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LES DISCRETS (10/04/17)

Après cinq ans d’absence, RockUrLife n’a pas pu résister à l’opportunité de poser quelques questions à Fursy Teyssier, maître à penser de Les Discrets. Retour sur ces cinq dernières années, sur le nouvel album “Prédateurs” et sur l’avenir du duo !

Salut Fursy ! On est à quelques semaines à peine de la sortie de “Prédateurs”. Comment te sens-tu ?

Fursy Teyssier (guitare/basse/chant/visuels) : Je suis super content car ça fait vraiment longtemps que je travaille sur cet album, depuis 2012 pour être exact. L’enregistrement s’est terminé en avril 2015, j’ai mixé l’album en avril 2016 et là il sort en avril 2017 donc ça me tardait qu’il sorte et qu’on en parle plus ! (rires)

Si l’on met de côté les EP, Les Discrets n’avaient pas sorti d’albums depuis 2012. Comment expliques-tu cette longue absence ?

Fursy : Après avoir sorti “Ariettes Oubliées” en 2012, j’ai composé quatre ou cinq morceaux dans la même veine, dans un style metal/post rock. Ils étaient bien mais c’était pas super excitant et ça ne me parlait plus trop. En tant qu’individu ou même musicien, je n’avais pas l’impression de créer quelque chose de stimulant. J’ai donc arrêté de faire de la musique un bon moment avant de plus tard créer en parallèle mon projet Saint Paul. C’était avant tout un projet pour faire la musique que j’avais vraiment envie de faire, sans devoir coller à l’étiquette Les Discrets derrière.

A ce titre, tu avais brièvement démarré Saint Paul, projet avorté mais qui laissait déjà préconiser ce Les Discrets 2.0. Que s’est-il passé ?

Fursy : Je me suis rendu compte que ça ne voulait pas dire grand chose et je trouvais ça dommage de partir sur un projet nouveau et de repartir de zéro. J’ai pensé que tous les morceaux de Saint Paul pourraient tout simplement être ceux du troisième album de Les Discrets. Finalement j’ai composé vingt ou trente morceaux pour Les Discrets en gardant la liberté que j’avais pour Saint Paul.

 

 

Comment as-tu abordé le mot ou le concept de “Prédateurs” ?

Fursy : J’étais en studio avec Stéphane d’Alcest et je lui parlais de ce qu’Audrey et moi on avait en tête pour le troisième album et le mot “Prédateurs” est venu dans la conversation. Ce mot résume bien l’idée qu’on est des destructeurs, qu’on est dans une prédation des animaux, de la nature et même des hommes. C’est un nom assez pessimiste pour un album qui ne l’est pas tant que ça. L’idée générale de l’album, c’est de faire attention à ne pas perdre plus que ce qu’on a déjà perdu.

Il semble que tu aies eu le concept dans un train. Un certain “Lyon – Paris 7h34”, non ? Peux-tu nous en dire plus ?

Fursy : J’ai travaillé pendant des années entre Paris et Lyon et du coup je prenais le train super souvent. Donc effectivement, je prenais le train Lyon – Paris de 7h34. Dans ce train tu traverses pleins de paysages : tu pars de Lyon puis tu te rapproches de la Bourgogne, le Morvan puis finalement Paris. Ce dégradé ville/campagne/ville/campagne (bâtiments horribles, industries ou champs utilisés pour faire paître des animaux) m’a beaucoup touché. Audrey est végétarienne et m’a fait réfléchir à beaucoup de sujets dont notre relation avec les animaux. Moi, j’ai eu cette vision, cette naissance d’une prise de conscience progressive dans ce train-là, avec de la musique dans les oreilles, pendant toutes ces années, juste assis à regarder le paysage défiler.

Pourquoi avoir sorti deux EP avant l’album ? Était-ce un moyen de préparer les auditeurs au nouveau virage musical que tu empruntes sur l’album ?

