroles sont assez sombres dans cet album. Simon s’est confié sur la dépression et disait qu’il était peut-être allé chercher trop profondément à l’intérieur de lui-même. Ce n’est pas un peu étrange de devoir travailler des musiques autour de textes parfois durs, qui concernent un membre de sa presque famille ? Ou les textes arrivent après, ce qui rend la création plus simple à gérer ?

James : Il me semble que les paroles arrivent petit à petit. Simon a toujours un carnet avec des textes. Je ne sais pas trop comment il arrive avec telle ou telle idée pendant la construction d’un morceau, cette fois-ci je veux bien te dire que c’est magique ! (rires)

Mais je ne veux pas trop examiner ça, je trouve les paroles aussi très positives. Elles sont à propos de changements et c’est très étrange, car beaucoup des nouvelles chansons collent avec la situation que nous vivons en ce moment. C’est aussi à propos d’être capable d’aller de l’avant et être capable de progresser et faire changer la société à tous les niveaux.

On n’a pas besoin de tout changer, de tout déconstruire. L’humanité a beaucoup de choses positives. Il est évident qu’aujourd’hui elle a aussi beaucoup de problèmes et que ce ne sera pas facile, mais ça doit arriver. Beaucoup de ses paroles évoquent l’idée de reconstruire la compassion, la loyauté, la générosité et prendre soin des autres si on ne veut pas être éradiqués. Je pense que l’on peut, en globalité, dire que les paroles poussent à trouver quelque chose de mieux dans nos vies.

Malgré le fait que l’album soit retardé, vous allez repartir en tournée. Est-ce que vous appréhendez ce moment ? Est-ce compliqué d’organiser la tournée ? Entre les mesures sanitaires, etc.

James : Avant tout on ne va pas faire prendre de risque à notre public. On ne va pas faire prendre de risques aux personnes qui travaillent avec nous en tournée. On doit bien réfléchir à ce que nous allons faire et nous n’avons évidemment pas encore la réponse à cette question. En revanche, je suis confiant sur le fait qu’en tant que groupe nous aimons faire des concerts, on est un “groupe live” et qu’on sera bientôt à votre porte. (rires)

Mais je dois être honnête, je ne sais pas du tout quand on pourra repartir en tournée et quand ce sera une bonne idée de l’envisager. Il y a des idées très différentes à ce sujet, mais nous avons au moins beaucoup de temps pour y réfléchir et j’espère que les gens seront patients ! Même si certains peuvent se montrer très impatients. Pas que pour les concerts, mais aussi pour juste aller prendre une pinte au pub et je ne suis pas d’accord avec ça ! Nous devons avoir une approche consciencieuse de la situation et nous ne ferons pas venir des gens au risque de leur santé. Je sais que les autres (ndlr : membres du groupe) sont du même avis et je ne veux pas de cela.

Mais je n’ai pas d’autres nouvelles, je suis désolé, je ne vais pas t’annoncer une tournée imaginaire pour l’instant tu vois ! (rires) Mais la santé des gens est le plus important. Je fais des concerts depuis plus de vingt ans, je pense que je peux attendre un peu avant de remonter sur scène.

Avec Biffy Clyro qui se réinvente autant entre chaque album, comment faites-vous pour convaincre les anciens fans de votre musique de rester, mais en même temps à d’autres de se joindre au voyage ?

James : C’est une super question. (rires) Si tu fais en sorte de pousser tes limites et de faire un album bien différent de ce que tu as l’habitude de faire, c’est compliqué. Je ne suis pas chargé de marketing et je n’essaye pas de “vendre” ce que nous faisons. Nous faisons juste de la musique dans laquelle nous croyons et espérons que les gens l’aimeront et que ça fera de bons concerts !

Mais on ne peut pas forcer quelqu’un à aimer notre musique et il n’y a aucune garantie sur ce nouvel album. Je pense que l’on deviendrait fou à essayer de retenir les gens qui ne veulent plus nous écouter. Fais ce en quoi tu crois et choisis tes paroles avec attention et ne pense pas à ce que les gens vont dire. Fais la meilleure musique possible et croises les doigts ! (rires)

Dernière question, mais pas des moindres, surtout que tu y as déjà répondu par le passé. Notre média s’appelle “RockUrLife”, alors qu’est-ce qui rock ta life, James ?

James : (rires) Ce n’est pas pour te flatter ou quoi, mais avoir eu l’opportunité de pouvoir discuter avec quelqu’un en France, alors que je suis chez moi par ces temps difficiles et faire ce genre de connexion et cette discussion qui fait ressentir le monde comme un endroit un peu plus petit pour un moment. Essayer d’apporter un peu de positivité entre nous, je ne veux pas que ça paraisse trop mielleux, mais je dois dire qu’en ce moment c’est toi qui rock ma life ! (rires)

Merci beaucoup James. C’était super de discuter avec toi !

James : Merci à toi, j’espère à très bientôt, bye !

Site web : biffyclyro.com