Interviews

ARCHITECTS (16/04/14)

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A quelques heures du dernier concert de la tournée, accompagnés par Stray From The Path et Northlane, l’équipe de RockUrLife a eu l’opportunité de s’entretenir avec Alex Edwin Dean. C’est alors dans la cour de La Maroquinerie que l’on retrouve le bassiste de la formation britannique, arborant un T-shirt More Than Life une bière à la main, pour un entretien sous le soleil rythmé par le bruit des verres qui claquent au bar de la salle et les conversations des autres membres installés quelques mètres derrière, profitant de leurs dernières heures tous ensemble, tout en détente.

Le groupe est maintenant de retour avec un nouvel album intitulé “Lost Forever // Lost Together“. Vous avez travaillé avec Fredrik Nordström et Henrik Udd pour produire cet opus. Comment en êtes-vous arrivés à collaborer avec eux et comment était-ce ?

Alex Edwin Dean (basse) : On savait que quelques albums de groupes que l’on adore avaient été enregistrés avec eux et on s’est dit que l’on aimerait faire quelque chose d’un peu différent. On enregistre d’habitude à Reading, au Royaume-Uni, mais on voulait faire quelque chose d’autre cette fois-ci et on a donc enregistré en Suède. En fait, on avait entendu quelques morceaux qui avaient été produits dans leur studio et ça sonnait tellement bien ! Aussi, on a appris que tu es en mesure de t’enregistrer toi-même là-bas, et si tu veux t’asseoir pour enregistrer tard le soir, tu peux le faire également. Ces possibilités ont été très attirantes, peut-être même les deux facteurs majeurs qui nous ont encouragés à nous jeter à l’eau. C’était génial, c’est la meilleure expérience qu’Architects a eu quant à l’enregistrement d’un album. C’était tellement facile, et on a eu tout le temps nécessaire pour enregistrer les guitares et le chant tard le soir. Ca a excessivement bien marché pour nous. On compte définitivement retourner bosser là-bas.

Quel était votre mot d’ordre pendant que vous travailliez sur ce nouvel album ?

A : Juste le rendre bon je suppose ! (rires) Je ne sais pas, simplement essayer de faire un album dont on serait totalement satisfaits. Quand on repense à nos albums précédents, il y a toujours quelques petits trucs que l’on aurait probablement voulu faire différemment. Personnellement, je ne changerai rien dans “Lost Forever // Lost Together”. Je trouve qu’il sonne très bien, les chansons sont toutes là et on est vraiment heureux du rendu.

Comment était le processus créatif ? Vous avez d’abord composé la musique ou écrit les paroles ?

A : Ce qu’on a fait pour cet opus, c’était de beaucoup enregistrer chez nous. Les démos étaient envoyées à chacun d’entre nous et on a tous donné notre opinion, puis elles étaient souvent réenregistrées. Je crois que l’on n’a pas eu une seule vraie répétition de groupe avant d’aller en studio. Chacun avait bien bossé chez lui histoire d’être sûr qu’il pouvait jouer les chansons. La musique arrive toujours en premier !

Comme le groupe l’a mentionné dans de précédentes interviews, “Lost Forever // Lost Together” s’éloigne intentionnellement des paroles au penchant politique de “Daybreaker” (2012) pour ne pas répéter la même chose encore et encore. En effet, vous vous êtes concentrés sur des sujets plus vastes, de manière à ce que les auditeurs puissent mieux se reconnaître dans les paroles, comme dans la chanson “Castles In The Air”, par exemple. Cependant, dès le premier titre de l’album, “Gravedigger”, il semble que vous n’ayez pas totalement abandonné l’idée d’aborder des sujets politiques.

A : Oui, c’est en effet une chanson politique. La vague n’est pas la même pendant tout l’album cependant, la religion ou encore la crise à Fukushima en ce moment sont abordés, mais le titre “C.A.N.C.E.R” parle du cancer de Tom (Tom Searle, guitariste d’Architects), ce qui tourne évidemment autour de problèmes plus personnels. C’est un titre plus intime et c’est quelque chose que l’on n’avait pas vraiment fait sur “Daybreaker”. On voulait juste varier un peu plus les paroles.

