Interviews

WHILE SHE SLEEPS (20/04/15)

Presque trois ans après son premier album qui a rencontré un succès monstrueux, While She Sleeps nous revient avec “Brainwashed” et une certaine envie d’en découdre. Plutôt rare en France, Loz (chant) nous a accordé quelques minutes, juste avant d’entrer sur scène, pour nous expliquer pourquoi le groupe se fait rare à Paris et ce qu’ils avaient en tête pour ce nouvel album.

Salut Loz, merci pour ton temps (ndlr : interview réalisée juste avant que While She Sleeps n’aille sur scène). Qu’est-ce que ça vous fait de revenir à Paris ?

Lawrence “Loz” Taylor (chant) : C’est super ! Pour être honnête, les quelques fois où nous sommes venus jouer à Paris, nous avons rarement passé de bons moments. Mais je dois dire qu’aujourd’hui c’était vraiment super ! On a deux amis qui nous accompagnent sur quelques concerts, ils étaient super excités de venir à Paris alors que nous étions un peu plus craintifs à cause de nos dernières venues. Mais comme quoi il ne fallait pas juger trop hâtivement, car nous avons vraiment passé une super journée. Nous sommes allés vers Notre-Dame puis nous avons visité le quartier. On s’est posé au soleil sur le pont juste à coté de la salle et c’était vraiment une putain de journée !

Voilà donc pourquoi vous êtes plutôt rares à Paris. Parce que vous n’aimiez pas !

L : Ah non ! (rires) On est vraiment venu à chaque fois que l’on en avait l’occasion ! C’est juste que les fois où nous sommes venus à Paris, ça n’a jamais été optimal. Une fois on est tombé sur une salle où les gens qui nous ont accueilli n’étaient pas hyper sympa, l’autre on a passé notre journée dehors alors que la météo était horrible. Tu vois, ce n’est rien de vraiment grave, juste des trucs qui arrivent tout le temps. Voilà, on avait juste une vision nuageuse de Paris ! (rires) Mais vue la belle journée ensoleillée que nous avons eu aujourd’hui, on a changé d’avis et c’est cool.

C’est assez paradoxale d’ailleurs puisque vous êtes reconnus en France. On ne compte plus sur vous comme un petit groupe et pourtant, vous êtes plutôt rares dans notre pays.

L : Oh c’est cool mec ! Oui je crois que c’est seulement notre cinquième concert en France et seulement le deuxième que l’on fait en temps que tête d’affiche. On a accompagné beaucoup de groupe ici, mais ce soir c’est vraiment notre premier gros concert devant le public français. Je pense aussi que le temps a semblé encore plus long à cause de l’opération de ma gorge (ndlr : WSS était programmé au Hellfest en 2014 avant d’annuler sa venue à cause de l’opération de Loz). Notre dernier album est sorti il y a bientôt trois ans déjà et nous n’avons fait qu’un seul concert en France pour “This Is The Six“.

N’aviez-vous pas peur justement, d’être un peu oublié en étant absent de la scène pendant ce laps de temps durant lequel tu te remettais de ton opération ?

L : Si bien entendu. Internet permet aux gens de découvrir chaque jour de nouveaux groupes issus de la même scène que la notre ou du moins, ayant à peu près les mêmes caractéristiques. Donc c’est plus facile pour notre public aujourd’hui d’ouvrir une page internet et de découvrir leur nouveau groupe préféré. Donc bien sur nous étions un peu inquiets. Mais en même temps, il n’y a pas énormément de groupes qui sonnent comme While She Sleeps du coup, nous sentions qu’il y aurait toujours des gens là pour nous écouter et pour apprécier notre musique. Et au final, on vient à Paris et le concert de ce soir est complet donc j’imagine que les gens ne nous ont pas oublié et c’est génial.

Par rapport à ce que tu disais, c’est vrai que While She Sleeps diffère énormément de ce qu’on pourrait appeler un groupe de metalcore.

