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THE DAMNED (09/03/18)

English version

C’est dans un hôtel parisien très chic que nous avons rencontré le leader de The Damned, Dave Vanian, pour parler du nouvel album. “Evil Spirits” sortira le mois prochain en France, et nous avons hâte d’entendre ce qu’il a à dire sur le sujet. L’homme entre dans un petit salon avec toute la classe et l’élégance du monde.

Une décennie a passé depuis votre dernier album (“So, Who’s Paranoid” en 2008) et vous étiez en tournée pendant de nombreuses années. Quel effet cela vous fait de revenir avec un nouvel opus ?

Dave Vanian (chant) : C’est un retour à ce dont on se souvient, puisque que nous étions à l’arrêt pendant un petit moment je pense. Nous aurions du le faire il y a six ans, mais à cause de la paresse ou d’autres raisons, cela ne s’est pas produit. Au final, nous sommes ici maintenant. J’avais oublié le travail que cela représentait ! (rires) Mais ça a été formidable ! Quand nous avons composé l’album, nous voulions faire en sorte qu’il soit le meilleur possible, juste au cas où ce serait le dernier. On ne sait jamais. Il a fallu un peu de temps pour tout mettre en place, et c’est tout ce que nous voulions faire. Heureusement, c’est arrivé de la bonne façon. Ce qui m’a surpris, c’est le retour que nous en avons eu. Le public a vraiment partagé l’amour qu’il portait au groupe. Nous avons toujours eu un bon suivi.

En parlant de retour, a-t-il été bon durant votre dernière tournée au Royaume-Uni ?

Dave : Très bon. Nous avons inclus trois nouvelles chansons aux concerts, on ne sait jamais comment cela va se passer. “Standing On The Edge Of Tomorrow” a eu un très bon retour car je pense que les gens l’avaient entendu plusieurs fois (ndlr : en tant que single). Tout s’est très bien passé. C’est bon de jouer de nouveaux titres, même si nous avons la chance de pouvoir piocher dans un vaste répertoire. Quand tu es sur scène, tu ne veux pas tourner en rond, coincé par ce sentiment de régresser.

Même quand les concerts sont différents ? Comme ceux que vous avez fait avec Motörhead il y a quatre ans ?

Dave : C’était très différent, il s’agissait d’une courte prestation. Quarante-cinq minutes si je me souviens bien. On a probablement choisi nos morceaux les plus puissants, assez costauds pour le public de Motörhead. Je pense qu’on s’en est bien tiré, la foule semblait apprécier de voir un groupe qui se donne à fond. J’aime jouer avec d’autres groupes, c’est toujours sympa d’avoir un peu de compétition nerveuse.

Ce qui est aussi de la saine compétition.

Dave : Exactement. Ce qui te permet de te maintenir sur la brèche, car tu peux facilement prendre les choses pour acquises et tu pourrais ne plus essayer autant qu’avant. C’est pour ça que nous aimons avoir un peu de chaos.

En parlant de Motörhead, Lemmy était un ami proche et un collaborateur de longue date. Est-ce que tu as pensé à lui en composant cet album ?

Dave : Qui ne l’a pas fait ? C’est triste qu’il soit parti, j’ai été très heureux de faire ce que j’ai pu faire avec lui depuis 1976. Au final, il a vécu la vie qu’il a toujours voulu vivre. Il n’y a qu’un seul Lemmy.

 

 

Nous avons écouté plusieurs fois “Evil Spirits” et c’est un sacré album ! Comment pourrais-tu le décrire au public ?

Dave : J’espère qu’il y a quelque chose pour tout le monde dans cet album. Il y a une touche du passé présente, les groupes de garage rock des 60’s, et tous les ingrédients qui ont vu le jour avec The Damned au fil des années. J’espère que c’est comme une marginalisation de notre meilleur travail. Je ne sais jamais quelle tournure va prendre un album, ça vient naturellement. On l’a nommé “Evil Spirits” avant d’écrire la moindre chanson. Donc au bout d’un moment, on s’est demandé si “Evil Spirits” marchait, si c’était le bon titre. Cela fonctionne désormais.

