Interviews

TRIGGERFINGER (29/06/17)

English version

Trois ans après “By Absence Of The Sun”, les fantasques Belges de Triggerfinger sont de retour sur les routes avec l’immense “Colossus” ! L’occasion pour RockUrLife de s’entretenir avec le toujours charmant et charmeur Ruben Block, chanteur et guitariste de la formation originaire de Lier. Il est question de David Bowie, du Hellfest et bien sûr, de Johnny Hallyday !

Bon retour ! Est-ce que ce break d’un an loin des routes ou des studios était un besoin ou un choix consenti ? 

Ruben Block (chant/guitare) : Nous tournons depuis bien longtemps maintenant, et ça a toujours été assez intense. Les albums précédents nous les avons enregistré entre des tournées déjà programmées. Nous prenions deux mois pour écrire et enregistrer les chansons et nous retournions sur les routes pour des tournées ou des festivals. Mais cette fois-ci, nous avons ressenti le besoin de prendre plus de temps pour faire cet album. Histoire de se poser un peu. La dernière tournée que nous avons faite au Canada était super et nous l’avons faite surtout parce que c’était la dernière chose que nous avions à faire. Ensuite, de janvier à avril je n’ai littéralement rien fait ! J’ai juste profité de ce temps pour construire un petit studio dans ma maison. Nous n’avions pas de salle de répétition attitrée ou quelque chose du genre. Donc j’ai mis tout le matériel que nous avons acquis durant toutes ces années dans une pièce et j’ai commencé à faire des démos. 

On sent, en effet, que “Colossus” est plus “produit” que vos précédents albums. 

Ruben : Oui tout à fait. Avant, nous étions obsédés par le fait que nos albums devaient absolument traduire le feeling incroyable qu’il y a entre nous trois lorsque l’on joue live, parce que nous étions surs que c’était notre atout majeur. Mais là nous avions le sentiment que nous avions déjà largement exploré la question, qu’on en avait fait de bonnes choses mais qu’il fallait tenter de passer à l’étape supérieure. 

N’aviez-vous pas peur de perdre justement de votre magie en travaillant de cette manière ?

Ruben : C’est toujours un peu effrayant de commencer un nouvel album. Tu ne sais jamais si tu seras capable d’écrire des chansons cools à nouveau. Mais je pense que tu peux tout à fait trouver de nouvelles bonnes idées si tu t’autorises à sortir de ta zone de confort. Quelque part, c’était étrange puisque nous n’avions rien déterminé quant à la direction que nous voulions prendre. Nous avions juste envie d’être aventureux. Et c’est déjà quelque chose que nous pouvions sentir en écoutant les premières démos. Nous avions juste à prendre ce que nous avions déjà sous les yeux. Nous avons enregistré ces démos avec du très bon matériel donc elles sonnaient déjà très bien. Nous avions seulement à ajouter des petites choses, ici et là. Une ligne de basse, un nouveau refrain ou des nappes de claviers. Donc nous avons décidé de commencer cet album sur la base des démos que nous avions déjà et nous verrions où tout cela nous emmènerait. Nous sommes allés à Santa Monica pour enregistrer l’album et Mitchell (Froom) nous a dit “Okay, on va ré-enregistrer live tout ce que vous avez déjà fait sur vos démos, et on verra où ça nous mène.” Comme une combinaison des deux ! Et c’est exactement ce que nous avons fini par faire. Une chanson comme “Afterglow”, par exemple, contient des voix, des guitares, des claviers et des percussions issus directement des démos ! Et pour le reste, nous avons juste ré-enregistré ce qu’il y avait déjà sur les démos.

 

 

Mitchell Froom a donc été très important dans le processus de création de cet album. Pourquoi l’avez-vous choisi lui particulièrement ? 

Ruben : Nous avions établi une liste de plusieurs producteurs avec qui nous aimerions travailler. Nick Launay par exemple, qui a produit quelques uns des derniers albums de Nick Cave était l’un d’entre eux. Nous avons déjeuné avec lui à Paris dans un restaurant juste à coté de la Gare du Nord. C’était un rendez-vous vraiment intéressant, il était vraiment branché pour travailler avec nous mais son emploi du temps ne lui permettait pas de le faire dans le délai que nous souhaitions. Mais Mitchell a de suite répondu au mail de notre manager. Il aimait notre musique et était très emballé à l’idée de travailler avec nous. Nous sommes donc allés à Santa Monica en juin 2016 pour le rencontrer, juste histoire de parler musique et de lui faire écouter nos démos. Et nous avons vraiment ressenti une connexion avec lui. 

Et comment l’idée de “Colossus” vous est-elle venue ? 

Ruben : Je crois que c’était comme la cinquième démo que j’ai écrite je crois. J’ai d’abord écrit la ligne de basse, le refrain et le groove général de la chanson. Et après avoir composé le refrain, l’étape suivante en général c’est de doubler la guitare. Mais nous avions déjà fait ça un nombre de fois incroyable donc je l’ai doublé mais avec une deuxième ligne de basse. Après avoir fait ça, la seule chose que j’avais envie de faire c’était de crier “Colossus !”. Je ne me voyais pas ajouter d’autres voix, je voulais juste crier “Colossus !” encore et encore !

 

 

Donc sur scène, pour cette partie, il y aura un hologramme de Mr. Paul jouant la deuxième ligne de basse, c’est ça ?

Ruben : (rires) Non ! Je jouerai cette ligne grâce à un effet sur mon ampli, mais c’est une super idée !

Avez-vous déjà envisagé d’ajouter d’autres musiciens avec vous sur scène ? 