Dans “Dead Man Talking”, on retrouve une ligne disant “maybe Orwell was right all along”. Sachant que George Orwell était un écrivain britannique célèbre pour sa connaissance des injustices sociales, son opposition au totalitarisme ou encore son engagement au socialisme démocratique, on peut se demander si votre inspiration trouve sa source ici ? Dans des livres, articles, ou quoique ce soit d’autre… ?

A : L’inspiration vient plus des affaires actuelles, d’une recherche de ce qui se passe dans le monde, aussi du fait que les médias nous servent une fausse vérité dans une petite cuillère. La base des paroles vient de là, du fait de chercher des réponses soi-même plutôt que de se faire dicter quoi penser constamment. Le groupe entier ne suit pas les médias de masse, et c’est probablement de là que vient l’inspiration pour écrire.

Votre style a quelque peu changé au travers de vos différents albums. Qu’aurais-tu à dire aux gens qui préfèrent le “vieux Architects”?

A : Ecoutez les anciens albums que vous aimez. (rires) Si les gens n’aiment pas la direction que l’on a pris, il n’y a pas grand-chose que l’on puisse faire, on fait ce que l’on aime et on ne fera jamais de musique pour plaire aux autres, on veut que notre travail nous plaise à nous. S’ils n’aiment pas notre “nouveau son”, il ne reviendra jamais à ce qu’il était parce que c’est le genre de direction que l’on va suivre à partir de maintenant.

En 2013, vous avez quitté votre ancien label Century Media et décidé de rejoindre Epitaph Records. Quel est votre relation avec ce nouveau label et qu’est-ce qui a changé depuis ?

A : Chacun d’entre nous est beaucoup plus satisfait maintenant. On sent que notre label actuel se préoccupe de nous et souhaite nous pousser à la réussite, tandis que l’on se sentait un peu laissés de côté chez Century Media, on ne recevait pas autant d’attention que l’on aurait pensé recevoir. Rien que l’atmosphère d’Epitath Records est géniale, c’est un très bon label et ils ont des bonnes valeurs. C’est beaucoup mieux pour nous maintenant, le label a un roster qui nous convient mieux. Century Media était plus centré sur le metal et ce n’était pas forcément le meilleur endroit pour notre groupe.

En parlant d’opportunités, quelle est la chose que tu aimerais faire avec Architects mais que tu n’as pas encore pu faire ?

A : Il y a quelques endroits que l’on n’a pas encore pu visiter, quelques coins que l’on n’a jamais vraiment vu comme le Japon. On voit nos amis se rendre dans des endroits magiques et on est assez jaloux, ils jouent à Hawaii, en Afrique du Sud, des pays comme ça. Ça serait sympa pour nous de nous envoler vers des pays que l’on aimerait visiter. On voudrait continuer de faire des concerts, garder les retours positifs que l’on a reçus récemment. Ça serait bien de continuer sur le chemin sur lequel on est actuellement, les choses se passent bien pour nous !

Vous êtes un groupe à succès maintenant et vous passez évidemment beaucoup de temps en tournée. Est-ce que tu as déjà eu des doutes quant au fait de dédier ta vie à la musique ?

A : Il y a eu des fois où ça a été dur, vraiment. Je ne comprends pas comment on a réussi à y arriver avec le peu d’argent que l’on avait à l’époque… Il y a eu des fois on se disait “Finalement, ça ne se passe pas aussi bien que ce que l’on avait prévu…”. On a rencontré des difficultés ici et là, quand tu penses avoir sorti un album peu convaincant par exemple, c’est assez dur de rebondir là-dessus. Mais je pense que l’on a simplement continué à travailler, et ça a payé.

En parlant de touring, vous êtes sur la route avec Northlane et Stray From The Path depuis quelques semaines maintenant, et ce soir marque le dernier concert de la tournée. Comment ces deux groupes ont-ils fini en tant que premières parties, et comment était cette tournée en EU/UK ?

