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The Gaslight Anthem – History Books

Pour un amateur de musique, il n’y a pas de meilleure sensation que de tomber par hasard sur un groupe qui vous scotche instantanément. Ce sentiment d’avoir trouvé quelque chose d’unique, puis la satisfaction de voir ses espoirs toujours confortés, sortie après sortie. Pour de nombreuses personnes, dont l’auteur de cette chronique, cette sensation a eu lieu en découvrant The Gaslight Anthem.

L’idée d’injecter de la soul dans leur punk a fait de The ’59 Sound (2008) l’un des meilleurs disques rock des quinze dernières années. Encensé par la critique, rejoint sur scène par Eddie Vedder de Pearl Jam et Bruce Springsteen, le groupe n’a cessé de voir sa notoriété s’amplifier album après album. Cette success story sera pourtant subitement mise sur pause en 2015, motivée par un désir de se renouveler.

Dans l’intervalle, son leader, Brian Fallon ne s’est pas reposé sur ses lauriers. Désireux d’expérimenter un versant plus introspectif, il a profité de ce break pour sortir trois albums solos, davantage tournés vers la folk. Après neuf années de sevrage d’hymnes rock, l’annonce de cet History Books a donc de quoi faire saliver au regard de l’alchimie historique du quatuor. Pour un nouveau best-seller ?

Histoire contemplative

Peut-être désireux d’illustrer leur plaisir de se retrouver, l’ouverture “Spider Bites” irradie le bonheur de jouer ensemble. Avec son refrain totalement addictif, ce titre dégage une atmosphère de joyeux jam. Il fallait donc l’arrivée d’un boss pour remettre un peu d’ordre dans les rangs. Ou plutôt DU Boss, Bruce Springsteen en personne. Que le héros de Fallon demande à figurer sur le disque ressemble à une forme de consécration pour les gars du New Jersey. Sa voix feutrée confère une profondeur saisissante au morceau éponyme. Souvent comparés, on a le sentiment que Springsteen apporte une perspective de l’avenir de son cadet sur ce morceau traitant des affres du temps qui passe. Désormais quadras, cette dualité entre nostalgie et envie de profiter de la vie est le thème récurrent de l’ensemble. (“J’aimerais pouvoir refaire ma vie/Je serais un meilleur jeune maintenant” trouvant son contrepoint dans “Je veux vivre/je veux t’aimer un peu plus longtemps“).

Cette nostalgie transpire également sur le style des compositions. On sent que Brian semble désormais plus habité par les sillons brumeux empruntés en solo que par un retour aux sources rock. Sa voix a d’ailleurs évolué, se faisant moins rauque et plus fragile. Désarmante de douceur, “Michigan, 1975” illustre ce constat, amenant vers des tonalités à l’opposé des graves de “Here’s Looking At You Kid”. “Empires” nous confirme l’incroyable capacité à envelopper l’auditeur dans une couverture chaleureuse (ce timbre !). Ces deux titres prolongent l’expérience de Local Honey (2020), nous invitant à trouver de la lumière dans des fêlures tout automnales. La collaboration avec l’architecte du son de Gang Of Youths, Interpol ou The National épouse ainsi pleinement cette logique.

…agrémentée de beaux rebondissements

Au bout du compte, la majorité des chansons embrassent un tempo plutôt lent, sans toutefois manquer de relief au détour d’un couplet (“The Weatherman”). Pour autant, si la formation a tourné une page rythmiquement et vocalement, elle n’en a pas pour autant oublié son ADN rock. “Positive Charge” et “Little Fires” offrent ainsi aux nostalgiques des réminiscences de ce qui a fait la renommée du quatuor. On retrouve avec plaisir cette énergie punk imprégnée d’une fibre folk. Les riffs d’Alex Rosamilia sont toujours au rendez-vous pour sublimer une rythmique assurée de main de maître par Benny Horowitz derrière ses fûts. (“Mes bras sont larges comme des océans. Comme tu m’as manqué, je me sens bien être en vie“). Des paroles, et des actes donc.

Petit bémol, la fin du disque, historiquement somptueuse dans l’émotion (“Mae/National Anthem”) apparaît ici loin des standards du groupe. “I Live In The Room Above Her” ne tient pas les promesses apportées par son intro massive, tandis que “A Lifetime Of Preludes” est certainement la ballade de trop. On a la sensation de compositions entre deux chaises, pas assez énergiques pour du Gaslight, et pas assez émotionnelles pour du Brian Fallon. De quoi laisser un petit goût d’inachevé à ce retour réussi.

Une fois de plus, The Gaslight Anthem arrive à surprendre en proposant un disque multiple à l’esthétique renouvelée. Plus calme, ce sixième album marque la volonté de suivre les jalons posés par la carrière solo de Fallon plutôt que de poursuivre l’écho des hymnes rock de Handwritten (2012) ou de The ’59 Sound (2008). Cet History Books triomphe dans la subtilité, parvenant à élargir encore un répertoire passionnant. Vivement la prochaine page !

Informations

Label : Rich Mahogany Recordings / Thirty Tigers
Date de sortie : 27/10/2023
Site web : www.thegaslightanthem.com

Notre sélection

  • Empires
  • Michigan, 1975
  • Little Fires

Note RUL

 4/5

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