Ruben : En fait, il est possible qu’un quatrième musicien soit avec nous sur scène pour la prochaine tournée ! Juste histoire de jouer des claviers, des percussions ou d’autres choses. On pourrait jouer les nouvelles chansons juste nous trois, mais il y a vraiment des parties que nous adorons et qui valent le coup d’ajouter un musicien supplémentaire sur scène. 

C’est peut-être stupide, mais cet album nous a fait penser à certaines parties de la carrière de David Bowie.

Ruben : Ce n’est pas stupide du tout ! En fait, avant l’enregistrement il y a eu toute une période où je me suis penché sur ces moments où certains musiciens ont décidé de changer leur musique. Notamment lorsqu’Iggy Pop et David Bowie ont travaillé ensemble. Je crois que c’est autour de 1976 que les deux ont sortis des albums très importants : “Lust For Life” pour Iggy et “Heroes” pour Bowie. A ce moment là, les deux avaient envie de franchir une étape dans leur carrière, de faire de la musique d’une nouvelle manière. Ceci m’a influencé et m’a servi de ligne directrice. 

Nous avions peur de te faire part de cette idée et que tu en tires la conclusion que nous n’avions pas écouté l’album. 

Ruben : Mais pas du tout ! C’est ce qui est génial avec la musique. Si quelqu’un vient me voir pour me parler de l’album avec une vision totalement différente de la tienne, ce sera cool aussi car chaque personne perçoit la musique d’une manière différente. 

D’accord. Du coup votre album nous a aussi fait pensé à du Gojira. Non c’est une blague. 

Ruben : (rires) C’est vrai que nous sommes un peu death metal de temps en temps ! (rires)

Quand on parle du loup, il y a deux ans vous jouiez au Hellfest. Qu’est-ce que ça vous fait de vous retrouver en costume au milieu de groupe de black, death ou power metal ? 

Ruben : C’était super ! Les gens pensent que c’est uniquement un festival de metal mais cette année, le plus vieux groupe de blues de la planète était à l’affiche : ZZ Top ! Il y avait également Killing Joke et Slash. Et le concert que nous avons joué était vraiment excellent ! 

Comment vous sentez-vous à propos de croiser constamment des groupes de metal ou de pop ? Ne ressentez-vous pas du coup des difficultés à garder une ligne directrice ? 

Ruben : Je crois que j’aime ça. Cela nous ouvre l’esprit sur le large spectre de dynamiques que nous pouvons explorer. Nous avons des chansons très heavy, et d’autres plus sensibles. C’est cool de jouer avec les dynamiques.

La France est un peu votre deuxième maison non ? Vous êtes presqu’aussi français que Johnny Hallyday quoi !

Ruben : Mec, c’est un compliment énorme que tu nous fais là. Je bois à ta santé ! Ca nous a pris énormément de temps pour construire ce que nous avons. Cela a été une progression régulière et constante. Et c’est cool, nous aimons ce que nous avons fait. Nous avons été aidé par Veryshow et Verycords qui sont notre tourneur et notre ex-label désormais. C’est d’ailleurs la partie la moins agréable dans le fait de changer de label. Nous étions signés sur divers labels dans l’Europe entière et certain d’entre eux bossaient vraiment très bien. Mais d’autres n’étaient pas aussi réactifs que nous le souhaitions. Nous avions besoin d’une structure globale agissant à l’internationale. Quand nous avons un problème en Allemagne, nous nous adressons à une personne et c’est la même personne à qui nous nous adressons en cas de souci en Belgique ou dans un autre pays.

 

 

Comment expliquez-vous votre succès en France ? Nous ne sommes pas un pays très rock n’roll.

Ruben : C’est dur de se construire une base solide dans la musique. Surtout en France où nous sommes grandement dépendants du passage en radio et les normes dans votre pays sont complexes pour nous vu que nous n’entrons pas dans les quotas d’artistes chantant en français. Mais des artistes comme PJ Harvey ou les Pixies ont beaucoup de succès ici. Donc je pense que, quoiqu’il arrive, si vous bossez suffisamment dur sur votre projet, cela arrivera et quelque part, ce n’est pas plus mal si ça arrive lentement. Si tu as du succès rapidement, tu peux aussi disparaitre très rapidement donc, c’est peut-être mieux de construire étape par étape. 

D’un autre côté, il y a des groupes, comme Rush par exemple, qui sont des Dieux partout dans le monde, sauf en France ! Nous ne comprenons pas notre pays.

Ruben : (rires) Mec, vous avez également une richesse musicale légendaire. Beaucoup des choses qui sont sorties dans les années 60 notamment sont vachement inspirantes ! Tellement de bonnes choses ont été enregistrées. Et ces albums sonnent toujours incroyablement bien. 

Est-ce que tu écoutes de la musique française ?

Ruben : Ca arrive parfois oui ! Surtout des vieilleries !

Quels sont vos objectifs avec cet album ?

Ruben : Nous sommes vraiment impatients de revenir sur la route et de jouer ces chansons live. Nous avons le sentiment que cet album pourrait nous ouvrir d’autres portes. Nous avons envie de continuer et d’explorer toutes les choses que nous pouvons faire en musique. 

Une petite dernière pour la route : comme nous sommes “RockUrLife”, qu’est ce qui rock ta life ?

Ruben : La musique, le groupe, ma famille, mes deux enfants rockent ma life ! Je me sens tellement chanceux d’avoir la possibilité de faire ce que je fais et c’est en très grande partie grâce à ma famille donc oui, ils rockent ma life.

Site web : triggerfinger.net

Nathan Le Solliec
LE MONDE OU RIEN