Fursy : C’est exactement ça. La différence de style est assez forte donc c’était voulu. On a également voulu faire une promotion très diluée de cet album pour préparer doucement les gens au changement. C’était également un moyen de me défendre car j’avais peur des réactions et de l’accueil vis-à-vis du nouvel album. Mais l’EP “Virée Nocturne” a bien été reçu et les concerts ont bien fonctionné également donc ça booste le moral pour la sortie de l’album !

 

 

A ce titre, “Prédateurs” ne s’inscrit plus du tout dans le “post” quelque chose. De quels artistes te sens-tu proche maintenant ?

Fursy : En cinq ans de travail sur cet album, beaucoup de styles et d’artistes m’ont influencés. Beaucoup Massive Attack, Portishead sur la fin. Blonde Readhead qui m’inspire depuis toujours, Benjamin Biolay à une époque, Dominique A et beaucoup de musiques des années 70 issues des films noirs, policiers et polars du style John Barry (“Amicalement Vôtre, le thème de “James Bond”). Quelques groupes de hip hop comme Nas ou le Wu-Tang Clan aussi !

Sur l’album, on retrouve “Vanishing Beauties”, un titre en anglais. Et surprise, l’anglais marche plutôt bien pour Les Discrets ! Comment t’est venue l’idée ?

Fursy : L’ambiance étant étirée et lente, j’ai compris en studio qu’il fallait des paroles à ce morceau, pour que ça donne une idée du rythme. J’ai écrit quelques trucs et les paroles me sont venues en anglais, certainement parce que c’était plus simple. J’ai beaucoup aimé cette expérience et ça m’a fait rendre compte que ça aussi ça faisait partie des règles que je m’étais mises en tête et qui finalement étaient stupides car ça bridait ma créativité. L’anglais apporte du rythme mais aussi de la diversité au niveau de l’écoute générale de l’album. Je suis content si tu penses que ça fonctionne bien !

Les paroles de “Rue Octavio Mey” (ndlr : nom d’une rue à Lyon) sont très touchantes. Quel lien entretiens-tu avec Lyon ? Pour la première fois, cette ville fait plusieurs fois son apparition dans Les Discrets.

Fursy : Ce n’est pas vraiment la première fois que Lyon fait son apparition dans Les Discrets. Par exemple, le morceau “Sur Les Quais” (ndlr : sur le premier album “Septembre Et Ses Dernières Pensées”, 2010) fait référence aux quais de Lyon et le clip de “Ariettes Oubliées” a été tourné sur la place où j’habite, dans le Vieux Lyon.

Finalement, Lyon est très présent dans Les Discrets et c’est une ville qui nous inspire énormément. Il y a un côté italien, un peu romantique, avec de belles lumières dans le Vieux Lyon, des beaux bâtiments et une sorte de sérénité qui est très agréable. “Octavio Mey”, c’est une rue dans laquelle on a vécu six ans avec Audrey. C’est à la fois une déclaration d’amour pour le Vieux Lyon et aussi pour Audrey qui est mon épouse. C’est un texte très à fleur de peau qui correspond bien avec le style de Les Discrets.

Peux-tu nous parler de ta collaboration avec l’artiste anglais Chris Fiel ? C’est la première fois qu’un artiste autre que toi s’occupe de l’esthétique du groupe, non ?

Fursy : Oui effectivement, c’est la toute première fois que quelqu’un d’autre que moi s’occupe de l’esthétique du groupe. Au moment où je travaillais pour le projet Saint Paul, je n’avais plus du tout envie de dessiner pour Les Discrets donc je me suis mis à chercher des photos et je suis tombé sur le travail de Chris Fiel. Son travail m’a vachement inspiré. Ses photos sont très sombres, il n’y a vraiment aucun espoir ! Je l’ai contacté pour lui demander si je pouvais utiliser certaines de ses photos pour le futur album de Les Discrets et il a accepté ! Même quand je composais la musique, j’avais toujours un œil sur ces photos. Son travail a été une sorte de guide, je voulais que la musique colle à ses images. J’ai été très heureux de pouvoir le rencontrer à Londres lors de la tournée. C’est un artiste talentueux, humble et gentil. J’aimerai bien pouvoir continuer à travailler avec lui.

