Chroniques

The Devil Wears Prada – Transit Blues

Il est temps pour la France d’apprécier The Devil Wears Prada à sa juste valeur. Cela pourrait commencer par sortir la chronique à un autre moment qu’un mois et demi après la sortie de l’album, et vous n’auriez pas tort. Seulement voilà, compliqué de parler d’un groupe pourtant très important dans le paysage metal international (ou du moins qui le fut à un moment) mais qui, dans notre beau pays, passe relativement inaperçu. En atteste le fait que le premier concert en tête d’affiche à Paris aura lieu alors que c’est déjà le sixième album (on y ajoute 2 EP et on se trouve avec une formation ayant plus de dix ans de carrière au plus haut niveau).

Souvent considéré comme simple résident de la scène metalcore, le quatuor originaire de Dayton est pourtant bien plus que cela. Exit les premiers amours made in Rise Records, en pleine vague du renouveau metalcore entamé il y a un peu moins de dix ans. Si le combo a retrouvé le label américain (lui aussi en pleine mutation) après une aventure chez Roadrunner Records, il n’en a pas pour autant stoppé son évolution débutée depuis trois efforts studio.

Lorsqu’un disque s’ouvre sur un titre aussi efficace et rentre-dedans que “Praise Poison”, on ne peut qu’envisager la suite sous les meilleures hospices. Rythmique martiale, guitares massives, chant écorché et coupant, refrain fédérateur, tout y est ! Une entrée en matière surprenante par son minimalisme mais qui permet à l’auditeur de pénétrer très rapidement dans l’univers de ce “Transit Blues”. Un parti pris extrêmement pertinent puisque l’ensemble demandera bien plus de fil à retordre pour se laisser apprivoiser que ce que nous pouvions envisager avec cette première chanson. Du chant chaotique de “Daughter”, en passant par le lancinant mid tempo “Flyover States” ou l’électro bruitiste de “Submersion”, TDWP continue les expérimentations déjà entrevues sur le précédent “8:18” (lui aussi mésestimé) du combo. Si la formule était bien plus radiophonique en 2013, cette année le cru Prada ne cherche pas la simplicité et va piocher ses influences dans un spectre bien plus large qu’à l’accoutumée.

On pourra parler de post punk, de spoken word, de noise et d’électro plutôt dark à l’écoute des chansons. Si l’ensemble est cohérent, notamment grâce à une production massive, claquante et profonde, les émotions générées par les chansons nous promènent dans un ascenseur émotionnel permanent. Mike Hranica, chanteur, parolier et compositeur (en partie) du groupe traduit ce titre, “Transit Blues”, par l’état dans lequel il dit se trouver entre deux tournées notamment. Ce mode de vie chaotique n’améliore en rien son état psychique (le dude est en proie à des crises d’anxiété depuis de nombreuses années) et c’est parfaitement ce que l’on ressent à l’écoute de l’essai. La colère et le peur nous envahissent souvent, comme sur le très émotionnel “Lock & Load”, parlant des récents massacres de citoyens blacks ou membres de la communauté LGBT aux Etats-Unis. The Devil Wears Prada offre pourtant un répit plus optimiste, bien qu’emprunt de mélancolie, avec la sublime “To The Key Of Evergreen”. Sûrement le meilleur morceau en terme de songwriting, la chanson alterne passages musclés et moments de grâce véritable avec l’apport de choeurs et d’une boucle de synthé qui vous reste calée dans le crâne des mois durant.

“Transit Blues” n’est pas un album évident à appréhender. S’il offre son lot de headbang, comme d’habitude, les chansons montrent surtout une certaine richesse en terme d’influences et d’ambiances. Ainsi, si cette chronique ne voit le jour que maintenant, c’est parce qu’il aura fallu le temps de se mettre le disque en bouche, de savoir sur quel pied danser. Au final, c’est un album de transition que nous offre The Devil Wears Prada. Nul doute que le futur de la formation s’inscrira dans des registres bien plus pointus que par le passé, et ce n’est pas pour nous déplaire.

Informations

Label : Rise Records
Date de sortie : 07/10/2016
Site web : www.tdwpband.com

Notre sélection

  • To The Key Of Evergreen
  • Praise Poison
  • Submersion

Note RUL

4/5

Ecouter l’album

Nathan Le Solliec
LE MONDE OU RIEN