La pochette nous rappelle l’esprit des films noirs, notamment “Le Troisième Homme” avec Orson Welles.

Dave : L’une des choses que je voulais principalement éviter, c’est que “Evil Spirits” évoque l’aspect fantôme, le Mal, ou tout ce qui s’en approche. Je veux que les gens gardent un esprit ouvert. Les chansons en disent bien plus que ça. C’était intentionnellement à propos de certaines choses comme l’autodiffusion, ce qui imprègne parfaitement les paroles au contexte de La Guerre Froide et à ce genre de sensation. Comme tu l’as dit, c’est comme une vieille affiche de film. Je n’aime pas quand les choses sont exactement ce qu’elles sont.

 

 

C’est très intéressant que tu aies mentionné des fantômes. De nos jours, The Damned est considéré comme les précurseurs du rock gothique, suivi par des groupes comme Joy Division et Depeche Mode. On n’est pas d’accord parce qu’il y a une sorte d’optimisme dans votre musique.

Dave : Je pense que tu as raison. C’est la différence, il y a un aspect très dépressif dans le rock gothique. Comme les choses vont mal, cet album a son propre sens de l’optimisme. Quel est le but d’abandonner maintenant ? Et cela devrait être là. Certaines chansons sont juste la célébration du fait que vous pouvez faire des choses. Je veux dire, nous avons beaucoup de problèmes importants dans le monde, mais si nous sommes assez intelligents, nous les réglerons tous. Petit à petit. Ce n’est pas la première fois que les choses vont mal.

Au début du groupe, vous étiez habillé tout en noir. C’est peut-être comme ça que vous avez mérité votre titre.

Dave : C’était une époque différente. Si vous aviez une veste en cuir, les gens traversaient la rue parce qu’ils pensaient que vous étiez un dur à cuir, ou une tarlouze ou que sais-je encore. Maintenant, tout le monde a une veste en cuir. C’est un accessoire de mode. Tout a été vendu. Il est difficile pour les gens de réaliser à quel point le monde était différent. C’était quelque chose de juste porter du noir.

Le monde est différent mais vous êtes plus pertinent que jamais.

Dave : Je pense que cet album, d’une manière étrange, est aussi une promenade dans l’histoire des groupes qui nous ont inspirés. Donc, l’inspiration pour nous est le début des groupes de garage rock, avec Johnny Meeks et Gene Vincent. Le son est là. Plus sur cet album que sur tous les albums que nous avons déjà composés.

Cependant, le son est très moderne.

Dave : C’est ce dont je suis très content. C’était fait à l’ancienne, les meilleures conditions pour l’enregistrer. Mais je ne voulais pas qu’on sonne comme une bande vieux qui ne connaissent que l’ancienne école.

On est content que tu aies mentionné l’ancienne école. Comment s’est passé votre quarantième anniversaire ?

Dave : Fatiguant. (rires) Je ne veux pas parler de nos quarante ans, je veux parler de maintenant ! Mais c’est pertinent car l’anniversaire a été une autre occasion manquée d’enregistrer un album. Nous avons fait cette tournée massive autour du monde avec un set de deux heures, c’était fantastique en soi. Je ne dis pas que ce n’est pas une bonne chose, car évidemment ça l’est.

Le concert au Royal Albert Hall semblait être l’un des plus beaux moments de ta vie.

Dave : C’était un concert vraiment spécial pour moi. C’était le public qui m’a étonné. C’est un lieu théâtral. Et il y a beaucoup d’ironie dans le fait que nous avons joué là-bas, dans cet endroit gigantesque rempli de fantômes. Nous étions à l’origine bannis pendant des années. Pas de musique punk au Royal Albert Hall. Et ils nous ont demandé de revenir ! (rires) Ils ont dit “vous avez été adorables, nous aimerions vous avoir de nouveau !”. Excepté nos pitreries en coulisses, rien n’a changé. Nous buvons un peu plus peut-être. (rires)

Retour à “Evil Spirits”. Comment s’est passé l’enregistrement avec Tony Visconti ?