L : Je pense que nous avons des éléments metalcore. Mais nous avons aussi, et surtout, des sonorités bien plus metal d’un coté, et bien plus punk d’un autre, voir même rock tout simplement. Nous ne nous imposons pas vraiment de limites. Cela vient du fait que chacun dans While She Sleeps aime des choses différentes. Sur le dernier album, on nous a parlé de sonorités se rapprochant de Slipknot et on adore Slipknot bien entendu. Lorsque l’on écrit, chacun arrive avec ses influences qui se trouvent dans les différentes générations d’un même style de musique. On fait une sorte de mélange de tout ça.

Vous n’êtes pas un groupe très friands de featuring par exemple.

L : En effet. Bon, il y a Andrew Neufield sur “Death Behind The Eyes” de notre premier album. On a rencontré Comeback Kid qui est un de nos groupes favoris dans quelques festivals et on a sympathisé. C’est pour ça que nous l’avons invité sur notre premier album. Mais sinon, nous ne sommes pas proches des chanteurs qui nous plaisent vraiment. Ce sont souvent des chanteurs de groupe de metal sortis il y a quelques années déjà. Par exemple, Darkest Hour, Unearth ou As I Lay Dying. On aurait adoré avoir John Henri de Darkest Hour sur notre dernier album. On est aussi de grands fans de groupes comme A Wilhelm Scream ou Anti Flag, mais ces groupes sont un peu trop éloignés artistiquement de ce qu’on peut faire comme musique. On ne cherche pas à faire des featurings absolument, on voit juste ce qui peut se faire ou non. Par contre, sur “New World Torture”, on a le tout premier chanteur de While She Sleeps qui vient poser. Il était avec le groupe au tout début, mais à un moment il a voulu arrêter de tourner. Mais on l’a invité pour ce nouvel album et on est très content de l’avoir, c’est vraiment un super passage de l’album.

Il y a vraiment un esprit de fraternité très fort qui transpire de votre travail depuis vos débuts et ce featuring apparait vraiment dans cet esprit. C’est important pour vous de rester très proche de votre travail. De ne pas trop déléguer ?

L : Oui. Je pense que ça devient de plus en plus simple pour les gens de devenir négatifs face aux choses auxquelles ils sont confrontés et ainsi, de se désolidariser. Dans “Brainwashed“, nous voulions vraiment contrer ça en imposant un discours très positif d’où l’importance de l’unité. C’est très important pour nous de rester dans notre cercle. Par exemple, le mec qui s’occupe de merch sur cette tournée n’était jamais sorti du pays avant, mais c’est un ami de mon frère depuis plus de dix ans déjà. Donc on l’emmène avec nous et on trouve ça génial. Ca lui donne l’opportunité d’être sur la route avec nous, de voir le monde et qui sait, ça l’aidera peut-être à trouver un autre job grâce aux rencontres ? On préfère ça plutôt que nos potes restent en Angleterre à glander.

Bien que vous mettiez en avant une certaine unité, les paroles de “Brainwashed” sont très critiques envers notre société.

L : Oui, mais nous cherchons toujours à faire ressortir du positif de toutes ces critiques. Justement, c’est poser un constat négatif pour dire “on peut s’en sortir tous ensemble, on arrivera à passer outre ces difficultés”. On s’inspire de ce qu’on voit tous les jours. Et pas seulement les choses détestables. On essaie vraiment de délivrer un message qui pousse les gens à penser d’une manière plus positive et ça passe par, nous mêmes, penser de manière plus positive. “Brainwashed” ne délivre pas le message de “tout le monde est lobotomisé, mais pas nous”, non, non, c’est plutôt “on est tous dans la même merde, on ne peut pas vraiment y échapper mais, ouvrons les yeux. Essayons de réfléchir un peu plus avant d’aller manger à Mc Do ou de pendre sa boisson à Starbucks”.

C’est une chose que l’on retrouve bien plus chez les groupes anglais d’ailleurs. Enter Shikari, Architects et maintenant While She Sleeps, vous semblez bien plus concernés par ce qu’il se passe dans le monde que la scène américaine par exemple.

