Interviews

THE CHIKITAS (07/04/16)

En pleine tournée mondiale, Lynn Maring (chant/guitare) et Saskia Fuertes (batterie/choeurs) nous font l’honneur d’une interview, à l’occasion de la sortie imminente du troisième album “Wrong Motel”. On y parle de rêves de gosses qui se réalisent, de New-York et de Nine Inch Nails.

Il parait que vous vous êtes rencontrées à un concert de Nine Inch Nails. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette rencontre ?

Lynn Maring (chant/guitare) : Je ne m’en souviens pas très bien parce que j’avais pas mal bu. C’était en 2007, il y a quasiment dix ans. J’étais ado. Et là euh… suspens. (rires) J’avais donc bu et j’ai croisé des amis qui m’ont dit “ah ouais, il y a une fille qui peut te ramener”. Et puis j’ai fini sur la banquette arrière de Saskia, à ronfler car c’était elle qui nous ramenait. Et c’était donc au retour d’un concert de Nine Inch Nails. C’était à Avenches, Au festival Rock’Oz Arènes. Je ne me souviens pas qu’on ait eu des discussions très émouvantes étant donné que j’étais en train de dormir.

Saskia Fuertes (batterie/chœurs) : Si je me souviens que tu as dit (imitant l’ivresse) : “Hey, merci, hey ! super !”.

L : Il y a eu des choses très secrètes ! (rires) Non, nous sommes juste allées à un concert et elle m’a ramené.

S : C’est juste que c’est symboliquement fort, de se rencontrer là pour la première fois, sans savoir que plus tard on allait jouer ensemble. Et puis dans le sens où c’est un artiste qui nous a beaucoup inspiré par la suite.

Vous vous êtes donc rencontrées à ce moment-là. Et qu’est-ce qui a fait que vous avez monté le groupe ?

S : Ça vient d’une jam, un peu funky, qu’on avait fait chez moi et qui n’avait pas donné grand-chose.

L :Où tu avais écrit un mot sur ma caisse claire et ça m’avait fait chier. (rires) Mais c’était y a longtemps.

S : Et encore c’était les prémisses.

L : On s’est mis à jammer un peu comme ça. C’est Saskia qui avait proposé. Et puis de fil en aiguille.

Un peu par hasard au final ?

L : Il n’y a pas de hasard. On n’y croit pas trop.

S : Il fallait que ça se fasse comme ça.

Les “Chikitas”, ça veut dire “petites filles” en espagnol. Pourquoi ce nom de groupe ?

L : C’est un nom qui a été très spontané, tout comme le groupe, le concept, le reste. On n’a pas vraiment réfléchi. On l’a fait vraiment pour s’amuser. Ça vient d’un jam ou j’enregistrais tout, et où Saskia fait une chanson à la batterie où elle chantait “Chiquita, ho Chiquitaaa…”. (rires) Et il fallait que je donne un nom au fichier mp3. Et je me suis dis “ah, tiens, The Chikitas”. Mais j’ai vraiment marqué ça directement comme ça. Et puis on n’a pas vraiment discuté de ça, jusqu’à quelques mois plus tard. Et je lui ai demandé “alors ça le fait ce nom de groupe ou pas ?” et elle m’a dit oui. Et puis c’était parti quoi. On n’a pas vraiment débattu le truc. Voilà. Et puis on ne parle pas vraiment espagnol, on s’est pas vraiment posé de question sur la signification du nom plus. Du moment où ça sonne bien.

S : Oui voilà. Et puis les lettres de ce mot, ça évoque quelque chose d’assez fort. Ça va bien avec la musique. On ne s’appelle pas “The Soft Moon”. (rires) Si on s’était appelé The Soft Moon, ça n’aurait pas trop joué avec la musique.

Finalement, c’est vrai que ça tombe bien, puisqu’on peut dire qu’il y a beaucoup d’humour et d’autodérision dans votre manière d’aborder la scène.

L : Complétement oui.

Comment est-ce que vous gérez cette image décalée et assumée ? Parce que c’est vrai qu’on prête souvent l’humour aux hommes.

L : Je crois que ce qu’il y a de bien, c’est qu’avec Saskia on ne s’est jamais restreinte du fait qu’on soit des femmes, pour quoi que ce soit. Moi je ne me suis jamais posée la question de me comparer avec ce que faisait un homme. Mais je crois que c’est un peu pareil dans tout ce qu’on aborde. C’est qu’on s’en fout en fait d’être des nanas. C’est qu’on est des individus. Et je crois que l’humour c’est quelque chose d’assez naturel et spontané chez nous.

S : Ça rigole quoi ! (rires)

L : Et puis on a une conscience artistique qui veut qu’on ne fasse pas non plus n’importe quoi. Du coup ça donne un truc drôle et qui ne sonne pas n’importe comment.

 

 

À ce propos on a lu que vous étiez perfectionnistes. Comment ça se traduit dans votre travail ?