A : Stray From The Path sont des vieux amis à nous, on a fait notre toute première tournée américaine avec eux. On les a déjà emmené sur la route auparavant, ils sont vraiment des très très bons amis. C’est agréable d’être en position de les amener en tournée et leur donner l’opportunité de jouer devant un public surchauffé. On ne connaissait pas personnellement Northlane avant, mais on était des grands fans de leur groupe. On a jamais vraiment fait de tournée où on pouvait regarder chaque groupe jouer chaque soir, et cette fois c’était possible, on a des très bonnes formations à nos côtés. La tournée a été simplement incroyable, on a rempli des salles que l’on n’aurait jamais pensé remplir… Par exemple, on était à Cologne hier et c’était une salle sold-out de 20.000 personnes. La dernière fois que l’on s’était rendu là-bas, on avait joué devant environ 550 personnes. Le cap que l’on a franchi est inespéré pour nous, je suis émerveillée par toutes les possibilités maintenant.

Quelle était la fosse la plus folle que tu aies vu ?

A : Probablement celle d’hier soir à Cologne. On a fait une bonne date à Londres également et beaucoup d’autres concerts dont nous sommes plus que satisfaits, mais le headliner à Londres était spécial pour nous. C’était un gros show qui s’est très bien passé. Hier soir était juste un immense choc, jouer devant autant de personnes si loin de chez nous… C’était notre plus gros headliner en Europe donc c’était plus que cool.

Vous êtes actuellement tous vegans, et il semble que beaucoup de musiciens issus de la scène hardcore ou metalcore tendent à l’être aussi.

A : Ouais, c’est plus populaire maintenant je trouve. Je vois beaucoup de vegans en tournée.

Penses-tu que c’est une pure coïncidence, ou est-ce qu’il y a réellement un lien entre la musique et les modes de vie tels que le véganisme ?

A : Il y a définitivement un lien. Quand je parle de véganisme aux gens, la plupart d’entre eux ne savent pas ce que c’est, mais j’ai l’impression que tout le monde le comprend en tournée. Même les musiciens qui ne sont pas vegan le respectent. La communauté dans laquelle nous sommes est parfaite pour partager des informations, des idées. J’en ai d’ailleurs partagé pas mal lors de cette tournée, j’étais probablement trop bourré et démesurément passionné de véganisme que j’ai essayé de convertir quelques personnes dans le bus. (rires)

Quand es-tu devenu vegan, et pourquoi ?

A : Ca fait à peu près deux ans, ou peut-être juste un an et demi. J’étais initialement végétarien pendant un petit moment, purement basé sur la conversation que j’avais eu avec la copine de Tom. Elle était là : “Si tu veux essayer, vois ce que ça donne pendant un weekend.”, c’est ce que j’ai fait et je ne suis jamais revenu en arrière. Puis j’ai fait quelques recherches sur les avantages de l’alimentation vegan et les droits des animaux. Quand j’ai commencé à en apprendre plus sur le sujet, je ne pouvais simplement plus être végétarien sans penser aux aspects négatifs. C’est devenu plus un problème de droits des animaux qu’autre chose pour moi, je me devais de changer parce que c’était juste tellement hypocrite de ma part de prétendre adorer les animaux et les dévorer ensuite… Ça n’avait aucun sens.

Devenir vegan semble être une très bonne idée, mais ça semble aussi être une chose difficile à faire au départ…

A : C’est vrai que c’est assez délicat ! Ça se passe sans problème pour le groupe parce qu’aucun d’entre nous ne mange de viande, notre tour manager non plus car il est végétarien, donc ça rend la tâche plus facile quand tout le monde partage le même mode de vie et point de vue. Ça aide clairement au début. Mais oui, c’est difficile. Je pense que ce avec quoi la plupart des gens ont du mal, c’est surtout les aliments comme le fromage ou le chocolat, mais il y a beaucoup d’alternatives. C’est tellement mieux. Je sais que ça peut paraître un peu intense, mais j’ai l’impression que ça m’a rendu meilleur.

Super, c’est cool de voir que tu es 100% content de ton choix. Changeons maintenant de sujet : certains groupes ont été accusés d’exploiter leurs fans pour leur faire payer des Meet & Greets qui coûtent des centaines de dollars. Que penses-tu de ce système ?

