Chroniques

Sum 41 – 13 Voices

Certains se demandent, non sans humour, en quelle année sommes-nous au vu des retours en force de certaines formations ayant marqué la vague rock des années 90 et 00. Une interrogation à la fois drôle mais également symbolique, montrant que 2016 réserve son lot de surprises et que quelques artistes, désormais inscrits dans la légende, continuent de faire valoir leur sensibilité artistique et leur envie de partager. Ainsi, en plus des nouveaux Green Day et de NoFX, Sum 41 propose ce premier vendredi d’octobre “13 Voices”, le sixième long format de sa carrière et successeur longtemps attendu de “Screaming Bloody Murder” (2011), levant le voile sur les graves soucis de santé et d’alcool du frontman Deryck Whibley.

Passons l’éponge sur l’esthétique obscure et un peu vieillotte de l’artwork de “13 Voices” et intéressons-nous directement au coeur du sujet. Alors que les Canadiens avaient déjà commencé à changer de direction avec “Screaming Bloody Murder”, passant d’un pop rock facile à un rock alternatif sombre et saturé, ce sixième album confirme les nouvelles envies du groupe de retrouver la hargne et l’agressivité de ses débuts. Une étiquette qui justifie le retour dans les rangs du guitariste originel Dave Baksh, à la patte metal évidente, mais également qui dédouane la production acérée et tranchante de ce disque. Car il est évident qu’ici, Sum 41 n’y va pas de main morte, tant sur le plan des paroles critiques et enténébrées que sur le plan musical.

Certes, les structures de ces nouveautés ne sont pas révolutionnaires (la troupe n’est d’ailleurs pas connue pour la complexité de ses titres), néanmoins l’univers global, dans lequel les mélodies s’affichent et témoignent, n’est pas sans rappeler l’ère de “Chuck” (2004), à l’instar des remarqués “There Will Be Blood” et “Goddamn I’m Dead Again”. Ici donc, “13 Voices” rallume les braises d’un feu que l’on pensait éteint, celui de l’anti-mainstream, un lieu où les guitares sont libres de s’exprimer, où les fûts sonnent plus fort que raisonnable, où le discours se veut accusateur. En somme, le résultat d’un catharsis nécessaire et d’une envie de redynamiser le rock contemporain.

Outre le single “Fake My Own Death” à l’aspect brutal en tout point, ce sixième essai studio n’en reste pas moins un disque sensible, un sentiment principalement extériorisé par la voix tantôt meurtrie, tantôt frontale de Deryck Whibley. Témoignage de ses excès, celui-ci incarne ce qui semblerait être véritablement l’opus de la maturité de Sum 41. Non pas qu’auparavant, les Canadiens diffusaient toujours une image immature et enfantine, mais plutôt par rapport aux passifs du frontman, qui influe inévitablement sur le contenu et sur la plaidoirie. Qui sait ce qu’aurait fait la formation si tout était resté ou redevenu comme avant ? Aurait-elle eu l’audace d’écrire le titre éponyme avec le même acharnement ? L’envie de composer l’intro progressive “A Murder Of Crows (You’re All Dead To Me)” ? Aurait-elle eu l’esprit de combativité présent sur “The Fall And The Rise” ? Il faut reconnaître que l’authenticité de “13 Voices” est l’une de ses principales qualités, ce qui permet par conséquent aux Sum de se renouveler avec honnêteté et sans complaisance.

S’il ne fallait écouter qu’un seul disque de Sum 41 aujourd’hui, “13 Voices” serait parmi les premiers choix, d’une part parce qu’il fait musicalement écho à une certaine période de la carrière des Canadiens mais aussi parce qu’il dégage autant de pugnacité que de vérités. On ne peut qu’applaudir Deryck Whibley et compagnie pour ce travail remarquable et explosif, un renouveau du genre et du groupe.

Informations

Label : Hopeless Records
Date de sortie : 07/10/2016
Site web : www.sum41.com

Notre sélection

  • God Save Us All (Death To POP)
  • 13 Voices
  • Breaking The Chain

Note RUL

4/5

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