L : Franchement appeler son album “Distoris Clitortion” c’est un truc que je ne laisserai jamais passer. Je trouve que c’est indécent.

S : Moi j’aime pas faire de fausses notes à l’accordéon. (rires)

L : Franchement je pense que le studio, c’est un peu comme un terrain de jeu géant. Et typiquement, on ne se dit jamais non avant d’avoir essayé.

S : Moi j’aime pas trigger la grosse caisse. Pour une fois que je peux le placer dans une interview. (rires)

L : On a beau avoir dit qu’on est perfectionnistes, on s’en fout de taper à côté. La perfection ça ne veut pas forcément dire “complétement tout droit”. Taper à côté parfait ça peut justement être parfait, mais c’est juste “parfait”, c’est une question de point de vue. Moi je trouve que parfait c’est chanter un peu faux, c’est taper un peu à côté. Je ne dis que c’est forcément pour que ça sonne grunge ou quoi. On s’en fout. Mais c’est comme ça que ça sonne mieux. Parce qu’on n’est pas des machines, on est des humains. J’ai toujours préféré les lives où les gars ils essayent des trucs, et puis ça sonne un peu free jazz. Et puis des fois ça ne marche pas. Et puis c’est pas pour rien qu’on est des humains.

Justement, est-ce que vous vous reconnaissez un peu dans le terme “grunge” ?

S : Moi je pense qu’au final, oui. On ne le reconnait pas comme influence de base. Après j’ai remarqué qu’il y a quand même vachement de groupes qui repartent dans des trucs un peu dissonants comme ça. On ne veut pas forcement être classé là-dedans, mais je pense que c’est un héritage qui finalement nous a bercé. Vous c’est sans revendications mais si on nous classe grunge, je comprends, il y a quand même des sonorités.

L : On fait pas tout pour en tout cas. C’est vraiment pas calculé. J’en écoute plus vraiment. Et quand on ne dit “c’est grunge”, je comprends parce que je gueule dans le micro mais j’ai pas fait ça pour ça, vraiment pas.

Votre second album s’appelle “Distoris Clitortion”  et on peut voir les suffragettes anglaises manifestant pour le droit de vote des femmes sur la pochette. Est-ce votre féminisme à vous ?

S : La pochette de l’album, c’est une sorte d’hommage. C’est un remerciement, à ces femmes de cette époque-là, qui nous ont permis de faire ce qu’on fait maintenant en gros.

L : Grave. Justement les suffragettes ont participé au fait qu’on arrive aujourd’hui à plus d’égalité. Même si ce n’est pas encore ça. Mais c’est pas parce que nous sommes différents que nous devons être traités différemment. On parle d’être humain avant de parler d’un sexe, d’une couleur, d’une taille, d’une origine. C’est égal.

En jetant un coup d’œil à votre tournée,  vous êtes en vadrouille. Il ne vous reste plus que l’Asie à coloniser !

L : On n’a pas fait l’Australie ! L’Océanie.

S : C’est vrai que cette année on a bien bourlingué.

L : Je suis fatiguée. Mais c’est cool. On voyage pas mal cette dernière année et demi. Un peu depuis l’album en fait. On a été enregistrer le troisième album qui va s’appeler “Wrong Motel” en Arizona aux États-Unis, il y a un an. Et depuis ça j’ai l’impression qu’on n’a pas arrêté de prendre l’avion effectivement. Que ça soit des festivals, showcases.

S : On a visité pleins d’endroits, pleins de pays.

New-York ça doit être chouette !

S : Oui c’était cool et puis c’était l’occasion de voir un peu d’autres groupes et de se rendre compte qu’on fait partie une grande famille en fait. J’ai l’impression que maintenant avec Internet la musique évolue de manière très globale.

Qu’est-ce que ça vous apporte ces tournées ?

L : Oui c’est assez dingue effectivement. C’est clair qu’en commençant en pensais pas voyager comme ça. Ça nous apporte une ouverture sur le monde : on a rencontré des gens vraiment extraordinaires. On a découvert des groupes assez impressionnants.

S : La semaine dernière on était en Estonie, un endroit où ne serait peut-être jamais allé sans ce projet.

L : C’est vrai qu’on a commencé en jouant dans des squats et maintenant on joue dans des festivals. Après il n’y pas un lieu plus qu’un autre qu’on préfère. Quand tu es sur scène, tu te laisses transporter par la musique et puis au bout de la troisième chanson ça m’est égal.

Vous jouez parfois dans de petits clubs et, à l’inverse sur de gigantesques scènes en festival. Comment gérez-vous le changement de dimension et d’atmosphère ?

S : Le changement de dimension, ce sont vraiment les aspects techniques qui changent un peu. Par exemple sur une grande scène, tu ne peux pas avoir ton ingé’ son à côté de toi. Savoir qu’il va devoir courir cinq minutes pour venir te parler c’est autre chose. (rires) Et tu te demandes aussi un peu ce que les gens voient parce qu’on est deux sur scène. Et quand on est sur une scène gigantesque tu te demandes “mais est-ce qu’il faut que je bouge plus grand pour que les gens me voient derrière ? Est-ce qu’il faut que je fasse un plus grand grand écart.”

