Chroniques

Underoath – Erase Me

Au rayon des reformations qui ont excité la scène alternative ces dernières années, Underoath se pose là. Un (très bon) dernier album, sans Aaron Gillespie – membre fondateur du groupe, batteur, chanteur et garant de l’identité de la formation – sorti en 2011 puis une séparation en 2013. Cependant, comme beaucoup de formations issues de la même génération (Thrice, Thursday), les splits ne durent jamais vraiment. Side projects qui ne prennent pas l’envol espéré, besoin de retrouver les vieux copains avec qui on a retourné le monde des années durant ou motivation financière tout simplement, le voile ne sera jamais levé quant aux raisons qui justifient ces reformations, qui surviennent assez vite mine de rien.

Toujours est-il qu’après avoir effectué son retour sur scène, et avec le line up originel, en 2015, Underoath dévoile donc enfin un nouvel album ! Les craintes sont au rendez-vous car rares sont les reformations fructueuses. Et pour un groupe à l’identité aussi marquée que celle d’Underoath, la ligne pertinente entre les attentes des fans, l’évolution inhérente à chaque groupe et le simple bon goût n’est vraiment pas simple à trouver !

Et pourtant, plus les écoutes défilent de ce “Erase Me”, plus cette galette se révèle être convaincante. Si, dans un premier temps, on a pu craindre à un tournant légèrement trop pop (“Rapture”, “Wake Me”), observer en profondeur les onze chansons du disque permet de se rendre compte de l’énorme travail qui a été fait. Le sextette a, notamment sur ses trois derniers essais, toujours su instaurer des ambiances reconnaissables entre mille et qui donnent une véritable cohérence à l’ensemble. Il est possible de savoir de quel effort vient tel morceau juste en écoutant l’ambiance générale du titre. Et une fois encore, on se trouve en face d’un disque d’une grande cohérence. En témoigne l’intelligence avec laquelle les voix de Spencer Chamberlain et d’Aaron Gillespie sont gérées. Si, et certain le regretteront peut-être, Chamberlain est vraiment mis en avant en tant que frontman principal, l’apport de Gillespie en devient du coup bien plus pertinent. Il faut dire que les progrès de Chamberlain au chant clair sont impressionnants. Une chanson comme “Bloodlust” vous montrera toute l’étendue de son registre.

Mais attention, Underoath n’a pas abandonné ses couilles pour autant. Si lorsque l’on apprend que la production de l’opus aurait du être confiée à Oli et Jordan de Bring Me The Horizon, on comprend encore mieux où le groupe veut en venir et on ne peut s’empêcher de noter des similitudes avec les derniers albums de leurs cadets anglais (“Rapture”, “ihateit”). Des titres comme “It Has To Start Somewhere” ou “Sink With You” ramènent le Underoath enragé et déstructuré qui a fait notre bonheur il y a une dizaine d’années. La formation continue également de cultiver un vrai goût pour les refrains épiques (“Hold Your Breath”, “In Motion”, “I Gave Up”) sans pour autant tomber dans le putassier. La production aide d’ailleurs à ne pas avoir l’impression d’écouter un album sorti il y a dix ans. Le choix des sons et des textures est vraiment moderne, les nappes électro toujours présentes mais qui sont également les garantes de l’ensemble de la cohérence de ce “Erase Me”. Chaque instrument est à sa place et contribue à rendre les morceaux meilleurs.

En définitive, on se trouve face à un vrai bon album d’Underoath. Le groupe a su s’écouter et évoluer en fonction de ses envies, sans pour autant renier son identité de départ. Evidemment, il y aura toujours des détracteurs qui regretteront l’aspect nuancé de ces nouvelles chansons qui font perdre un peu d’agressivité. Mais le groupe se trouve être aujourd’hui visiblement plus porté sur l’importance de la cohérence musicale plutôt que sur les morceaux de bravoure individuel. Et c’est vraiment tout à son honneur.

Informations

Label : Fearless Records
Date de sortie : 06/04/2018
Site web : underoath777.com

Notre sélection

  • Sink With You
  • On My Teeth
  • No Frame

Note RUL

4/5

Ecouter l’album

Nathan Le Solliec
LE MONDE OU RIEN