Comment se passe ta collaboration avec Audrey ? On sait qu’elle est une membre à part entière mais elle apparaît justement assez effacée, voire “discrète” dans le projet.

Fursy : “Discrète” (rires). C’est vrai. En fait, Audrey est comme ça aussi dans la vie. Elle n’aime pas se mettre en avant et elle est assez timide donc elle ne participe pas aux concerts. Quand je compose un morceau, je le partage avec elle et je prends en compte son avis. Elle est très sincère et humble à la fois. Ses conseils sont toujours pertinents car elle arrive à déceler ce qui dans le morceau ne me ressemble pas ou ne ressemble pas au projet.

Il m’est arrivé une fois d’utiliser un texte d’Audrey pour le titre “Après l’Ombre” mais la plupart du temps je lui donne les morceaux et elle écrit en écoutant. Puis on chante ensemble par dessus et on fonctionne toujours comme ça. Même si c’est une femme de l’ombre, la sincérité d’Audrey est indispensable au projet.

 

 

“Le Reproche” est un poème d’Henri De Régnier et “Fleurs Des Murailles” de Victor Hugo. Comment sens-tu qu’un texte ou un poème est adaptable à l’univers de Les Discrets ?

Fursy : A l’époque de Saint Paul, j’avais envie de casser les codes et je me suis lancé dans la lecture d’un recueil de poèmes érotiques d’Henri De Régnier. J’ai buté sur “Le Reproche” qui m’a parlé car il collait bien au concept que j’avais de “Prédateurs”. De mon interprétation, c’est une femme qui s’adresse à un homme et qui lui dit qu’il a profité de son corps pendant des années sans vraiment lui donner de l’amour et du respect. Ça répondait bien à la thématique de l’album et du concept de “Prédateurs”, d’humains qui consomment sans jamais rien rendre en retour.

Pour “Fleurs Des Murailles”, c’était un poème qu’Audrey avait recopié sur du très beau papier et m’avait offert. C’était une belle déclaration d’amour et on est tous les deux très fans de Victor Hugo, de ses illustrations, de son engagement politique et de ses écrits !

Vous avez récemment fait une tournée européenne et même quelques dates en Russie. Le retour sur les planches n’a pas été difficile ?

Fursy : Oui ça été difficile. J’aime beaucoup faire des concerts mais ça me stresse beaucoup et je ne suis pas très à l’aise. La préparation a été longue et angoissante mais après quand on joue, on retrouve le goût de la scène et la complicité avec les musiciens. Dans le fond, j’adore jouer mes morceaux en live avec des vrais musiciens mais c’est vrai que j’ai encore du mal à aborder ça de manière détendue.

Penses-tu que Les Discrets pourraient à nouveau tourner avec Alcest ou même des groupes comme Heretoir (ndlr : Fursy a fait la pochette du dernier album) ?

Fursy : Non, je n’ai plus vraiment envie. Je suis très content de l’indépendance dont bénéficie actuellement Les Discrets. On a fait pas mal de choses avec ces groupes dans le passé et je les adore toujours mais le style ne colle plus vraiment. J’ai besoin de changer un peu d’air et j’aurai plutôt tendance à vouloir tourner avec des groupes de rock, rock indé ou de post rock. Le seul groupe de ce style avec lequel j’aimerai vraiment tourner c’est Lantlôs, car ils ont vraiment une approche extrêmement personnelle.

Notre webzine s’appelle “RockUrLife” et on finit toujours comme ça : qu’est-ce qui rock ta life ?

Fursy : Les voyages en Norvège, en Islande ou en Écosse. On adore partir dans ces pays-là. En fait c’est pas très rock n’roll mais ce qui motive ma vie en ce moment, c’est plutôt une recherche du calme ! (rires).

 

 

Site web : lesdiscrets.com