L : Tiens petite anecdote : on était tellement loin l’une de l’autre sur la scène à Woodstock, en Pologne. C’est une scène immense. Et il y a une chanson où elle fait les repères aux coups de baguettes, et on n’avait pas du tout pensé qu’on serait sur une scène aussi grande. Et du coup on s’est planté parce que j’entendais pas ses baguettes. C’est un truc tout bête mais on n’était pas habitué à des scènes aussi immenses.

Est-ce qu’il y a des dates qui vous ont marqué plus que d’autres ?

L : Typiquement ça, Woodstock. Je crois que c’est vraiment la plus grande scène qu’on n’ait jamais faite.

S : Il y avait dix mille personnes, c’était fou. Ça, et puis j’ai beaucoup aimé l’Eurosonic à Groningen. Il y avait beaucoup beaucoup de groupes. On sent la frénésie quoi. Et il y a une bonne ambiance.

 

 

Et comment êtes-vous reçues par les autres groupes en général ?

S : On est tous un peu dans le même bateau donc on se soutient.

L : C’est un peu comme disait Saskia, il y a toujours une sorte de fraternité. En général ce sont toujours des compliments, ils sont cools. De bons retours.

Est-ce qu’il y a un groupe avec qui vous aimeriez bien partager la scène ? Qu’il soit votre première partie ou que vous soyez la leur.

S : C’est marrant parce que si on prend la rubrique rêves de gosses “slash” rêve d’adolescent. Nous deux on va ouvrir pour des groupes qui ont marqué notre adolescence, et moi encore maintenant. On va jouer le même jour – donc on n’ouvre pas à proprement parlé pour eux mais – on va jouer avant Muse. Ce sera au festival Gurten à Bern et le même jour que Radiohead. Moi ça fait bien dix ans que j’écoute Radiohead. J’ai dû écouter dix mille fois chaque album et là on va le jouer le même jour qu’eux donc je ne me sens plus ! (rires) Oh je suis programmée le même jour que mon groupe préféré de toute ma vie !

L : Et puis moi Muse, c’est grâce à eux que j’ai découvert le rock en fait. J’avais douze ans quand j’ai entendu “New Born” de Muse et je suis restée figée. Et j’ai passé une période de cinq ans de fanatisme. Bon maintenant ils font un peu moins de trucs que j’aime mais c’est grâce à eux clairement que je suis sur scène. Et ça me fait drôle aussi de jouer le même jour qu’eux.

S : Les rêves se réalisent de façon hasardeuse.

L : Oui c’est vrai on dirait qu’il y a un truc cette année.

Est-ce que vous pourriez nous parler un peu de votre prochain album, “Wrong Motel” ? Par rapport aux anciens disques, qu’est-ce qui reste et qu’est-ce qui change ?  

L : Alors il reste une batterie, une guitare et deux membres. Je pense qu’il reste cette spontanéité dans le sens ou on a eu que trois mois pour composer et enregistrer l’album en tout. Donc on n’a pas eu le temps réfléchir ni de prendre énormément de recul. Donc il reste cette spontanéité et puis cette folie parce qu’on a testé des trucs. Par exemple je suis arrivée au studio avec des morceaux pour lesquels je n’avais pas de paroles. On a enregistré et puis j’ai fait les trucs un peu à l’arrache.

S : La technique d’enregistrement, on a testé un truc qu’on n’avait jamais fait auparavant. On a enregistré en analogique. Donc ça veut dire pour la batterie quelque chose de plutôt live. Tu ne fais qu’une seule prise en fait. Tu ne peux pas reprendre tes breaks et dire “attend, coupe. On reprend à 42’.” et puis tu coupes et tu colles. Donc ça, ça change la prise de son.

L : Ça a demandé beaucoup de précision.

S : Voilà et puis le son ça va être autre chose. On a choisi de rester vraiment analogique tout le long. Donc ça change un peu. Ça va être un peu plus live, un peu moins travaillé.

L : Il y a aussi la première chanson de l’album, qui va sortir le 15 avril qui va s’appeler “I Wish You Mine”. Et c’est une chanson très différente de ce qu’on a fait jusque-là. Ce sera quelque chose de beaucoup plus lent, plus sérieux.

Quelles sont les dates à venir qui vous motivent plus que les autres ?

L : Comme disais Saskia, celles de cet été. Le Caribana en Suisse.

S : Oui voilà. Sinon prochainement nous sommes à Cluses. Après on a une date à Verbiers, une date en Allemagne. Après en mai on fait quelques dates en Suisse allemande, Suisse romande. Et ensuite ça va vite être les festivals de l’été.

Pour finir, notre webzine s’appelle “RockUrLife”, alors tout simplement : comment rockez-vous votre life ?

L : En faisant confiance et en fonçant.

 

 

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