A : (soupirant) C’est dégueulasse. Les gens sont assez gentils pour soutenir ton groupe et si tu ne peux pas trouver un moment dans ta journée pour les remercier et leur rendre la pareille, alors tu fais ce métier pour les mauvaises raisons. C’est la chose la plus stupide que j’ai jamais entendu, je sais que quelques groupes font ça mais heureusement, on fait partie d’une communauté où cette pratique n’est pas considérée comme acceptable. C’est une mentalité différente ici. Et oui, c’est affreux ! Il n’y a aucune chance que notre groupe fasse ça, c’est juste mal.

En parlant de l’évolution de l’industrie musicale, on sait tous qu’elle n’est pas au mieux de sa forme depuis quelques années. Concrètement, qu’est-ce que les amateurs de musique peuvent faire pour aider les groupes ?

A : Acheter de la musique. C’est encore quelque chose que les gens peuvent et devraient faire. Il y a certains moments où je me laisse tenter par le téléchargement illégal, et puis je réalise que ça serait très hypocrite de ma part. J’aimerais que les gens achètent nos albums parce que ce n’est pas nécessairement une question d’argent, mais plus une action qui peut permettre aux groupes de continuer de faire ce qu’ils veulent faire. C’est la partie la plus difficile quand tu fais partie d’un jeune groupe, l’aspect financier de tout ça t’empêche de faire les choses que tu aimerais faire parfois. Je pense que payer pour de la musique, acheter des T-shirts ou aller à des concerts sont des bonnes manières d’investir dans un groupe parce que tu y gagnes aussi quelque chose. Une autre façon d’aider les musiciens est de tout simplement faire passer le mot. Parlez-en à vos amis, que ce soit en face à face ou sur Internet, c’est quelque chose d’assez logique mais tout le monde ne le fait pas forcément parce qu’on pense souvent que ce n’est pas nécessaire. Etre un fan actif qui fait de la pub pour le groupe peut être d’une grande aide.

Beaucoup de groupes disent que la majeure partie de l’argent récolté provient des tournées.

A : Oui, c’est vrai. Beaucoup provient du merch. C’est vraiment important que les fans investissent dans les groupes qu’ils aiment, sinon ils ne seront plus capables de faire des concerts.

Sachant que l’industrie a justement changé au fil des années, comment gardes-tu foi en ce que tu fais ?

A : Avec Architects, on fait simplement ce qui nous semble être la bonne chose à faire. On essaie de ne pas trop se laisser influencer quant à notre façon de créer et jouer, on a un manager génial qui partage aussi cette vision. On reste fidèle à ce que l’on veut faire, on n’est pas là à se dire : “On doit faire ceci ou cela pour être immenses.”. Pour nous, ne pas perdre de vue qui on veut être en tant que groupe est très important, et ça semble avoir fonctionné jusque-là.

Du coup, qu’as-tu appris depuis que tu es dans un groupe ?

A : C’est important de rester intelligent dans ta manière de gérer l’aspect technique des tournées, être professionnel, essayer d’aider les autres quand tu le peux et être respectueux, parce que tu vas passer tellement de temps avec ces personnes que c’est mieux pour tout le monde s’il y a de l’entraide. J’ai aussi appris à jouer d’un instrument correctement. (rires)

Quand tu étais enfant, tu avais probablement des groupes favoris. Qui t’as inspiré ?

A : Le premier groupe dans lequel j’étais à fond était Papa Roach. Ils m’ont initié au metal et à la musique en somme. Avant ça, j’adorais des groupes tels que Blink-182, Nirvana, Deftones… Il n’y a pas un jour sans que je pense à quelques-uns de mes groupes préférés !

 

Pour conclure, notre site s’appelle “RockUrLife”. Qu’est-ce qui rock ta vie ?

A : Ce qui a rocké ma vie dernièrement est GigSmart, qui est une nouvelle organisation que j’ai créé. C’est juste ce truc sur Internet où je donne des conseils pour être bons et efficaces en tournée. J’espère que les gens vont se pencher dessus parce que ça va être intéressant !

Et bien, je pense que l’on a fini. Merci pour ton temps !

A : Pas de problème ! On se voit ce soir !

Site web : architectsofficial.com