Dave : C’est venu très facilement, c’est un homme très calme en tant que producteur. Il a cette incroyable connaissance de la musique, et vous pouvez dire qu’il aime tout ce qui concerne la musique. Il a 73 ans, et il fait toujours du bon travail. J’ai entendu ce qu’il a fait sur la chanson “Blackstar” de Bowie, et je pensais qu’il serait un producteur parfait pour nous. Il comprendrait ce que nous cherchions à faire, l’ambiance de groupe de garage rock des années soixante. Il a travaillé comme nous voulions travailler. Ce qui implique peu de numérique.

Pourquoi ne pas avoir travaillé avec lui auparavant ?

Dave : L’occasion ne s’est jamais présentée, et c’est ironique que tu me demandes ça car la première fois que je l’ai rencontré, il m’a dit : “pourquoi tu n’as pas demandé avant ?”. Le temps et l’industrie du disque jouent souvent contre nous, je suis heureux que ça aie pu se produire.

Qu’est-ce que tu aimes de ces anciennes productions ?

Dave : Je pense juste que ses productions ont beaucoup de profondeur. Il y a beaucoup de bons producteurs, mais Tony est à un niveau où tout est fort, avec tous les instruments au même volume. Et quand vous entendez un son si puissant qui sort en ligne droite devant vous, ça sonne du tonnerre.

As-tu des morceaux préférés sur “Evil Spirits” ?

Dave : C’est trop tôt pour le savoir. (rires) C’était génial de voir ces morceaux de musique prendre vie, car il y avait des démos jamais jouées en live.

 

 

Qu’écoutes-tu de nos jours ?

Dave : C’est difficile parce que j’ai tendance à être éclectique, et j’écoute principalement des vieux groupes de dance des années 30, tu vois le genre. Laisse-moi voir … du glassharmonica, qui est un instrument étrange.

Scott Bradlee’s Postmodern Jukebox ?

Dave : (rires) Je les écoutais justement l’autre soir !

On est surpris qu’ils n’aient pas encore joué l’une de tes chansons.

Dave : Oh, ce serait cool ! Il y en a une avec un danseur de claquettes, génial ! Connais-tu Puddles Pity Party ?

Grâce à sa reprises de blink-182. C’est le plus étonnant !

Dave : Quelle voix, hein ? Il est allé à l’un de nos concerts en Californie, pour passer nous dire bonjour. Il avait l’habitude de faire des imitations d’Elvis avant ça, puis il a soudainement inventé Puddles et c’est génial !

Pour revenir avec The Damned, le cinéaste Edgar Wright a parfaitement utilisé la chanson “Neat Neat Neat” pour son film, “Baby Driver”.

Dave : Je ne l’ai pas encore vu. J’ai beaucoup entendu parler de ça. J’ai vu une interview de certains des acteurs et ils ont dit qu’ils ont fait les scènes avec les chansons en fond pour que les acteurs bougent sur le rythme de la musique. Donc le montage devrait être génial, j’adorerais le voir ! J’aime les films, et certains de nos morceaux peuvent vraiment être bons pour l’univers du cinéma.

Est-ce que tu t’inspires du cinéma ?

Dave : J’aurais du en faire ! (rires) Ce qui est drôle sur cet album, c’est la première fois que je n’ai pas écrit une chanson inspirée par ou directement d’un film ou d’un acteur, comme James Dean ou certains des grands acteurs d’horreur. Probablement une question de temps, nous n’avions que neuf jours pour l’enregistrer.

Notre génération idéalise la période punk, surtout 1976-1977. Je pense que ton premier album est un meilleur témoignage que “Nevermind The Bollocks”.

Dave : Peu importe l’importance des Sex Pistols, c’était essentiellement une chose basée sur des gens choquants pour le plaisir. Ils ont leur importance historique, mais les choses ont tellement changé, il est inutile d’essayer de le recréer.

Pour finir, nous sommes “RockUrLife”. Qu’est-ce qui rock ta life ?

Dave : L’espoir d’y retourner pour encore quarante ans ! (rires) Sérieusement, j’ai atteint un point dans ma vie où il y a encore des choses que je veux faire. Il y a toujours plus à venir.

Merci Dave Vanian pour cette interview.

 

 

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