L : C’est vrai. Je ne saurai pas trop expliquer pourquoi. Ca n’engage que moi, mais j’ai vraiment le sentiment que beaucoup de groupes américains font de la musique pour l’argent. Beaucoup de groupes semblent vouloir vendre le plus possible et font de cet objectif un but ultime. Un groupe comme Shikari n’a pas du tout cet état d’esprit. Ils font de la musique depuis tellement longtemps, ce n’est pas juste quatre mecs qui se sont rencontrés hier et qui ont décidé de faire de la musique. Je pense que quand, comme eux, tu gravis tous les échelons uns à uns, tu acquiers une sorte de respect et une connaissance de certaines valeurs humaines. Dans While She Sleeps, on est tous amis depuis qu’on est très jeunes. Tout ce qu’on a fait dans notre vie c’est être dans ce groupe. Je pense que c’est quelque chose qui se sent dans nos chansons, car on ne les écrit pas pour faire de l’argent.

L’Angleterre a également un passé très punk. Est-ce que des groupes comme les Sex Pistols ou les Clash ont pu vous influencer dans votre manière de voir la musique ?

L : Pas vraiment non. Pour être honnête, j’ai grandi avec le neo metal. J’aime les vieux groupes anglais tels que Pink Floyd ou Led Zep, évidemment. Mais, après ça j’ai directement sauté dans le neo metal avec Linkin Park, puis dans le metalcore. Mat Welsh par contre, lui il est plus branché par Rancid, Anti Flag. Voilà comment tu arrives à un résultat comme While She Sleeps. Musicalement, j’écris des parties plus metal et Mat amène son style beaucoup plus punk. Voilà, en fait on est un groupe de punk metal ! (rires) C’est comme ça qu’on doit nous définir, du punk metal !

(Mat entre alors dans le tourbus)

L : Mat je disais justement que tu étais un mec plus punk que moi. Et il me demandait pourquoi cette différence entre les groupes anglais qui sont plus politique que les groupes américains ?

Mat Welsh (guitare) : Je pense que c’est parce que l’Angleterre est un petit pays mec ! On est obligé de réaliser la merde à laquelle on est confronté. Aux Etats-Unis c’est vachement plus grand. Les groupes ne font que regarder la télé et ensuite ils veulent faire de l’argent avec ce qu’ils ont vu sur MTV ! (ndlr : Loz rit un peu gêné). Et puis ils sont influencés par Hollywood aussi ! Tout le monde veut devenir une star comme à Hollywood. Nous en Angleterre, on s’en fout un peu.

Merci Mat !

C’est bien le frère de Mat qui s’occupe de certains de vos clips ?

L : Oui, son grand frère a réalisé plusieurs de nos clips. Il saisit parfaitement ce qu’on cherche et sait le retranscrire. On a travaillé avec d’autres gens et c’était cool, mais avec Tom l’avantage est qu’on le connait depuis des lustres. Du coup, quand quelque chose ne nous plait pas, on n’hésite pas à lui dire alors qu’avec les autres, on se laisse un peu marcher sur les pieds, on n’ose pas ! (rires)

Venant, vous aussi de Sheffield, est-ce que vous vous sentez proches de Bring Me The Horizon ?

L : On trainait pas mal avec eux lorsque l’on a commencé à tourner. Maintenant on est dans des cycles différents, on tourne lorsqu’ils sont en studio etc. Du coup, on ne passe pas tous nos week-ends avec eux, mais on les croise de temps en temps. Après, d’un point de vue musical, on les respecte énormément pour la porte qu’ils ont ouvert pour les nouveaux groupes de metal. Ils ont permis un renouvellement du public metal et ainsi, ont permis à des groupes comme nous d’avoir un accès plus simple à notre style de musique. On les respecte pour ça. Maintenant, on n’aspire pas forcément à avoir la même carrière. Sans dénigrer, on est dans notre truc à nous et je pense que chaque groupe doit suivre sa propre destinée. C’est plus facile grâce à des groupes comme BMTH, mais on n’envisagera jamais de les copier ou de suivre leur pas.

Last but not least, qu’est ce qui rock ta life aujourd’hui ?

L : Paris rock ma vie aujourd’hui ! On ne pensait pas passer une journée aussi cool ici du coup, ouais Paris rock ma vie. On est impatient de jouer ce soir, je pense que ce sera génial.

Site web : whileshesleeps.com

Nathan Le Solliec
LE MONDE OU RIEN